Pour mieux comprendre la situation, il nous faudrait tout d'abord réaliser l'ampleur des dégâts occasionnés par ce phénomène et s'arrêter sur les vraies causes qui poussent des milliers de nos familles à engager des frais supplémentaires et très lourds, eu égard à leur pouvoir d'achat, pour financer des cours particuliers pour leurs enfants. Pourquoi le coût annuelde ces cours a atteint des enveloppes colossales estimées à un milliard de dinars (d'après l'OTOC:l'Organisation Tunisienne d'Orientation du Consommateur),alors que notre constitutionimpose à l'Etat de garantir à tous nos enfants qui ont atteint l'âge de scolarisation, un enseignement public gratuit? Nos parents sont-ils devenus fous à un point qu'ils choisissent de gaspillersans raison d'importantes sommes d'argent, alors qu'ils n'arrivent pas à subvenir à leurs besoins essentiels inhérents à la santé, au logement, à l'habillement et à l'équipement et qu'ils n'arrivent pas à joindre les deux bouts à la fin de chaque mois? Arrêtons-noussur le sens qu'on doit adjoindre à ce montant de 1000 milliards que notre société réserve annuellement pour financer les cours particuliers. Cette enveloppe représente en fait plus de 30 % du budget de ministère de l'Education réservé aux salaires de son personnel enseignant. C'est-à-dire qu'elle doit permettre de disposer des ressources humaines nécessaires pour faire fonctionner plus de 2000 établissements scolaires. De ce fait l'enseignement privé non réglementé est devenu réalité, et l'enseignement public gratuit, avec les exigences de qualité et d'égalité, est devenu un rêve. Et si l'on suppose que seulement 20 % de nos familles se permettent "le luxe" de financer ces cours particuliers alors que ces familles participent par le biais des impôtsau financementde l'école public. Donc les parents concernés financent deux fois l'éducation de leurs enfants alors que l'Etat est tenu de garantir ce service public gratuitement. Et quand le ministre de l'Education s'engage à déclarer la guerre aux cours particuliers et manifeste son intention de mieux les encadrer, il a omis de nous dire que son prédécesseur a affirmé la même chose et a entrepris la même démarche, il y a plus de deux ans. Il avoue par la même occasion l'incapacité de nos écoles publiques à exécuter leurs missions correctement et d'atteindre les objectifs qui leurs sont assignés. Pour remédier définitivement à cette situation, il nous faudrait préalablementdiagnostiquer ses causes. Ce ne sont en fait ni les parents ni les enseignants qui sont à l'origine de la prolifération du commerce des cours particuliers chez nous. C'est une résultante de l'incapacité de l'Etat à sauver l'école publique devenue, depuis plus de deux décennies,inapte à fournir un enseignement de qualité qui doit permettre à un élève d'une intelligence ordinaire, d'acquérir l'essentiel de ses besoins en connaissances pendant les heures de cours en classe. Les parents se sentent alors obligés de chercher un soutien supplémentaire, bien évidemment par le biais de cours particuliers, pour combler les carences et garantir à leurs enfants le maximum de chance pour progresser correctement dans leur cursus scolaire. Il faut admettre que les cours particuliers sont devenus un élément essentiel de notre système éducatif, mais insuffisanten tant que tel pour garantir la réussite de nos enfants. Notre système éducatif avec toutes ses composantesvit aujourd'hui une situation critique et nécessite d'être sauvé par le biais d'une intervention immédiate et d'ampleur et par des acteurs professionnels et responsables. Tous les spécialistes, toutes les études et tous les rapports le confirment. Le plus grave pour nous serait de continuer à gérer notre école comme si elle ne souffre d'aucune défaillance et de s'entêterà proposer des solutions de rafistolage et d'opportunisme. En effet, il n y a aucune utilité de continuer à annoncer des décisions ou des stratégies qui ne tiennent comptent que de la situation délicate que vit notre société ainsi que des échéances politiques et professionnelles, alors que nous savons pertinemment que la situation serait radicalement différente demain quandles défis et les priorités ne seront plus les mêmes. La solution radicale et définitive pour combattre les cours particuliers, n'est pas de leur déclaré la guerre, mais de reformer notre politique en matière d'éducation et notre école pour qu'elle respecte les normes de qualité reconnues partout dans le monde et pour qu'elle devienne égalitaire, équitable, solidaire, et réellement gratuite, quand on parle de l'enseignement public. * Président de l'ATUPE (Association tunisienne des parents d'élèves)