Parmi les fondateurs des JCC, seul Tahar Cheriaa a amplement récolté sa part de lauriers bien mérités. Avec lui, les militants du progrès culturel et de la diffusion cinématographique étaient relativement nombreux et mériteraient eux aussi les honneurs. Parmi ces relayeurs de la cause culturelle, Khelifa Chater occupe une place à part et demeure le denier fondateur vivant des JCC. N'est-il pas temps de saluer son parcours? La nouvelle session des JCC approche à grands pas et le public cinématographique s'apprête à un véritable festin. On dévorera en effet de la pellicule au début du mois de novembre avec une édition qui s'annonce des plus riches. Désormais dirigées par Néjib Ayed, un militant historique de la Fédération tunisienne des ciné-clubs (FTCC), les JCC retrouvent tout leur dynamisme ainsi qu'un projet rénové qui ne manquera pas de former un alliage entre les aspirations des fondateurs et les urgences de l'époque. Le dernier représentant de la génération des fondateurs Car, de l'avis de nombreux observateurs, les JCC ont souvent perdu en chemin ce qui les fonde et l'arrivée de Ayed est de nature à un retour aux sources qui soit raisonné et efficace. Dans cette optique, on se demande ce qu'attendent les JCC pour honorer Khelifa Chater, le dernier des fondateurs des JCC qui soit de ce monde? Universitaire, historien émérite, militant historique de la FTCC, Chater est en effet l'un des fondateurs du festival arabo-africain et l'un de ses animateurs les plus engagés. On a trop tendance à l'oublier en attribuant tout le mérite de l'existence de ce festival au regretté Tahar Cheriaa. S'il est vrai que Cheriaa a constitué le théoricien et la cheville ouvrière des JCC, il n'en reste pas moins qu'il était loin d'être seul à la tête des JCC. Le festival doit beaucoup à des militants comme Moncef Ben Ameur, Tijani Zalila, Nouri Zanzouri ou Hamadi Ben Mabrouk. Sans revenir sur tous ceux qui ont écrit les premières pages de l'histoire des JCC, force est de constater que Khelifa Chater est le dernier survivant de cette génération et un trésor pour la mémoire des JCC. Toujours actif dans la recherche historique et les relations internationales, Chater est l'auteur de plusieurs ouvrages et présente régulièrement des communications dans le cadre de colloques scientifiques. Il est de plus l'auteur de très nombreux textes critiques sur le cinéma tunisien et international dont certains paraissent encore dans la presse nationale. Les amateurs de cinéma se souviennent aussi de sa contribution dans la revue "Nawadi", l'organe de la FTCC. Malgré cet activisme intact, l'expérience de plusieurs décennies et une connaissance sans faille des JCC et leur histoire, Khelifa Chater est superbement ignoré par le festival et il serait de bon ton que Néjib Ayed répare cette injustice flagrante. Entre amnésie et déni de reconnaissance Dans plusieurs domaines culturels, l'amnésie est toujours la règle et on a souvent vu des artistes et militants culturels de premier plan oubliés alors qu'ils constituent la mémoire vivante de nos arts et les passeurs de relais véritables. Cette amnésie est tout simplement déplorable et n'honore personne. Il est temps que cette forme d'ingratitude cesse d'être la règle pour que soit véritablement consolidé le travail culturel. Ce trop bref plaidoyer en faveur d'un hommage reconnaissant à Khelifa Chater tombera-t-il dans des oreilles qui ont d'autres chats à fouetter que la reconnaissance des fondateurs? Ou bien Tahar Cheriaa demeurera-t-il l'arbre consacré qui cachera à jamais toute une génération qui a tant donné à la culture, au cinéma et aux JCC?