Chaque année, à l'approche du nouvel an de l'Hégire, les familles tunisiennes qui le célèbrent encore s'emmêlent les pinceaux entre couscous, mloukheya et friandise sucrée. Un véritable casse-tête gastronomique qui aiguise l'appétit. Alors que prépare-t-on à l'occasion de cette fête religieuse et surtout dans quel ordre ? Les célébrations sont souvent l'occasion de se réunir en famille et de préparer certains plats originaux qui allèchent les papilles rien qu'à l'évocation de leur nom. Parmi eux, « kosksi ras el âam», un délicieux couscous de couleur pâle au kadid, une viande séchée, avec amour et patience, au soleil pendant quelques jours jusqu'à obtention d'un goût fumé et bien relevé. Les mamans le répètent sans cesse, on aura beau refaire ce plat à diverses occasions en cours d'année, jamais il n'aura le goût unique et savoureux du couscous du nouvel an. Quel est son secret ? « C'est parce que ce kadid est préparé avec la viande du mouton sacrifié lors de l'Aïd El Kebir et c'est ce qui lui donne sa saveur unique. C'est une viande bénie qui a permis à la famille de se réunir et de célébrer l'une des fêtes de l'islam tous ensemble », explique Hedia une septuagénaire qui se remémore avec nostalgie le repas de famille du nouvel an qui réunissait, des décennies en arrière, la vingtaine de membres de sa famille, entre cousins, oncles, tantes et grands parents, dans le patio de leur maison familiale à la Medina de Tunis. « Nous étions heureux de nous retrouver en si grand nombre et de déguster les délices de notre grand-mère Nana. Nous étions insouciants à cette époque et la vie était vraiment très douce car très simple. Aujourd'hui, le repas de ras el âam réunit tout au plus cinq à six personnes mais heureusement que nos traditions persistent et qu'il est encore célébré un peu partout en Tunisie. » A la question de savoir si le couscous devait impérativement être à la viande séchée, elle répond que normalement cela devrait être le cas mais que parmi ces neveux et nièces, nombreux sont ceux qui n'aiment pas le kadid et qu'il est souvent remplacé par du « osbène », panse farcie ou encore des boulettes de viande. « Je trouve dommage de dénaturer une de nos plus vieilles traditions culinaires mais il faut savoir s'adapter à la nouvelle génération et à ses goûts en matière de nourriture. Je trouve aussi dommage que certaines femmes achètent leur kadid prêt de chez le boucher ou pire encore en grande surface. Le kadid est l'histoire d'une patience et d'un savoir-faire unique qui doit perdurer encore longtemps. Autrefois, les femmes rivalisaient à qui mieux mieux pour préparer le préparer en choisissant avec soin leurs épices, la harissa, la menthe séchée et l'ail dont elles badigeonneront la viande et qui séchera pendant un peu plus d'une semaine au soleil. Gare toutefois aux gouttes de pluie ou encore aux chats qui rôdent, sinon quelle déception ! » L'ordre des Anciens Outre le couscous, d'autres plats sont typiques du nouvel an de l'hégire. On retrouve par exemple les hlélem, une sorte de soupe tunisienne. Depuis quelques années toutefois, elle a presque disparu du menu du nouvel an et pour cause ! Dalila, sexagénaire, explique la raison : « Autrefois, on préparait cette soupe pour que la nouvelle année soit fluide et coule rapidement comme l'eau de la rivière mais aujourd'hui les jours passent trop vite et peut être que les gens aimeraient que le rythme soit moins rapide. Mais la raison la plus probable est que le nouvel an de l'Hégire a lieu depuis quelques années en été et ce n'est certainement pas la meilleure saison pour apprécier cette soupe qui réchauffe. » Autre plat incontournable du nouvel an, la mloukheya cette sauce verdâtre, verte comme l'espoir d'un lendemain meilleur comme le pensaient nos Anciens, qui laisse sceptique à sa vue mais à laquelle on ne peut plus résister une fois qu'on y a goûté. Enfin, il y a le plat sucré qui devrait, en théorie du moins, semer le bonheur dans le cœur de ceux qui le goûtent et leur assurer joie et prospérité tout au long de l'année. Seule problématique, récurrente chaque année soit dit en passant, dans quel ordre préparer ces délices et quels jours choisir ? Nombreux sont ceux qui répondent que le couscous vient en premier, la mloukheya le jour d'après soit la veille du nouvel an et le plat sucré le premier jour de la nouvelle année. D'autres ne sont pas tout à fait d'accord mais tous sont unanimes que les délicieux plats ancestraux qui sont servis tout au long de ces célébrations ne doivent en aucun cas disparaître !