"Khalil" est le nouveau roman sous la plume du prolifique Yasmine Khadra.Julliard Khalil est le nouveau roman sous la plume du prolifique Yasmina Khadra, cet ancien officier de l'armée algérienne recyclé en romancier. Et quel romancier ! Ses livres ont été traduits dans quarante-deux langues, adaptés au cinéma, au théâtre. Son nouvel opus est voué à connaître une popularité similaire, tant il est maîtrisé, profond et en résonance avec les inquiétudes de notre époque. Le héros éponyme, Khalil, est un jeune kamikaze qui s'apprête ce vendredi 13 novembre 2015 à faire actionner la ceinture d'explosifs autour de sa taille qui est censé ensanglanter Paris. Puisant sa trame dans la réalité tragique de notre temps, le roman invite le lecteur à comprendre les motivations de son héros et nous entraîne dans les abîmes de sa conscience fragile. Avec une justesse d'analyse, le romancier algérien décrypte ici les vertiges du jeune kamikaze tombé dans les griffes d'une idéologie suicidaire. On ne sort pas indemne de cette plongée dans les ténèbres d'un monde malade de sa brutalité. Ce n'est pas la première fois que Yasmina Khadra s'attaque au terrorisme ou au conflit qui oppose Orient et Occident. Dans les années 2000, l'auteur y a consacré une trilogie remarquable composée de « Les Hirondelles de Kaboul » (2002), « L'attentat » (2005) et « Les Sirènes de Bagdad » (2006). L'action de « Khalil » à l'inverse des autres romans se passe chez nous et débute le 13 novembre 2015. Ce jour là, Khalil devait se faire exploser dans le RER à proximité du Stade de France, mais après qu'il ait actionné le mécanisme au milieu de la foule, rien ne se produit. Il insiste. Rien ! Coupé de ses « frères » d'armes, Khalil se retrouve seul dans un Paris plongé dans la chaos. Le jeune terroriste originaire de Molenbeek ne sait plus vers qui se tourner et comment justifier son échec. Alors qu'il se voyait en martyr adulé, il pourrait bien se retrouver dans la peau du lâche. Comment revenir chez lui ? Comment supporter le mépris des gens et de son entourage pour ceux qui sont tombés pour sa cause ? Yasmina Khadra nous plonge dans l'esprit du terroriste convaincu et nous donne à lire ses pensées. Le problème, c'est que l'auteur prête à son héros et d'autres personnages un langage soutenu peu réaliste. Moins abouti et crédible que sa trilogie du malentendu, « Khalil » n'en ai pas moins poignant. Khalil, par Yasmina Khadra. Editions Julliard, 264 pages, 19 euros. Parution le 16 août 2018. L'Algérien Boualem Sansal dépeint des démocraties en perdition L'Algérien Boualem Sansal s'est fait connaître en 1999 en publiant un premier roman camusien Le Serment des Barbares.Gallimard L'Algérien Boualem Sansal s'est fait connaître en publiant son premier roman Le Serment des Barbares en 1999. Si ce roman a propulsé l'écrivain à l'avant-scène des lettres francophones, c'est parce qu'il a su raconter avec une distance critique et cathartique la tragédie de l'Algérie des années 1990. L'œuvre que ce romancier et polémiste talentueux a construite, depuis la parution de ce premier livre il y a 20 ans, est composée d'une dizaine de romans et d'essais. Ils creusent le thème de l'identité algérienne, s'interrogeant plus particulièrement sur l'emprise de la religion sur les esprits. Son nouveau roman Le train d'Erlingen ou La métamorphose de Dieu qui paraît cet automne s'inscrit dans cette lignée de la critique sociale et politique. L'écrivain algérien explore, à travers une écriture allégorique qui rapproche le totalitarisme religieux du fascisme et du stalinisme, les ravages que cause le fondamentalisme religieux, écrasant sous ses bottes les valeurs humanistes de la liberté et du progrès. A Erlingen, fief cossu de la haute bourgeoisie allemande, assiégé par un ennemi mystérieux qui ambitionne de faire de la soumission à son dieu la loi unique de l'humanité, la population attend l'arrivée d'un train qui va l'évacuer. C'est le train du salut dont l'attente fiévreuse et désespérée est racontée dans le roman par une certaine Ute Van Ebert, héritière d'un puissant empire industriel. Cette histoire est reliée à celle d'une victime de l'attentat islamiste du 13 novembre 2015 à Paris… Il est difficile de résumer Le train d'Erlingen sans le réduire à son intrigue, alors que chez Boualem Sansal le fond et la forme sont intimement liés. Très postmoderniste dans sa structure qui mêle correspondances, extraits de romans et interviews, le récit ici procède par échos et résonances entre les événements et les êtres, faisant de sa lecture, comme l'écrit l'auteur dans le prologue, « un acte initiatique ». Le train d'Erlingen ou La métamorphose de Dieu, par Boualem Sansal. Editions Gallimard, 249 pages, 20 euros. Parution le 16 août 2018.