Jack Dongarra à Tunis : une conférence d'exception sur le calcul haute performance à la Cité des Sciences de Tunis    Gabès : verdict reporté dans l'affaire des unités polluantes du Groupe chimique    Plateforme unique pour restaurants : le tourisme tunisien passe au numérique    Alerte aux faux DeepSeek : l'IA, nouvelle arme des arnaques numériques en Afrique    Gafsa ferme sa décharge après 47 ans    Tunisie – Palestine : composition probable ce soir    Match Tunisie vs Palestine : où regarder le match de Coupe Arabe Qatar 2025 du 04 décembre?    Ce dimanche, le Palais Ahmed Bey à la Marsa accueille la présentation du nouveau livre «La médina au temps des pachas beys» du Pr Mohamed El Aziz Ben Achour    Hammam-Lif : Arrestation d'un jeune ayant tenté de braquer une agence bancaire    Patrimoine tunisien : le musée de Carthage retrouve les visiteurs    Vents puissants persistants... découvrez les régions les plus touchées    Voiture et soutien fiscal pour les Tunisiens handicapés    Tourisme en Tunisie : les Britanniques encore plus nombreux    Diffusion massive : quatre chaînes pour suivre la rencontre..en direct    Zoubeida Khaldi: Le dernier fantôme    Prix Abdelwaheb Ben Ayed de la Littérature 2025 : lauréats de la 5ème édition    La sélection tunisienne féminine de handball marque l'histoire : 1ère qualification au tour principal Mondial 2025    Qui dirigera le match Tunisie – Palestine en Coupe d'Arabie ?    Météo en Tunisie : Des pluies sur plusieurs régions, chutes de grêles au nord-ouest    Article 69 : le garde-fou qui protège les caisses de l'Etat tunisien    Immigration stoppée : les Etats-Unis ferment la porte à 19 pays    Des élections au Comité olympique tunisien    Ciné-Musée 2025 : un programme culturel riche entre Sousse et Tozeur    Le Prix Aboul Kacem Chabbi 2025: Un hommage à la Palestine    LG accorde une licence de ses brevets Wi-Fi à Amazon    JCC 2025 : Les films en compétition aux Journées Cinématographiques de Carthage dévoilés (listes)    La Poste Tunisienne émet des timbres-poste dédiés aux plantes de Tunisie    Météo en Tunisie : pluies éparses attendues le soir sur le nord    Décès de Nizar Cheikh Rouhou, président de la Chambre nationale des agents immobiliers    Paul Klee, la lumière d'Ez-Zahra et la naissance d'un univers pictural    Match Tunisie vs Syrie : où regarder le match de Coupe Arabe Qatar 2025 du 01 décembre?    Samir Samaâli: Le ruban rouge, la stigmatisation et l'ombre des préjugés    Météo en Tunisie : temps nuageux, températures entre 14 et 20 degrés    Mohamed Ali Nafti représente la Tunisie aux forums africains sur la paix et la justice    Inondations et glissements meurtriers frappent la région : des dizaines de morts    Choc : Trump réexamine les cartes vertes de migrants de 19 pays, dont 4 arabes !    Sonia Dahmani libre ! Le SNJT renouvèle sa demande de libération des journalistes Chadha Haj Mbarek, Mourad Zghidi et Bourhen Bssaies    Tunisie Telecom, acteur clé d'une IA responsable et compétitive    Chine: L'Orient du développement, modèle d'avenir pour le Sud ?    Ghalia : la chanson qui secoue la Tunisie contre les violences faites aux femmes    Hommage à René Passet, pionnier de l'approche transdisciplinaire en économie et le développement durable    Elyes Ghariani: L'Union européenne à l'épreuve des nouvelles dynamiques sécuritaires    Khadija Taoufik Moalla - Dépasser la notion de "race": vers une humanité réconciliée    Le jour où: Alya Hamza...    Ridha Bergaoui: Des noix, pour votre plaisir et votre santé    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le métier de Président ….
Publié dans Le Temps le 08 - 04 - 2020

Au Palais de Carthage, quoi que puisse faire son locataire, celui-ci est contaminé par « le virus-Bourguiba ». Et, quoique que quelques rares effigies, quelques rares portraits aient été replacées dans les espaces du Palais, échappant à la moisissure et au délabrement de la cave où tout ce qui évoque la mémoire du leader a été enterré, eh bien le Combattant suprême hante les lieux. Et, au-delà du Palais, sa stature hante, plus que jamais aujourd'hui, la mémoire collective. Elle nous interpelle, en effet. Et, en cette période de pandémie, Bourguiba revient en force au devant de la scène. Pour nous tarauder. Pour nous poser cette lancinante question : « qu'avez-vous fait de la République que je vous ai léguée ? »
Bourguiba brise, en effet, le confinement de la mémoire collective, lui, le premier « confiné » de l'histoire du pays, captif dans une misérable villa de Monastir avant d'être « empaqueté » dans des funérailles ignobles, expéditives. Ben Ali avait en effet peur de lui. Il s'est même construit un palais à Sidi Dhrif pour ne pas habiter le Palais, là où son ombre rôde. Marzouki rasait les murs pour ne pas avoir à le rencontrer. Et, maintenant-ironie des coïncidences- Kaïs Saïed y emménage, parce que son quartier de la Mnihla n'est plus sûr, mais il y emménage, juste quelques jours avant ce 6 Avril, vingtième anniversaire de la mort du grand Leader.
Face au Covid-19, un discours de six minutes….
Voilà, donc, que Bourguiba nous rattrape. Et, voilà que, pour conjurer le fantôme de Carthage, Kaïs Saïed va vers lui à son mausolée. Moment de recueillement à la recherche d'un signe, d'un message d'outre-tombe. Le message est toujours aussi teinté de remontrances : « qu'avez-vous fait de la République que je vous ai léguée ? ». Saïed en subit un effet d'osmose : « Bourguiba le plus grand révolutionnaire, déclare-t-il ».
S'il revenait sur terre, Bourguiba ne se reconnaitrait pas dans les artifices de l'Etat-providence, ce monstrueux leurre mis en scène par Ben Ali. Il ne se reconnaitrait pas, non plus, dans les chocs des idéologies ayant eu libre cours après la « révolution ». Et, quand bien même Béji Caid Essebsi aurait essayé de rééditer l'orthodoxie bourguibiste, Bourguiba ne s'y reconnaitrait pas non plus.
Candidat à la divinité sans dieu ? Oui, il aura plané dans les stratosphères, ces lieux inhabitables pour ceux qui ne savent pas aller sur les hauteurs, comme le dit De Gaulle et comme subtilement évoqué par notre consœur Samia Harrar dans son édito de dimanche dernier.
Sauf que, Bourguiba, le premier Bourguiba, ne planait pas tant que ça. Il avait les pieds sur terre aussi. Bâtir un Etat, ce fut son œuvre herculéenne. L'enseignement gratuit pour tous, les Abdellatif Mekki, les Nissaf Ben Alaya, les Chokri Hammouda et tous nos grands professeurs sont finalement son produit. Ce système de Santé qui tient aussi, malgré toute la clochardisation dont il a fait l'objet, c'est lui. L'enseignement public dont hérite, aujourd'hui, Mohamed Hamdi, c'est encore lui. La solidarité, l'union nationale-quitte à déférer l'avènement de la démocratie- c'est encore lui.
Qu'aurait fait Bourguiba face au Covid-19 ? Un discours de six minutes, comme lors des émeutes du pain, pour remettre tout en place. Pour dicter le confinement général. Pour actionner les mécanismes de l'Etat. Le peuple le suivrait les yeux bandés.
Ce « fou » qui dansait…
L'ennui, c'est que ce peuple n'a plus de repères. Tiraillé entre la purgation des passions idéologiques -purgation dans le sens aristotélicien du terme- la boulimie des courants idéologiques le font tourner en rond. Islamisme, Panarabisme, centrisme peu convaincu, outrances du discours populiste, xénophobe et barrières mentales érigées contre l'occidentalisme, n'en finissent pas, en effet, de diluer, d'enlever toute sa quintessence au sens de l'Etat que Bourguiba avait « violemment » incrusté dans le mental des Tunisiens.
Où en est-on, aujourd'hui, du sens de l'Etat, de la réactivité face aux chocs endogènes tout autant que les chocs exogènes ? Qui commande en réalité ? Et qui pourra prétendre commander en ce contexte de dispersion des pouvoirs ? De que sens de l'Etat parle-t-on, lorsque « la meilleure constitution du monde » se révèle être porteuse d'autant de champs minés ? De quel sens de l'Etat s'agirait-il, lorsque les nouveaux dandys de la « révolutions » dansent sur les volcans ? Un mois, un mois entier mis à spéculer sur la catastrophe, pour, enfin mièvrement, délier partiellement les mains à Elyès Fakhfakh lui permettant de recourir à l'article 70 ! Le Président qui parle décentralisation et qui, rattrapé par la réalité de cette chimère, parle du contraire. L'Etat, ce n'est pas ça. Qu'aurait fait Bourguiba, «le despote absolutiste», «le traitre» comme le dépeignent les gens d'Al Karama ? Il aurait promptement légué une parcelle étendue de ses pouvoirs à Elyès Fakhfakh, comme il l'avait fait avec Béhi Ladgham, et, avec, surtout, Hédi Nouira et, si d'aventure cela ne marchait pas, il aurait reconnu ses torts comme avec Ahmed Ben Salah.
On ne devient pas leader. On naît leader. On ne s'improvise pas homme d'Etat. On naît homme d'Etat. Mais le métier de Président, ça s'apprend aussi. Comme le disait Hassan II à propos de la royauté : « le métier de Roi ».
En fait, Bourguiba dansait lorsqu'il bâtissait l'Etat. Sa symphonie à lui. Il a été pris pour fou. Il est toujours pris pour fou par ceux qui le haïssent aussi. Nietzche nous enseigne quelque chose: «Ceux qui dansaient ont été pris pour des fous par ceux qui n'entendaient pas la musique». Bourguiba est fou en effet par ce qu'il a créé l'Etat, parce qu'il a créé la République. Et, des profondeurs de sa tombe, il continuera à nous persécuter : « Qu'avez-vous fait de la République que je vous ai laissée ? »


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.