A Gafsa, et après avoir mené le navire à bon port, Ben Yahia le laisse à quai, le président ne pouvant plus suivre le rythme faute de moyens. Même cas de figure à Bizerte où la grogne est montée d'un cran suite au tarissement de la caisse du club. Joueurs et staffs technique et médical, n'ayant pas perçu leurs salaires depuis trois mois, sans compter les divers autres émoluments durement gagnés à la sueur du front, et toujours non réglés. A Zarzis, la situation n'est pas meilleure et la crise financière, contrairement aux deux cas précédents, s'est carrément répercutée sur les résultats de l'équipe. Menacée désormais de relégation, l'ES Zarzis risque de connaître le sort de bien des clubs qui, dans un passé récent, rivalisaient avec les meilleurs mais qui aujourd'hui, évoluent à un niveau inférieur, voire dans l'anonymat total. Et pour ne citer que les plus connus, nous pensons à la JS Kairouan qui végète aujourd'hui dans les profondeurs du classement de la Ligue 2. Et si les habituels et historiques mécènes ne répondent pas au signal d'alarme tiré par l'équipe dirigeante en place, le club Aghlabide risque de plonger encore et encore.
Le cas du COT Nous pensons également à un cas encore plus révélateur. Celui de l'illustre Club Olympique des Transports des non moins illustres Mohieddine Habita, Ben Mansour et plus près de nous encore Henchiri, Msakni et Ben Hamouda. Cette formidable usine de talents végète aujourd'hui dans ce qui est l'équivalent de la quatrième division dans l'indifférence totale. Hier, véritable bête noire de toutes les grosses cylindrées de notre championnat de Ligue 1 et pourvoyeur intarissable en footballeurs de classe, l'équipe n'est plus que l'ombre d'elle même, ne pouvant plus compter sur les grands hommes qui l'ont soutenu hier. Et, n'eut été les quelques deniers généreusement offerts par une société publique de transport, dont l'équipe porte le nom, le club phare de Mellassine serait réduit à néant. Voilà où en est aujourd'hui la situation de nos petits clubs et, si on y regardait d'un peu plus près, on constaterait que tous les clubs vivent une situation peu enviable financièrement, hormis les quatre mastodontes que tout le monde connaît.
Le pire est à venir Et les choses risquent d'aller de mal en pis, et le fossé de se creuser de plus en plus tant qu'on continuera à gérer notre sport-roi de la manière actuelle. Le doigt accusateur est pointé ici sur le professionnalisme instauré depuis quelques années et qui est derrière tous ces dégâts. Non pas que nous remettons en cause pareille option, quand on la considère sous son aspect positif. A savoir amélioration du niveau du sport et des joueurs, compétitivité de nos clubs et de notre équipe nationale, travail selon des normes scientifiques... surtout dans le contexte de la mondialisation. Mais voilà, est-ce que toutes les conditions sont remplies pour atteindre les objectifs visés ? Que non ! Pour la simple raison que l'on a décidé, du jour au lendemain, d'étiqueter notre championnat national de label "professionnel", sans toutefois mettre en place les structures d'accompagnement nécessaires. Comme si, demain, on décidait que le dinar puisse être converti en devises, sans tenir compte de tous les paramètres économiques à même d'assurer la viabilité de la convertibilité. Donc, le professionnalisme tel qu'il est appliqué dans nos contrées, n'est en fait qu'une simple étiquette donnée au football. A l'origine, les clubs vivaient dans une situation telle qu'ils se sont trouvés devant l'obligation de s'aligner aux règles et réalités du marché du football. Les transferts s'étaient généralisés, les joueurs étaient devenus des salariés et les dirigeants de moins en moins bénévoles. Il fallait donc établir un nouveau cadre légal à des pratiques déjà en vigueur et qui se sont imposées au forceps. Comment ? Allons-y, disons que c'est du professionnalisme.
Le professionnalisme nécessite des normes bien définies Non le professionnalisme ce n'est pas seulement des footballeurs exclusivement consacrés à leur activité sportive et payés en conséquence, ni des dirigeants transformés en gérants de finances, qui par ailleurs, n'existent justement pas partout. Le professionnalisme c'est des normes, des structures, en somme une organisation bien huilée qui tienne compte des droits et obligations de chaque partie. Sinon comment expliquer cette flambée des montants de transfert, la plupart du temps injustifiée et qui, au final, ne profite qu'aux grands clubs ? Et dès que les clubs formateurs osent exiger une réglementation pour assurer leurs droits, c'est tout de suite la levée de boucliers pour sauvegarder les intérêts des "grands". Les grands clubs eux-mêmes, peut-être ne s'en rendent-ils pas compte, n'ont rien de professionnels dans la mesure où ils ont un simple statut d'associations. Ce qui leur interdit tout accès à des activités commerciales à même de fructifier l'image de marque qu'ils se sont forgée.
L'exemple français Pour rappel, lorsque la professionnalisme a été instauré en France, les associations sportives ont été transformées en sociétés à objet sportif (SAOS). Autre élément essentiel, pour bénéficier du critère d'équipe professionnelle : les clubs doivent également répondre à un cahier des charges strict. Lequel, entre autres, impose l'existence d'une infrastructure et de structures minimums pour les jeunes. A savoir aménagement de terrains spécifiques, encadrement dirigeant, technique et médical doté d'un niveau élevé de formation, le plus souvent plus contraignant que celui de l'équipe première. Et, le poste qui symbolise l'instauration d'un professionnalisme au vrai sens du mot, c'est celui de diplômé en économie et gestion du sport qui doit obligatoirement faire partie de l'organigramme d'un club professionnel. Bon, il est vrai que chacun a ses propres spécifités et contraintes, mais, sans aller jusqu'à transposer un modèle point par point, il y a des normes et des principes incontournables pour construire un projet sur des bases solides et garantir sa réussite. Tel qu'il fonctionne, le football professionnel en Tunisie court tout droit vers la faillite, de la majorité au profit d'une infime minorité, et donc vers la catastrophe. Une remise en cause est inévitable. Tôt ou tard il faudrait rassembler qui de droit autour d'une même table afin d'opérer la vraie "mise à niveau" du football tunisien.