Alors que nous préparons le présent article, il nous a été donné de suivre l'intervention d'un citoyen français (alsacien), vivant à Hong Kong, où le bilan de la pandémie du corona virus n'a pas dépassé la huitaine de morts depuis février dernier. Il en impute la responsabilité à une discipline aux antipodes des cris d'alarme faisant du confinement la seule planche de salut pour le peuple tunisien. Plus encore, cet immigré français assure que les autorités insulaires, et pourquoi pas chinoises, n'ont pas décrété de confinement, laissant la vie couler comme d'habitude. Plus encore, les lieux de rassemblement public, comme les administrations, banques etc. sont restés ouverts, ainsi que les cafés et restaurants et autres parcs municipaux. La population mène donc son train de vie quotidien comme si de rien n'était. A cette différence près : C'est le port du masque, généralisé, ce qui aurait épargné à Hong Kong les hécatombes que l'on voit en Italie, en Espagne, en France ou aux Etats Unis. En écoutant l'intervention de ce citoyen français, nous avions en mémoire les propos « frais » du chef du gouvernement Elyès Fakhfakh à la télévision, dans la soirée du jeudi 2 avril 2020. A situation urgente, des mesures urgentes ! Cette intervention du chef du gouvernement, comporte plusieurs points sur lesquels on doit s'attarder. M Fakhfakh a présenté un tour d'horizon, en évoquant une kyrielle de points plus problématiques les uns que les autres. Derrière le ton conciliant jusqu'à la complaisance protocolaire, il a fini par faire passer la crise du corona en Tunisie comme étant un simple problème technique, dont la résolution ou, à tout le moins, le traitement dépendent, en grande partie, de la symbiose totale entre les différents intervenants. Dans la foulée, il déclare que l'ARP réclame un « rôle » à jouer dans cette lyre ou épopée coronarienne, que les députés considèrent comme étant une « mise en train » inespérée pour les prochaines échéances électorales. M Fakhfekh, en évoquant cet état des lieux se dit comprendre, donc légitimer les atermoiements de l'ARP qui commencent à agacer sérieusement l'opinion publique. De quelle symbiose parle-t-on, quand l'ARP rechigne à donner au chef du gouvernement laudateur, les prérogatives de crise lui permettant d'agir par arrêtés ministériels durant deux mois ? Le problème n'est donc pas que sanitaire ! Le deuxième point incompréhensible dans l'intervention du chef du gouvernement, porte sur son insistance presque imbibée de remords sur sa détermination de respecter les textes de loi en vigueur, ces mêmes textes qui baignent les rouages de l'Etat dans une routine bureaucratique à la fois lourde et complexifiée. Peut-on en effet traiter une « urgence » avec des mesures de routine ? Sur ce point précis, le chef du gouvernement semble couvrir des arrangements, loin des caméras, qui auraient eu lieu entre les différents protagonistes en présence à l'ARP, en particulier avec le block, prétendument majoritaire d'Ennahdha (54 députés sur 2017), le reste étant des suiveurs, des bonnes âmes et des gens sans aucune envergure réelle sur le marché en cours. Quant à l'opposition bien structurée en tant de crise, dont on ne connait pas encore les contours, elle semble submergée sous la « campagne » d'information portant certains responsables au rang de stars du charisme et de l'abnégation, en particulier pour « récupérer » politiquement, et plus vulgairement, électoralement, les prouesses de l'armée des blouses blanches, retranchées dans les centres de confinement médical. Une chance que l'on perd « sciemment » ! S'agissant du chapitre capital dans la situation qui est la nôtre, il a été très peu question de la politique d'instrumentation du secteur de la santé, des moyens de son action surhumaine en pareille époque. En peu de mots, le chef du gouvernement a, sans le savoir peut-être, noyé ce grave chapitre dans une marée de complaisances, le réduisant par moments à un détail de l'histoire du corona en Tunisie. Or, rumeurs et fake news mis à part, il a été établi que le port des masques ou bavettes constitue l'un des meilleurs remparts contre la propagation du virus. Parallèlement, la Tunisie compte plusieurs entreprises de fabrication de ce produit qui continue à faire défaut sur les étalages tunisiens, tout en étant exporté. Le tableau est d'autant moins reluisant que le personnel hospitalier lui-même souffre d'une pénurie grave de ce produit, usiné à quelques encablures des centres hospitaliers, à coup de privilèges fiscaux que même le soldat Samir Majoul, président de l'UTICA ne peut nier. Sous d'autres cieux, la première mesure à prendre, aurait été de vite réquisitionner tout l'arsenal des laboratoires et usines de produits médicaux afin de généraliser, au moins, un sentiment d'assurance et de confiance des Tunisiens en leur Etat et leur présente configuration économique largement décriée sur bien d'autres plans. La deuxième dimension de cette question des bavettes ou masques, c'est qu'elle aurait évité aux citoyens et aux entreprises le confinement général qui n'a pas encore donné des fruits tangibles. Pourquoi pas « le masque pour tous », et que la vie continue, comme à Hong Kong ? En somme, parler d'anticipation avec l'actuel arsenal de lourdeurs administratives et judiciaires relève de chimères des longues nuits hivernales. Penser à respecter ou à réhabiliter cet arsenal désuet, ne fera que favoriser le gaspillage de l'énergie qui nous reste, dix ans après la révolution. En clair et sans détour, nous avons besoin de 30 millions de masques, usinés en Tunisie. Le reste, on le verra quand l'ARP se réveillera de sa torpeur, un de ces jours.