C'est le hasard du calendrier qui a fait que nous apprenons la douloureuse disparition de notre illustre compatriote Leila Menchari, terrassée à l'âge de 93 ans par ce maudit virus, le jour même où nous nous remémorons la disparition d'un de nos plus grand poète Ouled Ahmed ! Mais c'est aussi l'occasion de penser, même rien qu'un peu, au milieu de cette tragédie pandémique, que notre culture et nos artistes ne doivent pas être oubliés. C'est le moment de se rappeler qu'ils nous ont tellement donnés ! C'est vrai que la culture et les artistes ne représentent pas une priorité aujourd'hui pour certains. Il y en même qui se sont sentis intelligent pour demander qu'on consacre le budget du ministère de la culture (et celui des sports aussi) pour la lutte contre le Coronavirus. Heureusement qu'il n'en est rien. Au contraire, la nouvelle ministre de la culture, Chiraz Laatiri, se démène pour préserver et développer encore plus les ressources consacrées à la culture et aux artistes. Plusieurs initiatives sont en cours de développement dans ce sens. L'apport en notoriété et en prestige qu'une grande artiste comme Leila Menchari, et avant elle, Azzedine Alaïa et tant d'autres artistes, est immense et en tout cas impossible à chiffrer. Malheureusement, dans notre système, et malgré le rôle important de l'Etat, nos artistes, toutes spécialités confondues, ont toujours été délaissés. La nouvelle ministre travaille maintenant, en 2020, à la mise en œuvre du "statut de l'artiste", 64 ans après l'indépendance. Très souvent, et nous l'avons vécu plusieurs fois, on ne se rappelle de l'état d'un des artistes que quand il est sur le lit de la mort. Plusieurs fois, il a fallu que le ministre des affaires culturelles se démène pour garantir les derniers soins pour tel ou tel artiste, malade et sans aucune couverture sociale. Nous luttons aujourd'hui avec toutes nos forces contre la pandémie du Coronavirus. Ce qui fait notre fierté et augmente notre espoir de succès dans cette lutte, c'est cette culture particulière qui cimente nos individualités éparses et qui en fait une communauté. Or, ces sont les artistes qui sont l'âme de la communauté. Ils l'expriment, lui donnent corps. Dans un tableau d'Ali Ben Salem, dans une pièce de théâtre de Taoufik Jebali, dans une chanson d'Amina Fakhet, dans un film de Nouri Bouzid, et dans une multitude d'autres expressions qui nous unissent et nous définissent ! Même nos travers, même nos bas instincts et nos démons, qui existent en nous comme ils existent partout dans toute l'humanité, nous ne pouvons les combattre et les surmonter qu'à travers la culture et à travers les artistes. Nous découvrons en nous, chez nos concitoyens, chaque jour qui passe en combat contre la pandémie, des côtés obscurs, noirs et honteux. Comme ces énergumènes qui refusent aux morts de la pandémie un bout de terre pour dernière demeure, ou ces charlatans qui appellent les gens à braver le couvre-feu, ou ces commerçants de la mort qui veulent s'enrichir sur nos dos en cet instant douloureux. Ces démons-là, ces travers-là, nous ne pouvons le combattre à court et long terme qu'à travers la culture. Nos artistes peuvent et doivent, par leurs œuvres éclairer nos consciences et nous armer contre nos démons.