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Peut-on s'inspirer de l'exemple portugais
Publié dans Le Temps le 21 - 09 - 2018

Bien qu'il faille éviter tout jugement hâtif et toute vénération servile en matière de politique économique, personne n'ose contester aujourd'hui qu'il est un pays qui, après avoir traversé il y a peu de temps les affres du purgatoire, affiche désormais un état de santé insolent. Le Portugal.
Les faits en premier lieu : le Portugal n'a presque plus de déficit budgétaire (2% du PIB), bénéficie d'une des meilleures croissances de la zone euro (2,7% en 2017), a fait baisser son chômage (le taux de chômage, qui était monté à 17,5% en 2013, est revenu à 7,9% début 2018), et attire les investisseurs. Le redressement économique du pays s'est réalisé en moins de 2 ans (2016 et 2017) avec une politique pourtant opposée aux demandes de la Troïka (la Commission européenne, la Banque centrale européenne et de Fonds monétaire international). Doit-on parler désormais du miracle ou de modèle portugais? Comment le Portugal a-t-il fait pour atteindre des objectifs qui paraissaient totalement inconciliables : mettre un terme à l'appauvrissement des Portugais tout en gardant des finances publiques équilibrées? Ce succès est-il exportable ? Si oui, la Tunisie peut-elle s'en inspirer ?
Au Portugal, la reprise économique s'explique par plusieurs facteurs. Le premier est celui d'un renouveau du secteur industriel orienté à l'export tels que l'automobile, les chaussures ou encore le textile qui avaient quasiment disparu du paysage. Les industriels sont revenus au pays, à la recherche d'une meilleure qualité professionnelle tout en conservant des coûts salariaux avantageux. Ce retour a été possible grâce à une réforme structurelle du marché du travail, ce qui a donné un sérieux coup de fouet aux industries exportatrices.
La hausse des revenus a aussi joué. En redonnant du pouvoir d'achat aux salariés (le salaire minimum a été augmenté à deux reprises, en 2016 puis de nouveau en 2017, en échange de baisses de cotisations pour les employeurs, puis des mesures économiques à vocation sociale ont été prises : augmentation des retraites et des allocations familiales et baisses des impôts pour les salariés les plus modestes), le gouvernement socialiste, en place depuis novembre 2015, a su gagner la confiance des investisseurs et des entreprises, qui ont pu anticiper un accroissement de la demande interne et une progression de la consommation vers des produits de meilleure qualité.
Cette politique de relance par la demande est dans le même temps tirée par une revitalisation du tourisme grâce - entre autres - à des projets immobiliers haut de gamme. Plutôt miser sur la qualité, donc que sur les prix bas.
Enfin, grâce à une structure du marché de l'emploi dominé par les services, bien plus intrinsèquement flexible au-delà même du droit du travail : ce phénomène est criant dans l'emploi saisonnier en hôtellerie/restauration.
Dès lors, plusieurs voix se sont élevées pour dire que le Portugal est le contrexemple parfait des politiques austéritaires imposées par le FMI aux pays auxquels il venait en aide. Les tenants de ce discours disent que le Portugal a démontré depuis deux ans, qu'une politique inverse aux politiques austéritaires, et donc basée sur une relance par la demande et l'amélioration des protections sociales, pouvait fonctionner.
Que faut-il en conclure ? Que les socialistes portugais ont mené à bien leur redressement contre ou malgré les injonctions de Bruxelles et du FMI ? Faut-il voir dans leur succès celui des contestataires de l'ordre des orthodoxes ?
Comme c'est souvent le cas, la réalité est plus nuancée. Même si la politique de relance par la demande a permis un redressement spectaculaire dans un délai très court, il faut quand même reconnaître que:
- Le Portugal a profité après 2015 de la rigueur budgétaire imposée précédemment par les sociaux-démocrates et de la compétitivité retrouvée. Il faut quand même rappeler qu'à partir de 2013, le pays a été placé sous la surveillance de Bruxelles avec une forte pression pour appliquer des politiques d'austérité et de contrôle des finances publiques. Ces politiques ont eu un succès très mitigé ; au plus fort de l'effondrement du crédit et de la demande, serrer la vis des finances publiques a plongé le Portugal dans un grand marasme. Cependant, ces années d'austérité budgétaire ont aussi permis une remise à plat des finances publiques, de l'économie souterraine et des errements immobiliers, ce dont profite le pays aujourd'hui.
- L'assainissement des finances publiques était donc bien amorcé quand l'actuel gouvernement (socialiste) est arrivé au pouvoir.
- Cependant, l'actuelle majorité portugaise de gauche tout en ne revenant pas sur les coupes budgétaires et les réformes structurelles engagées précédemment (et c'est à ce niveau qu'elle s'est révélée d'une grande intelligence), a sciemment fait fi des dogmes de Bruxelles et de ceux du FMI, en adoptant une politique de relance par la demande : point de nouvelles réformes structurelles du droit de travail pour assouplir les droits des salariés, point d'abaissement de la protection sociale, encore moins de gel du salaire minimum ou des pensions de retraite (bien au contraire, comme indiqué plus haut, le salaire minimum a été augmenté à deux reprises).
- Les mesures de soutien de la demande intérieure ont stimulé l'investissement qui, à 17% du PIB est proche du niveau allemand. Par ailleurs, le gouvernement a favorisé une montée en gamme de l'industrie du pays, sortant du modèle low cost pour relancer ses parts de marché à l'export.
Pourquoi plancher sur le cas du Portugal ? Pour les similitudes qu'il présente avec la Tunisie et pour expliquer qu'une sortie par le haut d'une crise économique est possible.
Au cours des vingt dernières années, ce petit pays (10,3 millions d'habitants et un PIB de 175 milliards d'euros en 2017) a connu plusieurs crises majeures ayant pour toile de fonds, dans un premier temps (1995-2001) une croissance rapide de la consommation entrainant dans la foulée une hausse des importations et un dérapage des salaires détériorant ainsi la compétitivité du pays. Cette situation était la conséquence imprévue de l'anticipation de l'entrée du Portugal dans la zone euro qui s'est traduite par un afflux massif de capitaux étrangers.
En 2002, le gouvernement prend le relais de la dépense en laissant filer le déficit et croître la dette publique. Résultat des courses, un PIB qui se contracte et une dette qui continue à progresser provoquent l'envolée du ratio dettes/PIB. Puis les crises de 2008 et de 2010 vont affecter gravement un Portugal déjà en situation de déséquilibre. La hausse continue des déficits budgétaires et des dettes publiques et privées, l'envolée du déficit de la balance courante, l'arrêt brutal des flux de capitaux du Nord au Sud, la crise du crédit, vont brusquement fermer au Portugal l'accès aux marchés financiers.
Quels enseignements
la Tunisie peut-elle tirer
de l'exemple portugais ?
Même si chaque expérience est un cas unique et qu'il faut se garder de transposer chez nous le modèle portugais sans réfléchir, on est quand même en droit de tirer quelques enseignements.
Premièrement, le premier jalon de tout redressement économique consiste à assainir les finances publiques, ce qui conduit à réduire les déficits budgétaires. Pour le cas de la Tunisie, ceci implique de :
d'une part, faire baisser la part des dépenses de fonctionnement dans le budget de l'Etat, en faisant la chasse aux gaspillages et en remédiant à la désorganisation dans l'administration (aussi bien à l'échelle nationale que locale), en restructurant au plus vite les entreprises publiques (privatiser sans délai celles qui ne présentent aucun intérêt stratégique pour l'Etat), et en procédant à une révision du système de subventionnement généralisé de l'énergie et des produits de base.
D'autre part, augmenter les recettes fiscales, en améliorant le rendement de l'impôt. L'idée générale est d'élargir l'assiette (en limitant au strict minimum la possibilité d'option aux régimes forfaitaires) et de faire baisser les taux d'imposition pour alléger la charge des entreprises et redonner du pouvoir d'achat aux salariés. En desserrant la pression fiscale sur les ménages et les PME, on arrive d'une part, à stimuler la demande des premiers, et d'autre part, à faire baisser les coûts, donc améliorer la productivité des secondes.
En deuxième lieu, l'exemple portugais montre qu'un redressement est possible sans recours à l'arme de dévaluation de la monnaie. Il faut rappeler dans ce cadre, que, quand un pays fait partie d'une union monétaire, il ne peut jouer sur la valeur de sa monnaie. Il ne lui reste que l'arme de ce qu'on appelle la «dévaluation intérieure», c'est-à-dire l'amélioration de la productivité par le biais de la baisse des coûts salariaux unitaires. Au Portugal, en huit ans, de 2009 à 2016, ces derniers ont baissé de 5% alors qu'ils augmentaient en moyenne de 5,5% dans la zone euro, ce qui a donné un sérieux coup de fouet aux industries exportatrices.
Pour revenir au dinar tunisien, il n'est un secret pour personne que la dépréciation continue de ce dernier s'est révélée non seulement un remède inefficace, mais qui risque d'achever le malade. Parce que notre balance commerciale est largement déficitaire (et c'est déjà un grand problème en soi), tout glissement du dinar face au dollar US et à l'euro ne fait que nous enfoncer davantage dans la crise.
En troisième lieu, il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de dire que le FMI n'a pas toujours raison. Le redressement spectaculaire du Portugal a prouvé qu'une autre voie est possible. Loin des dogmes de la Commission européenne et de ceux du FMI, l'accroissement du PIB, grâce à une politique de relance par la demande, a permis au pays de réduire ses déficits et de moderniser ses infrastructures. Ce plan de relance massif, industriel et axé sur les classes moyennes, s'appuyant sur des finances saines laissées par la précédente majorité, explique en grande partie le miracle portugais actuel.
En quatrième lieu, nous estimons qu'il est urgent de revoir le modèle économique tunisien, basé- entre autres- sur le captage des investissements étrangers, que sous-tendent une main d'œuvre peu qualifiée et à bas coûts et des avantages fiscaux à l'exportation. Monter en gamme et s'orienter vers les secteurs à forte valeur ajoutée aussi bien dans le domaine industriel que dans celui des services (les services informatiques, financiers et médicaux, le tourisme culturel haut de gamme…) est une voie à explorer au plus vite. Pour ce faire, il faut moderniser notre outil industriel (pour gagner des points de productivité) et dépoussiérer notre modèle de formation professionnelle afin de l'adapter aux besoins du marché de l'emploi.
En cinquième lieu, changer de paradigme en matière de promotion et de gestion du secteur touristique. Là-aussi, il faut monter en gamme. Le Maroc a bien réussi ce challenge, pourquoi pas la Tunisie ? Pour ce faire, c'est tout le système qu'il faut revoir, du lieu d'implantation des hôtels et des centres de loisirs à la qualité des prestations qui y sont fournies.
En sixième lieu, lutter contre l'économie souterraine et le marché parallèle. 40% du PIB tunisien relèvent de l'économie informelle, ce qui fait beaucoup de tort aux entreprises et prive le pays d'une part non négligeable des rentrées fiscales, notamment en matière de droits de douane et de consommation et de TVA.
Par Mohamed Fessi
*Consultant d'entreprises
et enseignant universitaire


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