Issu de l'initiative présidentielle lancée en juin 2016, le gouvernement d'union nationale, présidé par Youssef Chahed, disposait, jusqu'au début de cette année, d'une assise politique assez importante qui lui a permis d'avancer sur quelques dossiers. Après la grande tension sociale vécue en Tunisie en janvier 2018, les signataires du pacte de Carthage ont décidé de relancer les concertations dans le but, à l'époque, de venir en aide au gouvernement. En moins de deux, le sujet des mêmes concertations a rudement changé pour se focaliser sur la nécessité d'évincer l'équipe gouvernementale et à leur tête le chef du gouvernement. Une requête présentée, initialement, par l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) dont le secrétaire-général, Noureddine Taboubi, ne cesse d'expliquer que le départ du gouvernement est une nécessité si l'on veut sauver l'avenir de l'Etat tunisien. Quelques semaines plus tard, le mouvement de Nidaa Tounes, présidé par Hafedh Caïd Essebsi, a rejoint la centrale syndicale dans sa requête et la scène politique s'est rapidement divisée en deux ; les pro-Youssef et les anti-Youssef. L'intervention du chef du gouvernement à la télévision nationale, le 29 mai dernier, a mis de l'huile sur le feu, après que l'intéressé ait directement attaqué le fils du président de la République, en l'accusant d'avoir détruit le mouvement de Nidaa Tounes (faisant entre autres référence aux résultats des élections municipales) et d'avoir nuit à l'Etat tunisien. Plusieurs semaines plus tard, et alors que tout le monde attendait la réaction du chef de l'Etat qui ne venait pas, Béji Caïd Essebsi a fini par sortir de son silence en se positionnant, au cours d'une interview controversée, du côté de son fils, en appelant directement Youssef Chahed à démissionner ou à se présenter auprès de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour le renouvellement de la confiance. Ainsi, le président de la République a donné le coup d'envoi à la débâcle parce que, comme tout le sait, Caïd Essebsi père ne cache jamais sa rancœur et finit toujours par avoir raison de ceux qu'ils considèrent comme traites. De son côté, Youssef Chahed semble bloqué par sa situation en ayant pour presque seul soutien le mouvement islamiste d'Ennahdha ce qui le pose devant deux grandes problématiques qui finiraient, certainement, par avoir raison de lui ; la première est relative à la nature du seul mouvement qui le soutien ; être soutenu par Ennahdha revient à confirmer les rumeurs qui circulent sur le rapprochement entre Rached Ghannouchi et Youssef Chahed, ce qui donne une très mauvaise réputation à ce dernier auprès de l'électorat de Nidaa Tounes qu'il veut récupérer. La seconde problématique, et peut-être la plus urgente à l'heure actuelle, c'est le fait qu'Ennahdha veut que Chahed s'engage à ne pas se présenter aux élections de 2019 en contrepartie de son soutien, ce qui prive le chef du gouvernement de sa principale ambition ; accéder à la magistrature suprême d'ici quelques mois.