Le groupement du secteur privé relevant de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a dénoncé, dans un communiqué rendu public hier, le «manque de sérieux» de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du commerce et de l'Artisanat (UTICA) en ce qui concerne les négociations sociales dans le secteur privé. «Après l'examen de la situation sociale générale et l'évaluation des résultats enregistrés dans le cadre du nouveau round du dialogue sociale, nous dénonçons le manque de sérieux de l'UTICA en ce qui concerne le respect de l'accord conclu le 10 mars avec l'UGTT relatif à la majoration des salaires dans le secteur privé», a souligné le groupement du secteur privé. Le groupement a également fait état d'une «aggravation de la crise économique et politique que traverse le pays» et d'une «hausse vertigineuse de l'indice des prix à la consommation, qui a causé une importante détérioration du pouvoir d'achat des salariés», tout en réaffirmant la «prédisposition de la centrale syndicale à défendre les intérêts des travailleurs par tous les moyens légaux». Le secrétaire général adjoint de l'UGTT chargé du secteur privé, Mohamed Ali Boughdiri, avait annoncé, jeudi dernier, que l'organisation syndicale a revendiqué des majorations de 10,3% de tous les salaires du secteur privé lors d'une réunion tenue récemment avec les représentants des patrons. Il a expliqué que ce taux n'a pas été fixé arbitrairement, mais a été fixé à la lumière de certains paramètres, dont le taux d'inflation, qui a dépassé les 7%, et celui de la croissance, annoncé par le gouvernement (plus de 2% en 2018). «Nous pensons que le vrai taux d'inflation dépasse le chiffre officiel annoncé par le gouvernement», a-t-il indiqué dans ce chapitre. Le responsable syndical a d'autre part relevé l'existence de «quelques divergences avec l'UTICA en ce qui concerne volet réglementaire, et plus particulièrement le respect du droit syndical ainsi que les procédures de titularisation et de recrutement». L'UTICA a cependant jugé les revendications de l'UGTT «excessives au regard de la mauvaise conjoncture économique et du manque de visibilité qui sévissent dans le pays». L'UGTT et l'UTICA avaient accordé le 20 juillet leurs violons sur la centralisation des négociations collectives sur la majoration des salaires dans le secteur privé. La centrale syndicale ne souhaitait pas au départ des négociations centralisées puisque l'accord qui serait conclu au niveau central est susceptible d'être remis en cause à des échelons inférieurs (secteurs ou entreprises en difficultés) comme ce fut le cas lors du précédent round du dialogue social. L'accord initial conclu le 10 mars dernier entre les deux organisations prévoyait en effet des négociations sectorielles, qui devaient prendre en considération les spécificités et la situation de chaque secteur d'activité économique à travers la mise en place de commissions mixtes couvrant les 54 secteurs d'activités économiques régies par des conventions sectorielles (44 conventions collectives sectorielles ont été signées entre l'UGTT et l'UTICA et dix autres ont été signés avec des syndicats patronaux indépendants comme la Fédération tunisienne de l'hôtellerie et la fédération de l'enseignement privé). Les négociations centralisées ne concerneront pas uniquement la majoration des salaires des salariés du secteur privé couverts par les conventions collectives sectorielles. Elles toucheront aussi le volet réglementaire régissant les relations professionnelles à la lumière des mutations après la révolution, dont les nouvelles dispositions de la Constitution de 2014, le Pacte social et le programme national relatif au travail décent. Ainsi, la convention cadre régissant le dialogue social et les 54 conventions collectives sectorielles devraient être révisées pour englober de nouvelles dispositions relatives, entre autres, au classement professionnel, au droit syndical, aux mesures disciplinaires, à la prise en considération de l'expérience professionnelle antérieure, aux délais de titularisation et à la durée des stages et des périodes d'essai. A noter que le précédent round de négociations, qui couvrait les années 2016 et 2017, avait abouti à un accord prévoyant une majoration de 6% du salaire de base et des primes.