A l'image de quelques régions au Mexique, en Chine, en Argentine, en France, en Espagne, au Portugal, en Egypte (au Mouled), au sud de l'Italie, en Syrie et même au Liban, les Nabeuliens perpétuent depuis le début du XXe siècle la tradition des figurines de sucre. Comme chaque année, les Nabeuliens célèbrent le premier jour de Mouharram de l'Hégire de manière très originale. Si tous les Tunisiens l'accueillent avec du coucous à la viande séchée du mouton de l'Aïd Kébir (kaddid, merguez et osben séché), bien ornementé avec des pois chiches, des amandes, bonbons, des dattes, œufs durs etc., les habitants de la cité des Potiers y rajoutent le charme de figurines au goût du miel : les célèbres poupées de sucre. A l'image de quelques régions au Mexique, en Chine, en Argentine, en France, en Espagne, au Portugal, en Egypte (au Mouled), au sud de l'Italie, en Syrie et même au Liban, les Nabeuliens perdurent depuis le début du XXe siècle cette tradition. «Dans nos traditions, pour les garçons, on leur achète des figurines de sucre en forme de coq et de cheval. Tandis que pour les filles, elles célèbrent cet événement avec des poupées symbolisant une mariée ou une danseuse. Il y en a même qui offrait à ses filles une gazelle et des poissons», ajoute Pr. Ghoul. Ces figurines de sucre ne se limitaient pas aussi aux enfants. En effet, le mari ou bien le fiancé devait acheter une poupée de sucre et l'offrir avec un methred à sa dulcinée. Certes cette tradition demeure intacte, mais tout porte à croire que les festivités ont perdu beaucoup de leur charme cette année. Un charme dénaturé L'Association de la sauvegarde de la ville de Nabeul (Asvn) avait construit tout autour de ces figurines toute une dynamique socio-économique à travers la mise en place d'un festival international et un souk qui n'a rien à envier au marché du Noël en Alsace en France. Malheureusement, pour les festivités de l'an de l'Hégire 1438, les étalages anarchiques, les colorants non-alimentaires ainsi que les methreds de Ras El Âam* en plexiglas étaient les points noirs de cet événement. «Ça fait mal au cœur quand je vois toute cette mauvaise organisation tout autour de ces poupées de sucre. Il faudrait que la municipalité de Nabeul reprenne les choses en main en remettant en place le souk des poupées de sucre du côté du souk de l'artisanat, juste en face de souk El Balgha (babouches) en réservant une vingtaine de places pour les artisans et les revendeurs de ces figurines. De notre côté, l'association informe tous les Nabeuliens que le Festival international des poupées de sucre va reprendre du service l'année prochaine. Mais nous comptons sur l'aide financière des autorités locales surtout pour motiver les artisans en faisant renaître de ses cendres la compétition des meilleures poupées de sucre», souligne M. Foued Daghfous, président d'honneur de l'Asvn et fondateur du Festival international des poupées de sucre. Rappelons que durant ce Festival, le bureau de l'Asvn avait réservé des prix aux trois meilleures poupées avec une valeur totale de 3 mille dinars tunisiens. «Certes, les poupées de sucre incarnent à elles seules une partie de l'identité nabeulienne, mais il ne faudrait pas occulter les conditions de préparation de ces figurines. Aujourd'hui, certains intrus et artisans peu scrupuleux ne se soucient plus des conditions d'hygiène dans leurs ateliers. Pis, on utilise de plus en plus des colorants non alimentaires et nocifs pour la santé sans parler du processus de fabrication où la propreté laisse à désirer. Alors, il est temps de tirer la sonnette d'alarme et d'attirer la Direction des services d'hygiène. Malheureusement, la poupée de sucre n'est plus comestible comme jadis où nos grand-mères utilisaient le sucre de ces figurines pour préparer le thé noir le jour de la Âachoura», fait savoir M. Foued Daghfous. Concernant les origines de cette pratique, les avis diffèrent d'une personne à une autre. Certains avancent la thèse que ces poupées de sucre sont originaires de l'île de Sicile, où on trouve les traditions de la fabrication des poupées de sucre pour les fêtes religieuses telles que celles de Pâques et de la Toussaint. Du côté des citoyens, cette tradition reste de loin un moment de magie qui entretient des souvenirs d'enfance. «Mes parents m'achetaient toujours une poupée de sucre pour ornementer mon Methred. Aujourd'hui, c'est le tour de mes enfants de goûter aux béatitudes de cette tradition. Je viens de payer 30Dt pour deux Methreds que je vais offrir à mes enfants. Une poupée pour ma fille et un cavalier sur un cheval fantasia pour mon fils. C'est toujours un plaisir», fait savoir Nejla Sahli. * Methreds de Ras El Âam: un plat (d'habitude en poterie colorée et émaillée) rempli de friandises et de fruits secs.