Moins de dix jours après le début du confinement sanitaire total, des protestations sociales sporadiques commencent à éclater, notamment dans les quartiers populaires déshéritées situés à la périphérie de la capitale où la majorité des habitants vivent de petits boulots, gagnent leur pain au jour le jour et n'ont donc formellement pas accès aux mesures sociales mises en place par le gouvernement pour amortir le choc de l'épidémie du coronavirus. Plusieurs centaines d'habitants des délégations d'Ettadhamen et de Mnihla ont protesté contre le retard de versement des aides sociales exceptionnelles, décidées par le gouvernement at au profit des familles nécessiteuses. A Mnihla, les protestations ont bloqué la route menant au siège de la délégation et brûlé des pneus. De jeunes protestataires ont même essayé d'investir le siège de la délégation, mais les forces de l'ordre sont intervenues à temps pour les disperser sans ménagement. «Mieux vaut mourir du coronavirus que de faim. Laissez-nous travailler, au moins on aura de quoi manger», ont scandé les manifestants. Samedi dernier, une femme résidant à Mnihla a tué sans enfant handicapé et tenté de se donner la mort. Ses voisons ont protesté dans la rue, affirmant qu'elle a commis son acte de désespoir en raison sa situation sociale extrêmement précaire. A Ettadhamen, des protestataires se sont rassemblés devant le siège de la délégation et le poste de police, pour réclamer les aides sociales et les autorisations de déplacement afin de pouvoir travailler. Des représentants de la société civile ont vainement essayé de convaincre les manifestants de la nécessité de respecter les mesures de confinement total et d'attendre l'arrivée des aides sociales, ce qui a obligé les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser la foule manu militari. A Kasserine et Mahdia, des citoyens ont intercepté au cours des trois derniers jours des camions chargés de semoule et de farine, des produits devenus très rares dans les commerces et qui font l'objet d'une grande spéculation. La semoule est désormais écoulée à 60 dinars le sac de 50 kg au lieu de 21,600 dinars en temps normal. Des familles précarisées en dehors du périmètre de l'aide sociale Le ministère des Affaires Sociales a annoncé le décaissement de ces aides à partir de mardi 31 mars 2020, selon un calendrier défini. Les citoyens qui bénéficiaient jusque-là du programme d'aides aux familles nécessiteuses et celles ayant en charge des personnes à besoin spécifiques, devraient recevoir à partir du 31 mars une enveloppe de 200 dinars. S'agissant des familles à revenu limité, bénéficiaires des cartes de soins à tarif réduit, une grille de distribution de ces aides sociales exceptionnelles sera annoncée dans un communiqué, dont la publication est prévue le 6 avril. Mais aucune aide financière n'a été décidée au profit des personnes gagnant leur vie au jour le jour et aux employés du secteur informel qui ont été forcés à ne plus sortir de chez eux. Ces derniers ne sont pas en effet répertoriés dans les listes des familles nécessiteuses. . Cela va du travailleur de chantier, au commerçant du coin, en passant par plusieurs autres libérales, les vendeurs dans les boutiques de prêt-à-porter, les ouvriers des usines, les serveurs des cafés et les femmes de ménage. Ces familles précarisées par le confinement risquent plus que jamais de se joindre aux hordes des protestataires au cas où l'Etat continuerait à faire la sourde oreille. Selon la Banque mondiale, 1,7 million de Tunisiens pauvres vivent avec 9 dinars par jour dont un demi-million environ vivent dans l'extrême pauvreté avec seulement 4 dinars par jour. L'ensemble des pauvres avoisinerait les 16-18% de la population. A rappeler que la pauvreté est définie par la Banque mondiale comme étant le cas de toute personne vivant avec moins de 3,20 dollars (environ 9 dinars) par jour dans les pays à revenus intermédiaires ou faibles. La pauvreté extrême concerne, quant à elle, toute personne qui vit avec moins de 1,90 dollar (5,5 dinars) par jour.