Samedi 29 septembre, vers 16h, la Galerie Saladin de Sidi Bou Saïd a organisé une rencontre-débat à la mémoire de l'artiste Habib Chebil qui nous a quittés en 2004. Participaient à cette rencontre des artistes de théâtre, des plasticiens et des critiques d'art ayant côtoyé de près ou de loin l'homme durant son parcours artistique, comme Fathi Haddaoui (acteur), Mohamed Moumen (critique d'art), Sami Ben Ameur (plasticien et académicien en arts plastiques), Brahim Azzabi (artiste-plasticien), Hassen Bjaoui (témoin de Menzel Bourguiba, ville natale de Chebil) et d'autres encore. La séance a été dirigée et animée par Houda Ben Amor qui proposa de classer les témoignages et les discussions en deux volets, à savoir Habib Chebil d'abord en tant que dramaturge et ensuite en tant qu'artiste-plasticien. Mais il parait que les deux disciplines s'enchevêtrent et se complètent chez Chebil, de sorte que les intervenants ne pouvaient dissocier à travers leurs témoignages entre le dramaturge, le metteur en scène et l'écrivain et l'artiste plasticien. M. Ridha Souabni, maitre de céans, a d'abord pris la parole pour adresser à l'assistance un mot d'accueil : « Pour moi, a-t-il dit, dans son court discours d'accueil, j'ai choisi de rendre hommage à H. Chebil parce que j'ai senti qu'il est presque inconnu des nouvelles générations, voire de certains peintres d'aujourd'hui, en organisant cette exposition de ses œuvres et j'ai pensé à cette rencontre-débat en sa mémoire en vous invitant, vous qui connaissez bien l'homme et ses œuvres, pour faire vos témoignages et vos souvenirs que vous avez certainement gardé de cet homme multidisciplinaire qui a fait ses preuves aussi bien en théâtre qu'en art plastique. » Des témoignages impressionnants Fathi Haddaoui qui prit le premier la parole a évoqué des souvenirs émouvants avec Habib Chebil qui lui inculqua dès son jeune âge les principes du théâtre. « C'est à lui, reconnut-il, que je dois toute ma carrière théâtrale : il a lancé au début des années 70 un groupe de jeunes acteurs, tels que Kamel Touati, Zouheira Ben Ammar et bien d'autres, il a mis en scène plusieurs pièces de théâtre, notamment avec la Troupe du Maghreb Arabe de Lamine Nahdi. » Il cita les titres des pièces signées par Chebil dont « El Kafizoune » (1974), « Aouled Bab-Allah » (1976), « Le cirque » (1982 et « L'Empereur ». Ce qu'on peut retenir de H. Chebil, c'est qu'il était un homme solitaire et ce n'était pas un défaut, car la solitude est généralement attribuée aux grands artistes. » Il a enfin proposé de publier un livre qui parle de l'homme et de ses œuvres en reconnaissance à ce grand artiste. Brahim Azzabi, l'artiste-plasticien, a remercié la Galerie Saladin pour avoir pris cette initiative afin de rendre hommage à H, Chebil : « J'ai connu l'homme de près, alors que j'étais à mes premiers pas dans le domaine des arts plastiques. Quand il était professeurs à l'Ecole des Beaux-arts, je l'invitais à l'atelier de peinture pour discuter de mes œuvres artistiques. H. Chebil est pour moi un artiste exceptionnel, il touchait à plusieurs disciplines. Pour le théâtre, il était écrivain, metteur en scène et chorégraphe ; dans les arts plastiques, il était parmi les premiers à introduire l'art abstrait en Tunisie et, en outre, il pratiquait le cinéma amateur. » Azzabi parla aussi de la maladie de H. Chebil et de l'exposition organisée à Chérif Fine Art où les ventes des tableaux lui ont été destinées pour se soigner. Pour Mohamed Moumen, grand témoin du mouvement théâtral en Tunisie, H. Chebil pratiquait le théâtre indépendamment des arts plastiques : « Certains pensent qu'il venait au théâtre pour appliquer ses connaissances en arts plastiques dans ses travaux de théâtre. Loin s'en faut ! H. Chebil est un homme qui considérait le théâtre comme un art à part entière ; il connaissait toutes les techniques propres au travail théâtral. Ses travaux plastiques qui sont d'ailleurs d'une valeur artistique et esthétique indéniable, relèvent d'une autre vocation. » Cependant, M. Moumen a regretté que les œuvres théâtrales mises en scène par H. Chebil n'aient pas été enregistrées. « Il est donc difficile, ajouta-t-il, pour quiconque aujourd'hui de porter un jugement sur la carrière de Chebil sans avoir vu ses œuvres théâtrales. » Sami Ben Ameur, quant à lui, a fait remarquer que H.Chebil avait apporté une vision nouvelle du théâtre en Tunisie. N'empêche que ses connaissances en arts plastiques lui étaient d'un grand apport, car le travail théâtral a sans doute besoin des autres composantes utilisées dans les arts plastiques (couleurs, lumières, ombres, mouvements…) Il a brossé le portrait de H.Chebil à travers les péripéties de sa maladie dont il fut témoin. « H. Chebil est passé par des années difficiles ; il était à la limite du désespoir, si bien qu'il a pensé au suicide ! Ni le public de l'époque, ni le ministère n'ont été conscients de la valeur de cet homme. » Hassen Bejaoui a fait des témoignages de reconnaissance et d'admiration pour cet homme et pour ce qu'il avait fait dans sa ville natale Menzel Bourguiba (ex Ferryville). Il a indiqué que H.Chebil était pour les jeunes de Menzel Bourguiba au cours des années 1960 – 1970 un grand exemple à suivre, c'était le principal initiateur et animateur d'un mouvement important et sans équivalent dans la Tunisie de l'époque connu sous le nom de Club des jeunes de Menzel » Il a souligné la nature qualitative de des activités culturelles entreprises dans ce Club et marquées par l'apport et la marque de Habib Chebil. « En tant qu'artiste, H. Chebil a laissé ses empreintes dans cette ville : il s'agit de la fresque géante, une œuvre d'art, qu'il a peinte sur l'un des murs à l'entrée du club, qui malheureusement a disparu aujourd'hui à cause de l'incivilité des citoyens et de la négligence des autorités locales. » Il fit remarquer que, de son vivant, H. Chebil voulait toujours travailler dans la liberté complète, c'est pour cela qu'il a refusé, malgré les contraintes, d'adhérer au PSD, l'unique parti existant à l'époque.