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Théâtre: « Le festival Ezzeddine Gannoun, un nouvel espace de visibilité »
Publié dans Le Temps le 30 - 12 - 2018

Passionnée du 6e art, Cyrine Gannoun entend déployer à partir de son espace El Hamra un festival dont la première édition est prévue en mars 2019.
Le théâtre El Hamra a été en 1922 l'une des premières salles de cinéma en Tunisie. Cyrine Gannoun en perpétue la dimension de lieu d'art notamment pour le théâtre.
L'amour du théâtre, chez les Gannoun, se déploie à partir d'un lieu rapidement devenu majeur dans le paysage artistique tunisien : le théâtre El Hamra*. Soit une ancienne salle cinéma de la rue commerçante Al Jazira, dans le centre-ville de Tunis. La seconde à avoir ouvert dans la ville, et l'une des plus populaires dans les années 1930-1940, avant de perdre son public et de fermer. Jadis nommé « Al Hambra », l'endroit serait sans doute tombé en ruines si Ezzeddine Gannoun, qui venait alors de fonder sa troupe du Théâtre organique, ne l'avait découvert en 1985. Tombant sous le charme de ses colonnes, de ses mosaïques et vitraux et de ses peintures bleu ciel, le comédien et metteur en scène leur offre une nouvelle jeunesse. Al Hambra devient El Hamra. Un théâtre où non seulement la compagnie d'Ezzeddine Gannoun crée et présente ses spectacles, mais où sont aussi accueillis de nombreux jeunes artistes d'Afrique et du monde arabe. Pour les former, les aider à produire leurs créations, puis à les diffuser.
Grâce à Cyrine Gannoun, cette belle aventure a survécu à la disparition de son fondateur en 2015. Mettant à profit sa double formation de comédienne et d'entrepreneure culturelle, la fille de l'artiste continue de faire vivre le lieu où est née sa passion pour la scène. Aussi tournée que son père vers l'émergence, elle tient tout autant à garder vivante la mémoire de ses aînés. À commencer bien sûr par celle d'Ezzeddine Gannoun. Lors de la 20e édition des Journées théâtrales de Carthage (8-16 décembre 2018) – où elle avait rendu hommage à son père en 2015 et présenté l'année suivante sa première mise en scène, Le Radeau – , la jeune directrice a d'ailleurs annoncé la création d'un festival Ezzeddine Gannoun, dont la première édition aura lieu du 24 au 29 mars 2019. Son but : mettre en lumière les jeunes talents de la mise en scène tunisienne. Et réfléchir sur l'évolution de cet art en Tunisie, dans le monde arabe et en Afrique. Sur ses perspectives de développement locales et internationales.
Le Point Afrique : En trente ans d'activité, Ezzeddine Gannoun a profondément marqué le théâtre tunisien. Pourriez-vous revenir sur son parcours, et définir les fondements de son Théâtre organique ?
Cyrine Gannoun : Après avoir commencé ses études en Tunisie, Ezzeddine Gannoun est allé les poursuivre en France. D'abord à Paris III Sorbonne-Nouvelle, puis ailleurs. Notamment à Strasbourg avec le metteur en scène Jean-Pierre Vincent. Entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, il a multiplié les formations en France avant de revenir en Tunisie. Très influencé par la méthode Stanislavski, basée sur une recherche psychologique approfondie de l'acteur dans le but de nourrir son interprétation du personnage, et par les idées de l'écrivain et théoricien politique Antonio Gramsci (1891-1937) – surtout par la notion d'« intellectuel organique », au cœur de son œuvre –, il développe un art théâtral basé sur le corps de l'acteur. D'où le nom qu'il donne à sa troupe, le « Théâtre organique ». Le texte, selon lui, devait venir des tripes de l'acteur. Le rôle du metteur en scène était donc central pour lui. Parfois avec des dramaturges, parfois seul, il écrivait ses spectacles à partir des improvisations de ses comédiens. Son rôle était celui d'un chef d'orchestre, c'est lui qui décidait de la forme finale.
À cette époque émergent en Tunisie de nombreux metteurs en scène majeurs, tels que Fadhel Jaïbi, Taoufik Jebali, Raja Ben Ammar ou encore Mohamed Driss, dont certains sont encore très actifs aujourd'hui. La transmission a-t-elle été assurée ?
Il est vrai que dans les années 1980, le théâtre tunisien a connu une grande envolée. Cela malgré une censure extrême, ou paradoxalement grâce à elle. Ne pouvant parler directement de ce qui leur tenait à cœur, cette magnifique génération de metteurs en scène dont mon père a fait partie a cherché des moyens nouveaux de s'exprimer sur scène. Beaucoup par le corps, car chaque mot était surveillé, pesé. Il ne faut pas oublier que ces artistes font partie de nous qui venons après, tout comme nous faisons partie d'eux. La transmission a toujours été au cœur des préoccupations d'Ezzeddine Gannoun qui a, pour cela, fondé en 2001 le Centre arabo-africain de formation et de recherches théâtrales, qui compte à ce jour plus de 365 ressortissants à travers l'Afrique et les pays arabes.
Le Centre arabo-africain est également l'une de vos priorités en tant que directrice de l'espace El Hamra depuis 2015. En quoi est-il essentiel selon vous ?
Pour les mêmes raisons qui ont motivé sa création par Ezzeddine Gannoun. Si en Tunisie, certains théâtres et équipes artistiques organisent des stages et font venir des formateurs de l'étranger, il manque une école qui fasse venir des professionnels des pays arabes et africains. Les artistes tunisiens ont de plus souvent des difficultés à se déplacer. Non seulement en Europe, que la contrainte des visas et le prix du voyage rendent inaccessibles à la plupart, mais aussi plus près. Pour certains artistes, voyager à l'intérieur du pays est même compliqué. C'est un grand bonheur pour moi, et une responsabilité, que de poursuivre ce travail. Les arts ont un rôle majeur à jouer dans nos pays, il faut continuer de les développer.
Quelles évolutions avez-vous commencé à affirmer à la tête de El Hamra ?
Ayant, en plus de ma formation théâtrale auprès d'Ezzeddine Gannoun puis à la Sorbonne en arts du spectacle, une formation de management culturel – je suis titulaire du diplôme de l'ONG internationale El Mawred al thakhafy – et en fundraising, je souhaite mettre mes connaissances au service du développement des trois pôles de l'espace El Hamra : la formation, avec le Centre arabo-africain, la production de spectacles et la diffusion. Un grand problème pour les artistes tunisiens, qui peinent à rayonner dans leur propre pays, sans parler de l'international. Les jeunes talents tunisiens, arabes et africains doivent être mis en lumière. C'est pourquoi je veux partager avec eux l'important réseau que m'ont permis de développer mes différentes expériences, notamment en tant que conseillère au ministère de la Culture sous le gouvernement de Mehdi Jomaâ.
Vous créez aussi un festival Ezzeddine Gannoun. S'agit-il uniquement d'un événement en l'hommage de votre père, ou sera-t-il aussi ouvert à la jeune création ?
En créant ce festival, je souhaite avant tout offrir aux jeunes artistes un nouvel espace de visibilité et développer ce que j'appelle le « cycle de vie » du théâtre El Hamra. Pour cette première édition, les spectacles en compétition seront, pour des raisons de moyens, uniquement tunisiens. Le prix sera ensuite ouvert au reste du monde arabe et à l'Afrique. Le grand prix offrira au spectacle lauréat une tournée à l'international, le second des billets d'avion pour un festival international, et le troisième une participation à un stage à El Hamra ou une invitation à un festival international.
Quid de la seconde section ?
Hors compétition, celle-ci inclura déjà des spectacles internationaux, notamment sous la forme d'hommages à Ezzeddine Gannoun. Des artistes désirant soutenir la première édition du festival – ils sont déjà très nombreux à s'être manifestés, ce qui est pour mon équipe et moi un grand honneur et une grande joie – viendront aussi présenter leur travail. Nous organiserons également des conférences et des rencontres sur la mise en scène. Avons-nous besoin de nouveaux metteurs en scène en Tunisie ? Quelle est la différence entre metteur en scène et directeur d'acteurs ? Il est important de prendre le temps de réfléchir à ces questions. Je tiens à préciser que je suis la productrice du festival, mais que c'est l'acteur et metteur en scène Abdelmonem Chouayat, ressortissant du Centre arabo-africain dont nous sommes très fiers, qui en assure la direction artistique.
Il existe déjà en Tunisie d'assez nombreux festivals de théâtre. Comment le vôtre s'inscrira-t-il dans ce paysage ?
Le théâtre manque encore beaucoup de visibilité. Faute d'une réelle politique culturelle, manque de cadres, d'organisation. Le fonctionnement événementiel de la culture en Tunisie masque mal le manque de structures d'accompagnement ou encore de levées de fonds, qui commencent à se développer mais qui sont loin d'être suffisantes pour contenir l'effervescence artistique et la faire évoluer. Lui permettre de mûrir. Fruit d'un travail au long cours, notre festival doit contribuer à cette évolution souhaitée.
Y a-t-il d'après vous une spécificité tunisienne dans l'art de la mise en scène, et plus largement du théâtre ?
La Tunisie est l'un des pays arabes et africains où le théâtre est le plus développé. Et ce depuis Habib Bourguiba, qui est a priori le seul homme d'Etat à avoir consacré un discours entier au théâtre. C'était en 1962, soit sept ans après l'indépendance du pays. Il y défendait la place du théâtre dans l'éducation primaire et secondaire, et annonçait la création de la Semaine du théâtre, ancêtre des Journées théâtrales de Carthage. Ben Ali a mis un frein à la créativité encouragée par son prédécesseur, et celle-ci a malgré tout résisté. Et puis il y a eu la révolution. Là, on a vu de jeunes artistes émerger de toutes les régions. Certains magnifiques, d'autres moins. C'est à nous, directeurs de lieux, de faire des choix. De repérer les personnes qui ont du potentiel et qui souhaitent continuer d'apprendre. C'est avec elles que j'ai envie de travailler, quelles que soient leurs esthétiques. Car je ne crois pas qu'il y ait aujourd'hui une voie spécifiquement tunisienne dans la mise en scène. On observe des styles très variés. Si le théâtre tunisien a une particularité, je crois qu'elle réside dans le jeu. L'acteur tunisien s'empare de la scène d'une manière très physique, très généreuse. Comme si elle était pour lui un espace de libération. Notre génération manque par contre d'auteurs de théâtre. La plupart des metteurs en scène font des adaptations ou des traductions.
Depuis la création du Radeau (2016), qui a remporté de nombreux prix, vous contribuez personnellement au développement de l'art de la mise en scène. Dans la voie tracée par Ezzeddine Gannoun, ou dans une direction nouvelle ?
À partir de 1998, j'ai eu la chance de travailler avec Ezzeddine Gannoun en tant que comédienne sur plusieurs créations. Je n'avais donc jamais pensé mettre en scène. Mais en 2015, il m'a sollicitée pour une création qui devait ouvrir les Journées théâtrales de Carthage. Il nous a quittés quelques mois après. Le directeur de l'époque des JTC, Lassaad Jamoussi, m'a donné sa confiance pour mener à bien ce spectacle, qui devait traiter de l'immigration clandestine. J'ai alors décidé de me faire ma première expérience de mise en scène. J'ai demandé à Majdi Boumatar d'y travailler avec moi. Ce fut un moment de création splendide. Comme Ezzeddine Gannoun, nous sommes partis d'improvisations des comédiens pour écrire la pièce. Chaque jour, nous revenions vers eux avec des textes nouveaux, que l'on soumettait à leurs sensibilités. Cela a pris un an. Nous avons fait l'ouverture des Journées théâtrales de Carthage en 2016, puis la pièce a commencé à tourner. Trois ans après, elle tourne encore, en Tunisie et à l'international. C'est ce type d'aventure que je souhaite à un maximum d'artistes de Tunisie, du monde arabe et d'Afrique. C'est, entre autres, ce pour quoi nous travaillons à El Hamra.


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