Le droit à la vie est inhérent à l'existence de l'individu et aux besoins immédiats qui en découlent, qu'il doit pouvoir satisfaire en toute liberté en vertu de ce droit. Toutefois, et au fil du temps, et avec le développement des sociétés et des formes de pouvoir, l'Etat est intervenu pour régir les relations entre individus , et limiter ces libertés de manière à ce qu'il n'y ait pas d'abus , la liberté de chacun s'arrêtant là où commence celle de l'autre. Le droit naturel , dont découlent tous les facteurs consolidant le droit à la vie, a été donc ajusté par ce qu'on a appelé le droit positif avec cet intervention des gouvernants par des lois qui, selon les régimes limitaient les libertés. Dans les régimes autocratiques la loi prenait sa source dans les principes religieux. Dans le cas de la France il y avait le droit canonique qui a eu une prégnance depuis ses origines, remontant au 3ème siècle chrétien jusqu'à la promulgation du code Napoléon en 1810. La révolution de 1789 a rompu totalement avec ce droit, surtout qu'il y a eu séparation définitive entre le spirituel et le temporel, c'est-à-dire entre l'église et l'Etat. Dans la plupart des Etats arabo-musulmans la source du droit a été la Chariââ dont les principes sont inspirés du Coran et de la Sunna c'est-à-dire les actes et les paroles du Prophète Mohamed. A l'aube de l'Islam, il y eu des écoles d'interprétation qui enrichissaient la Chariâa par leurs différents avis objectifs. Surtout que plusieurs versets coraniques incitent à la réflexion et rejettent les mentalités figées et immuables. Toutefois, avec les tensions qui commencèrent à s'installer dès la mort du Prophète, la Chariâa fut de plus en plus interprétée en fonction des tendances politiques. Cela avait commencé avec Fatma, la fille préférée du Prophète, qui en réclamant sa part d'héritage à Aboubakr premier Calife, successeur de Mohamed, lui fut répondu par celui-ci que le Prophète a recommandé que sa famille n'hérite pas de son patrimoine, à l'instar des autres prophètes. Or, comme elle le fit remarquer elle-même à Aboubakr, que selon la chariâa . En vain, car ce dernier l'avait quand même déshéritée, en se fondant sur une recommandation du Prophète dont Fatma avait mise en doute. Cela a créé une tension entre celle-ci qui fut enterrée à sa mort, la nuit afin d'éviter des troubles par ceux qui l'avaient soutenue. C'est avec cet évènement qu'avait commencé la discorde qui continuera avec les luttes pour le pouvoir entre Mouâouia et Ali cousin du Prophète. Dans la bataille de Siffin, qui les opposa, on avait invoqué une ruse , consistant par Mouâouia à faire mettre au bout des lances de ses soldats une page du Coran. Ali avaient pressenti cette ruse lorsque les soldats s'étaient exclamés : « il n'y a de pouvoir que celui de Dieu » en disant : « Une vérité par laquelle on vise l'injustice ». Cette expression restée célèbre, démontre à quel point la Chariâa a té détournée de son objectif et utilisée depuis, pour des fins politiques et de domination. Le droit positif en Tunisie est certes inspiré de la Chariâa, qui n'est pas figée, mais qui doit au contraire évoluer avec l'évolution des sociétés, pour des fins autres que politiques. Dès l'aube de l'indépendance, le législateur a pu ajuster le droit positif avec la Chariâa , afin d'y suppléer dans les cas d'ambigüité ou de silence. Le droit positif doit évoluer avec l'évolution des sociétés, dans un but de consolider les libertés individuelles et du droit naturel qui est le droit à la vie. Certes nous sommes un pays dont la religion est l'Islam tel qu'il est précisé par la Constitution. Cependant si le droit positif ne doit pas contrevenir à la Chariâa, il est indispensable toutefois que celle-ci serve de repère à bon escient et non de prétexte à faire prévaloir les idées obscurantistes et à préserver de la sorte des intérêts particuliers. Les conflits actuels autour du projet de la commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE) sont malheureusement à ce titre. Une querelle qui ne cessera qu'en faisant appel à la raison, dans l'intérêt général.