Pour sa 33ème édition, le FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur en Belgique), a réuni les amoureux du 7ème Art, de par le monde, pour partager le cinéma. En vrai. En grand. A travers une programmation de longs et courts métrages, rencontres, animations… à l'image du cinéma francophone : riche, éclectique et ouvert sur le monde. En l'espace d'une semaine, la capitale wallonne a vibré au rythme du cinéma qui distille, film après film, des univers, des regards, des questionnements ; l'occasion de découvrir des approches différentes et plurielles proposées par les pays de l'espace francophone, dont les pays arabes : la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. La Tunisie vient de participer à la course au Bayard d'or, (prix suprême du festival), en proposant le court métrage, « Aya », signé Moufida Ben Fedhila et dans la section longs métrages, « Weldi » (Mon fils) de Mohamed Ben Attia, réalisateur de « Hédi » (FIFF 2016), et des C.M. : « Selma » (2014), « Loi 76 » (2011), « Mouja » (2008), « Comme les autres » (kif Lokhrine, 2006), « Romantisme, deux comprimés, matin et soir » ( 2004). Son second long métrage « Weldi » a été projeté une première fois, le mardi 2 octobre 2018 au « Quai 22 », (réservé aux journalistes), puis lors d'autres soirées en public, dont celle du Caméo, le mercredi 3 octobre, en présence de Mohamed Ben Attia. Nous avons eu, encore une fois, l'honneur de le rencontrer, au Théâtre de la ville de Namur pour nous parler de son film et de sa participation à cette 33ème édition du FIFF. Entretien. Le Temps : dans votre premier long métrage « Hédi », vous traitez des rapports parents-enfants. Dans « Weldi », c'est toujours la société tunisienne et à travers elle, sa jeunesse, particulièrement, ces jeunes qui claquent tout pour partir au « djihad ». En quoi ce thème vous motive t-il ? Ne pensez-vous pas qu'il a suffisamment été radoté au cours des huit années après la Révolution ? Mohamed Ben Attia : selon vous, le sujet a été revu par combien de films ? Trois peut être, dont « Fleur d'Alep » de Ridha Béhi ? A mon avis, comme la question est assez importante et grave, il est nécessaire de la traiter autant de fois, et je ne crois pas qu'on ait fait suffisamment le tour des choses. Je ne pense pas non plus, que le film tourne essentiellement autour de la problématique de Daech. « Weldi » parle de nous, de nos choix, de ce qu'on décide de faire, du couple, de la paternité, de ce que c'est le travail, la retraite, et surtout, du paradoxe entre notre envie de vivre en couple, notre incapacité de la vivre pleinement, et notre peur de vivre seul. * Combien de temps a-t-il pris le tournage, et quelles en ont été les difficultés ? -Effectivement, on a eu beaucoup de problèmes au niveau des autorités turques puisqu'une partie du film se passe à Istanbul et sa banlieue. Les Turcs trouvaient le sujet très délicat. Selon eux, ils ne voulaient pas être mêlés ni associés au « djihad », ils étaient dans une passe de déni. Le tournage a pris en tout, 7 semaines ; à Radès principalement, au lycée Ezzahra, dans les hôpitaux, dans l'avion et surtout, dans l'appartement à Radès Fôret. Les conditions de travail étaient épuisantes, puisque le tournage eut lieu en hiver, alors que l'histoire du film se passait en été. Les séquences du port étaient également difficiles pour des raisons de sécurité. Sinon, tout était OK, grâce aux facilités accordées par nos ministères ; ceux de l'Intérieur, des Affaires Etrangères, de l'Environnement, de la Santé et de l'Education. *« Weldi » est une coproduction, (Tunisie-Belgique-France – Qatar). Cela dénote t-il d'une quelconque influence de l'une de ces parties, quant à vos choix et vos options dans le traitement du film ? - Aucune influence d'aucune partie. On ne m'a jamais demandé de changer même une ligne du scénario. *A la fin du film, la mère prend ses valises et change de lieu de résidence. Quant au père, il reprend son rythme habituel de vie comme si de rien n'était… Cela nous semble un peu excessif comme réaction à la suite d'une perte de son enfant. -C'est tout simplement, l'éclatement du couple. Un éclatement qui intervient dans la mesure où le fils était le seul lien. Le couple ne communique qu'à travers Sami et il n'a pas survécu après sa disparition. Cet enfant unique était comme un projet de vie. *Pourriez-vous expliquer votre choix du casting, (Mohamed Dhrif, Mouna Mejri et Imène Chérif), qui ne nous semble pas hélas, très convaincant ? -Mohamed Dhrif qui campe le rôle du père, (Riadh), est un acteur qui a joué quelques autres rôles, au théâtre et au cinéma, dont « Rih Essid » de Nouri Bouzid. C'est Salem Daldoul, directeur du casting qui l'a choisi. Mouna Mejri, (enseignante d'arabe) qui joue le rôle de la mère, (Nazli), c'est Majd Mastoura, (acteur principal du film « Hédi ») qui l'a proposée ; elle est sa mère. Quant à Imène Chérif, (chanteuse), c'était l'idée de Dorra Boucoucha, (Nomadis film). J'étais un peu sceptique au début, avec des préjugés très bêtes, car je ne la voyais pas incarner le rôle de Samah. Finalement, j'ai trouvé que Dorra avait raison en me conseillant le profil demandé. Vous savez, le cinéma n'est pas une science exacte, et je peux comprendre que certaines personnes peuvent être touchées plus que d'autres. *A part Namur, où est- ce que le film a été présenté, et quelles seront les prochaines destinations pour sa projection ? -Avant Namur, « Weldi » a été présenté cette année, à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, et sélectionné au festival international du film de Karlovy Vary, puis à Vienne, en Suisse, au Canada et à El Gouna en Egypte, où il vient de décrocher le prix de l'interprétation masculine. Prochainement, le film s'envolera pour la Chine, la France (Paris et Montpellier), Rome, Bonn, Oslo, Chicago, Londres, Marrakech, Turquie, Inde, Taiwan… Espérons qu'il récoltera d'autres prix.