Les Journées cinématographiques de Carthage ont été fondées par Tahar Cheriaa et ses compagnons qui ont ensuite été relayés par de nouvelles générations. Cinquante ans plus tard, entre cinéphilie et engagement, le passage de témoin se poursuit avec la même étincelle, le même désir et le même esprit ouvert Comment commencer cette nouvelle édition des Journées cinématographiques de Carthage sans une pensée pour des générations de militants de la cinéphilie, de compagnons et d'amis - parfois disparus - qui ont ouvert la voie et, avec une grande intelligence, su maintenir à flots ce festival souvent pris pour cible par bien des réactionnaires désireux de brider l'élan culturel. Dans cette brève évocation, je n'évoquerai pas les cinéastes même s'ils furent et demeurent la chair vive du festival, son socle inébranlable. Tunisiens ou étrangers, ces cinéastes ont tous laissé leur trace, ne serait-ce qu'une ligne dans un catalogue ou le souvenir d'un débat au deuxième étage de la Maison Ibn Khaldoun. Le socle humain d'un festival pas comme les autres Comment par exemple oublier Nadia Attia qui fut la première femme à diriger les JCC au tournant du nouveau siècle. Cheville ouvrière du département Cinéma au ministère de la Culture, Nadia Attia a largement contribué à moderniser les JCC, les démocratiser en les ouvrant davantage sur les jeunes et les régions. Cette grande directrice des JCC a d'ailleurs ouvert la voie à Dorra Bouchoucha qui, quelques années plus tard, lui succédera dans ce rôle et, à son tour, permettra au festival de faire des pas décisifs. C'est en effet au patient travail de Dorra Bouchoucha et aux convictions du ministre Abderraouf Basti que nous devons le passage des JCC à un rythme annuel. Depuis, le festival a fait beaucoup de progrès et, sous la houlette de Néjib Ayed, continue à défricher de nouveaux horizons. En tous cas, la périodicité annuelle a fait beaucoup de bien aux JCC, amélioré leur ancrage et leur visibilité et surtout consolidé leur attractivité. Il serait difficile dans un bref article de rappeler l'apport de chacun à la longue histoire du festival. Toutefois comment ne pas mentionner Ali Zaiem qui, en fonction, a été l'un des plus fervents défenseurs des JCC? Comment ne pas mentionner les Fathi Kharrat, Mounir Fellah, Afif Maherzi, Mohamed Challouf et autres Hassen Alileche dont la permanence dans l'organisation du festival a beaucoup fait pour sa stabilité? Ils sont si nombreux ces militants des JCC qu'il vaut mieux ne pas tenter d'être exhaustif, en attendant qu'un jour, un balayage systéâtique de l'histoire du festival ne rende l'hommage qu'ils méritent aux Samira Dami, Mohamed Moumen, Hédi Khelil ou Kamel Ben Ouanés et Khémais Khayati et Abdelkarim Gabous qui ont, par leurs écrits tant donné aux JCC. Mustapha Nagbou et Moncef Charfeddine, nos trésors vivants Comment dans ces circonstances ne pas mentionner les deux métronomes qui, après de longues années de service, demeurent la mémoire vivante des JCC. En effet, véritables trésors vivants, Mustapha Nagbou et Moncef Charfeddine sont des repères incontournables. Ils ont suivi le festival dès ses débuts et ont contribué à lui donner ses lettres de noblesse. Ils ont aussi participé de l'aventure de la cinéphilie en Tunisie, animé des revues, promu des films et diffusé le septième art. Aujourd'hui, c'est vers eux que se tournent notre mémoire cinématographique et notre souci de reconnaissance. Qu'attendent d'ailleurs les JCC pour leur rendre un hommage mérité? Bien sûr, Tahar Cheriaa occupe une place à part dans l'histoire du festival dont il fut l'infatigable animateur et le défenseur convaincu. Aujourd'hui disparu, le principal fondateur des JCC a rejoint bien des compagnons de la première heure à l'image des Sophie El Goulli, Moncef Ben Ameur, Tijani Zalila, Nouri Zanzouri et autres Hamadi Ben Mabrouk. Tous ceux là font partie de la génération des pionniers et ne sauront être oubliés. C'est vrai, comme Mondher Gargouri ou Mohamed Mahfoudh, ils sont nombreux à nous avoir quitté mais leur rayonnement demeurera. La génération des pionniers La reconnaissance chevillée au coeur, entrons dans cette nouvelle édition des JCC avec une pensée également pour Omar Khlifi qui aura longtemps été le mal-aimé du festival mais qui fut l'incontournable fondateur du cinéma tunisien moderne avec "Al Fajr" en 1966. Je sais, j'ai certainement oublié des noms, des incontournables aussi, de ceux que j'ai côtoyé des décennies durant. Toutefois, cette brève évocation jaillit du coeur et concerne et englobe toutes celles et ceux qui ont écrit des pages de l'histoire des JCC, de Chedli Klibi à Hamadi Essid, du plus simple des projectionnistes au plus brillant des Tanit d'or. Alors que les JCC 2018 ne font que commencer, ces quelques lignes sont certainement destinées aux plus jeunes, ceux qui n'ont pas connu cette aventure héroique qui consisté à sortir ce festival de l'ombre t le placer sous les feux de la rampe. La reconnaissance et le passage de témoin ont ainsi constitué un outil fondamental dans la longue histoire des JCC. Ancré dans une démarche engagée, ce festival, contrairement à beaucoup d'autres, a été construit par des militants qu'il soient fonctionnaires, producteurs, réalisateurs, scénaristes, comédiens, musiciens ou simples cinéphiles. Les JCC procèdent ainsi d'une transmission et d'un combat et, à ce titre, n'oublient pas leurs militants de plusieurs générations.