Le travail en une seule plage horaire — ou « système de la séance unique » — est appliqué chaque été dans l'administration tunisienne, souvent sans réelle évaluation de son impact. Présenté comme une mesure d'adaptation climatique et d'économie d'énergie, ce régime suscite de plus en plus de critiques quant à ses effets sur la productivité, la qualité de service et l'organisation du travail. Historiquement instauré sous le protectorat français en 1921 pour éviter le travail en pleine chaleur, ce système a été conservé après l'indépendance. Aujourd'hui, il revient chaque été entre juillet et août, fixant les horaires entre 8h et 14h30 du lundi au jeudi, et jusqu'à 13h30 le vendredi. Pourtant, aucun ministère ne semble avoir mené une étude sérieuse sur ses effets réels. Les arguments avancés — économie d'énergie, équilibre vie pro/vie perso, meilleures conditions climatiques — ne tiennent pas toujours dans les faits. Des secteurs comme la banque, le privé ou les services de santé continuent à fonctionner en horaires variés, créant un désalignement préjudiciable aux citoyens et à l'économie. De plus, la réduction des heures de guichet entraîne des files d'attente, des erreurs de traitement, et un stress supplémentaire sur les agents publics. Le problème est accentué en été, quand les Tunisiens résidant à l'étranger affluent vers les services administratifs (CIN, passeports, actes fonciers…). Au-delà de la question des horaires, c'est tout le modèle administratif tunisien qui est en cause. Le manque de digitalisation — seulement 120 procédures administratives sur 3 200 sont entièrement dématérialisées — rend la population dépendante de guichets physiques saturés. Les réformes évoquées depuis des années peinent à voir le jour, et l'administration tunisienne reste perçue comme lente, centralisée et inefficace. Faut-il maintenir le système de la séance unique ? Oui, dans certains cas. Mais il est urgent de réintroduire la flexibilité, d'adapter les horaires au public ciblé et d'accélérer la transition numérique. Car l'enjeu n'est pas l'horaire en lui-même, mais la capacité de l'Etat à offrir un service efficace, centré sur l'usager. En toile de fond, cette réforme toucherait également à des enjeux économiques : un investisseur évalue d'abord la fluidité de l'administration avant d'étudier les incitations fiscales. L'amélioration des services publics pourrait donc renforcer l'attractivité de la Tunisie — à condition de sortir d'un cadre figé et de passer à une administration orientée résultats.