Maintenant, les jeux sont faits et le remaniement tant attendu a eu lieu, donnant une nouvelle physionomie au gouvernement sujette à plusieurs lectures, avec, notamment et ce qui est plus important, le maintien des ministres nidaïstes et nahdhaouis à leurs postes, malgré les réticences de la présidence de la République, avec des déclarations des deux porte-paroles qui ont exprimé la position reflétant une grande colère contre les agissements de Youssef Chahed. Annonçant le remaniement qui concerne 18 portefeuilles, Chahed avait déclaré qu'il a opéré conformément aux attributions conférées par la Constitution pour "davantage d'efficience à l'action du gouvernement". Il a ajouté que la démarche suivie pour opérer ce remaniement depuis le premier gouvernement annoncé le 20 août 2016, a-t-il dit, est basée sur l'adéquation entre les exigences de la compétence et de l'aptitude à être au service des citoyens. Cela outre, a-t-il ajouté, le dialogue établi avec les acteurs politiques pour la constitution d'une équipe gouvernementale solidaire, cohérente et responsable œuvrant à mettre fin à la crise politique actuelle, à la réalisation de la stabilité du pays et au règlement des dossiers en suspens. Conformité à la Constitution Certes, ce remaniement n'était pas du goût de la présidence de la République, surtout que la porte-parole Saida Garrach a indiqué lundi que Béji Caïd Essebsi n'est pas d'accord avec la démarche suivie par le chef du gouvernement en ce qui concerne le mouvement "fait à la hâte et pratiquant la politique du fait-accompli". Toutefois, cette réaction, comme celle d'ailleurs de Noureddine Ben Ticha, conseiller à la Présidence et qui semble ne pas connaître les dispositions de la Constitution, est inadaptée et, même, n'a pas sa raison d'être, surtout que le chef du gouvernement dispose de cette prérogative, comme l'a fait remarquer Kaïs Saïed, professeur en droit constitutionnel Il a affirmé que le chef du gouvernement n'est pas obligé de se concerter avec le président de la République Béji Caïd Essebsi au sujet du remaniement, à l'exception de la nomination des ministres de la Défense et des Affaires étrangères, conformément à l'article 89 de la Constitution. KaIs Saïed a estimé que le différend entre Carthage et la Kasbah est d'ordre politique et qu'il n'existe aucun empêchement constitutionnel pour le chef du gouvernement de décider un remaniement ministériel sans consulter le président de la République. Et d'ajouter "le différend politique risque de se compliquer davantage si le président de la République refuse de signer le décret de nomination des nouveaux ministres et s'il reporte la cérémonie de prestation de serment sans en fixer la date". Car, a-t-il rappelé, l'article 89 stipule que les nouveaux membres du gouvernement sont appelés à prêter serment devant le président de la République. Abordant le vote de confiance au parlement, le constitutionnaliste affirme que cette tradition instaurée depuis 2012 n'est pas constitutionnelle. "Rien, dans la Constitution n'impose une telle procédure introduite par le règlement intérieur de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui ne peut en aucun cas apporter de nouvelles prérogatives au parlement". Un panachage qui en dit long Ainsi, après ce remaniement, la physionomie du gouvernement se présente sous forme d'un panachage qui offre à Nidaa Tounès 8 portefeuilles ministériels et 2 secrétariats d'Etat, Ennahdha 5 ministères et 4 secrétariats d'Etat, Machrou Tounès 3 départements ministériels et un secrétariat d'Etat, Al Moubadara 2 ministères, en plus de 11 ministres et 4 secrétaires d'Etat indépendants ce qui donne un total de 29 ministres et 11 secrétaires d'Etat. Ce panachage qui a, aussi, une odeur de préparatifs aux prochaines échéances électorales est très significatif, surtout que, contre toutes attentes, il inclut une figure emblématique de l'ancien régime de Zine El Abidine Ben Ali qui avait occupé plusieurs postes et qui est, actuellement, un des leaders de la nouvelle vague des «Destouriens». Cela implique que Youssef Chahed cherche à rallier cette nouvelle vague, en plus de sa volonté de rappeler aux Sahéliens qui ont été écartés, pratiquement, du pouvoir, au cours des sept dernières années, qu'ils sont toujours des parties sur lesquels il faut encore compter avec leur poids économique et financier, en plus de celui politique, depuis l'ère de Bourguiba. L'arrivée de de René Trabelsi, un Juif tunisien, au poste de ministre du Tourisme et de l'Artisanat et l'un des bons choix opérés dans ce remaniement, surtout que ce dernier est grand opérateur dans le tourisme et qu'il a montré qu'il peut donner des leçons de patriotisme et d'amour de la patrie, à plus d'un Musulman tunisien et il est certain qu'il peut beaucoup faire pour le secteur, mieux que beaucoup d'autres qui étaient à ce poste. D'ailleurs, le coup-bas asséné par le président de la République qui avait voulu déstabiliser le gouvernement, avec la nomination de Salma Elloumi en tant que porte-parole de la présidence de la République, alors qu'elle était encore ministre, en dit long sur ce de quoi est capable Béji Caïd Essebsi qui a la rancune très enracinée… sachant que Elloumi sont un des premiers financeurs de Nidaa et le seront, encore, pour les prochaines échéances électorales. Pour le reste, il faut, aussi rappeler que 10 nidaïstes ont été maintenus à leurs postes en tant que ministres et secrétaires d'Etat et la seule explication c'est qu'ils ont choisi leur camp, pour gonfler les rangs de Youssef Chahed, avec des départs attendus de Nidaa Tounès. Il est certain que tout cela n'est pas bon pour le pays, avec les deux têtes du pouvoir exécutif qui sont en guerre ouverte… Heureusement, que les prochaines élections sont à nos portes, avec l'espoir que la Tunisie ne sombrera pas, entretemps.