Le Temps-Agences- Les droits fondamentaux, dont certains sont suspendus depuis l'instauration de l'état d'urgence au Pakistan le 3 novembre, seront rétablis dès aujourd'hui quand le président Pervez Musharraf lèvera, comme il a promis de le faire, cette loi d'exception, a assuré hier Islamabad. Les rassemblements publics étaient interdits, les libertés d'expression et de mouvement avaient en théorie subi des restrictions, notamment dans les médias. La plupart de ces interdictions n'étaient toutefois pas respectées à la lettre, les manifestations étaient tolérées même si certaines étaient sévèrement réprimées, et la presse, notamment écrite, n'a pas cessé de critiquer, parfois vertement, le pouvoir de M. Musharraf. "Tous les droits fondamentaux des citoyens seront restaurés avec la levée de l'état d'urgence samedi", a déclaré le procureur général du Pakistan, Malik Qayyum, qui est l'avocat principal du gouvernement. Les Pakistanais pourront donc de nouveau attaquer devant la justice des actes qu'ils estimeront constituer des violations de leurs droits, a précisé le haut magistrat, un proche du chef de l'Etat. Mais M. Qayyum a annoncé que ni le décret du président Musharraf imposant l'état d'urgence le 3 novembre, ni les actes des autorités sous ce régime d'exception ne pourront être attaqués devant la justice. Plus de 5.000 personnes, selon les chiffres officiels, ont été arrêtées ou maintenues en résidence surveillée en vertu de l'état d'urgence et en dehors de tout contrôle de la justice depuis le 3 novembre. Elles ont toutes été libérées en dehors d'une trentaine d'entre elles, toujours selon les autorités. M. Musharraf, poussé par la communauté internationale comme par l'opposition à lever l'état d'urgence avant les élections législatives et provinciales du 8 janvier, avait imposé cette loi d'exception en invoquant l'immixion du pouvoir judiciaire dans les prérogatives de l'exécutif et la menace islamiste. Si la seconde raison était bien réelle, le pays vivant depuis plus de quatre mois une vague d'attentats meurtriers sans précédent et une progression inquiétante des combattants proches d'Al-Qaïda et des talibans dans le Nord-Ouest, la première a déclenché un tollé dans la communauté internationale. L'opposition, comme les capitales occidentales, estimaient en effet que M. Musharraf, au pouvoir depuis un coup d'Etat sans effusion de sang il y a plus de huit ans, a imposé l'état d'urgence pour mettre au pas un ordre judiciaire qui contestait de plus en plus son pouvoir, dans les prétoires comme dans la rue. Vainqueur le 6 octobre de la présidentielle au suffrage indirect des assemblées nationales et provinciales sortantes, il n'avait pas pu immédiatement être déclaré réélu pour un second mandat, la Cour suprême, saisi sur son éligibilité par l'opposition, ayant suspendu la proclamation des résultats à son jugement. Devant l'hostilité de la majorité de ses juges, M. Musharraf les avait donc évincés dès le lendemain de l'état d'urgence et c'est une Cour suprême remaniée à sa main qui a validé sa réélection le 22 novembre. Et le 29, le chef de l'Etat annonçait qu'il lèverait l'état d'urgence avant le 16 décembre. Mais l'opposition, qui assure que les élections du 8 janvier ne seront pas "libres et équitables", continue de réclamer le rétablissement des juges suspendus avant le 3 novembre, notamment au sein de la Cour suprême, alors que le gouvernement les a définitivement mis à la retraite d'office et maintenu les plus hostiles en résidence surveillée. Cependant, cette opposition, profondément divisée, à l'image de ses deux leaders, les ex-Premier ministres Benazir Bhutto et Nawaz Sharif, n'a pu s'unir derrière une menace de boycott du scrutin si l'ordre judiciaire d'avant l'état d'urgence n'était pas restauré, et les principaux mouvements ont annoncé leur participation aux élections.