Le plus ancien des festivals du cinéma du sud avait besoin d'un refondateur et pourrait l'avoir trouvé en la personne de Néjib Ayed, un fin connaisseur du domaine cinématographique. Portées par une nouvelle dynamique et se trouvant confrontées à un nouvel environnement international, les JCC ont désormais un devoir de continuité dans l'innovation... Les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) ont enfin un nouveau directeur en la personne de Néjib Ayed, un fin connaisseur du monde du cinéma. Il succède à Brahim Letaief et aura probablement pour mission de recadrer les JCC et rétablir la philosophie perdue de ce festival. Conçues comme un forum international adossé à une compétition ouverte aux films arabes et africains, les JCC au fil des sessions ont quelque peu perdu de leur esprit militant et de leur capacité de brassage des idées au profit d'un brin de glamour et d'une animation qui est allée, il est vrai dans les régions et les universités, mais sans laisser d'empreinte palpable. Ces dernières années, les JCC ont aussi subi la concurrence de plusieurs nouvelles manifestations mieux dotées qui ont attiré les cinéastes vers elles, reléguant le plus ancien des festivals cinématographiques du sud à un rang de comparse. Ainsi, de nombreux cinéastes arabes et surtout africains se sont détournés des JCC brocardant l'amateurisme d'un festival que certains sont allés jusqu'à qualifier de "has been". Un contexte difficile C'est dans ce contexte relativement défavorable, avec une manifestation qui tente de réussir son passage à un rythme annuel et non plus biennal, que Néjib Ayed hérite de la responsabilité de directeur des JCC. L'homme est connu pour sa grande rigueur et aussi son ingéniosité et ses réseaux en Afrique et dans le monde arabe. Connaisseur s'il en est du monde du cinéma, Néjib Ayed est appelé à remettre du sens dans la maison JCC et rendre son lustre entamé à ce grand festival. Son profil correspond bien à celui d'un animateur perspicace à même de donner un nouveau cap aux JCC tout en respectant les fondamentaux de cette grande manifestation culturelle. Une remarque s'impose. Les JCC ont été fondées par un fonctionnaire de l'Etat tunisien. En effet, Tahar Cheriaa en créant cette manifestation ne faisait qu'aller dans le droit fil des orientations du ministère des Affaires culturelles. Et, indiscutablement, les JCC sont un festival d'Etat qui s'est peu à peu ouvert à la société et aux professionnels du cinéma. Ne l'oublions pas toutefois: Tahar Cheriaa était un commis de l'Etat mais doublé d'un cinéphile. Cette double casquette de Cheriaa et son appartenance au mouvement tunisien des ciné-clubs ont fait que dès ses débuts, le festival a eu une identité ouverte et non pas celle d'un mastodonte stalinien issu d'une quelconque nomenklatura. Ce point est essentiel car d'une part,il explique la relation quasi-fusionnelle entre les JCC et les associations cinématographiques de Tunisie et d'autre part, il fait l'alliage même qui légitime les JCC c'est à dire la capacité de constituer un creuset réunissant l'expertise d'un ministère et la dynamique des forces vives. Une tradition qui ne se dément pas Pendant longtemps, le directeur des JCC et leur secrétaire général étaient issus des rangs du ministère des Affaires culturelles. Nous pourrions citer bien des noms à l'instar de Moncef Ben Ameur ou Nadia Attia, première femme à avoir dirigé les JCC en 1998. D'ailleurs, cette tradition se maintient puisque Fethi Kharrat, actuel directeur du Centre national du cinéma et de l'image (CNCI) demeure l'une des chevilles ouvrières incontournables du festival et l'un des tenants d'une longue symbiose entre le ministère et les journées. Les JCC ont aussi eu à leur tête des producteurs qui sont en général passés par la case réalisation à l'instar de Ahmed Attia, Brahim Letaief ou Dora Bouchoucha. Cette tendance est surtout celle des dernières années et se poursuit aussi puisque Néjib Ayed est lui aussi producteur. Par ailleurs, des universitaires cinéphiles comme Mohamed Mediouni ont aussi tenu les rênes des JCC et constituent une autre alternative. Notons toutefois que Médiouni était aussi à un moment le président de la Fédération tunisienne des ciné-clubs. On voit ainsi que grosso modo, dans leur histoire proche ou lointaine, les JCC ont eu des directions successives qui alliaient le profil des fonctionnaires à ceux des universitaires, des cinéphiles et des producteurs. Un directeur expérimenté et consensuel Cette tendance demeure la règle avec la nomination de Néjib Ayed qui a véritablement le profil d'un candidat consensuel et compétent. Ayed connait bien la FTCC pour y avoir exercé de hautes responsabilités. Il a une longue expérience du domaine grâce à son passage à la Satpec alors à son apogée. Il a participé aux JCC depuis leur création et connait parfaitement le festival. Il a aussi fondé plusieurs manifestations dont le FIFEJ et contribué à réunir les associations de cinéma. Nous ne doutons pas qu'il pourrait être le directeur que les JCC attendent pour retrouver du sens, un ancrage et de nouvelles perspectives théoriques et pratiques. Cette nomination est ainsi une bonne nouvelle et devait être confirmée officiellement hier mercredi. Il reste maintenant au nouveau directeur à prendre ses fonctions et assigner un nouveau cap aux JCC tout en assurant une continuité à un festival qui compte parmi nos fleurons et doit le rester.