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Comme un coup de massue…
Publié dans Le Temps le 30 - 04 - 2020

Ecrivaine française d'origine, critique d'art et véritable artiste dans l'âme, Monique Akkari, (alias Monak), continue à publier et à monter sur scène dans une troupe de théâtre locale à Haïti (Tahiti), où elle a choisi de s'établir, « To'u fenua e motu », (Mon pays est une île).
Ayant vécu en Tunisie durant de longues années, Monique a beaucoup marqué de son empreinte, la scène culturelle et artistique ; elle a collaboré avec la presse écrite tunisienne, dont le journal Le Temps et signé « Images de Tunisie », (Kartago Editions ; photos de Salah Jabeur), pour ne citer que cet ouvrage. Comme elle a collaboré avec un bon nombre de nos artistes, scénographes, chorégraphes, illustrateurs, etc…Malgré les années et le temps qui passent, Monique Akkari, toujours à l'écoute de l'autre, n'a jamais rompu avec ses attaches ni ses contacts de par les quatre coins de la planète.
Nous l'avons sollicitée pour nous dépeindre son vécu et sa vision à propos du confinement en temps de corona en Polynésie, un large groupement d'îles situées dans l'Est et le Sud de l'Océan Pacifique. Magnifiques témoignages.
Un îlot dans le désert de l'Océan
Si d'ordinaire, les terres isolées du Pacifique Sud font partie du mythe de l'île vierge qui hante notre planète, et l'imaginaire de ces habitants agglutinés dans les agglomérations tentaculaires des autres Continents… le dépaysement est assuré pour qui se serait trouvé bloqué par le décret-confinement : le dernier avion laissant sur le tarmac les voyageurs à destination des quatre coins du monde.
Et il en fut, il en est encore qui réclament leur retour vers leur terre originelle, vers leurs attaches nationales ou familiales des antipodes… et l'exil non-consenti est toujours ressenti comme une sanction des décideurs qui vous plonge dans l'anonymat.
Le reste du monde est loin, trop loin, si loin…
Tout d'abord vous dire, qu'une île, déjà perdue dans l'immensité de l'Océan, c'est un peu l'équivalent d'une Oasis. Le danger vient d'ailleurs, des intrus, du dérèglement climatique, d'un modernisme asséné à coups de taxes.
Si aux temps anciens, la société Mā'ohi avait établi une sorte de communautarisme où la terre appartenant à tous, les relations étaient fondées sur l'interdépendance et la cohésion du groupe, où les enfants pris en charge par la communauté passaient librement d'une maison à l'autre… Il en reste quelques survivances Maiao, Rapa notamment : où le confinement a été organisé de façon collective et où les plus fragiles, les lycéens internes à Tahiti (1588km de distance), rapatriés dès la fermeture des établissements scolaires, ont été regroupés dans les locaux publics et mis en quarantaine ! Mais ceci est une parenthèse… à porter à l'actif des sociétés paradisiaques ! L'exotisme ne serait pas qu'une légende !
Sauf que, sur la plupart des archipels, le désenchantement s'est insinué, depuis longtemps… Depuis la période du "contact", litote utilisée par les historiens pour rendre compte de l'irruption de l'Occident en Océanie. Un véritable phénomène d'acculturation a balayé les valeurs culturelles ancestrales pour imposer le code napoléon, les essais nucléaires et la société de consommation.
Depuis, 50% de la population dépossédée de son patrimoine, vit sous le seuil de pauvreté, s'entasse à 15 dans des fare (maisons traditionnelles de bois, de palmes). Les matelas encore chauds de ceux qui ont la chance de se rendre au travail le matin, sont occupés par ceux qui reviennent de leurs occupations nocturnes… Le chômage estimé à 30% de la population active en Polynésie.
Quelques repères
Une île, par définition, c'est un bout de territoire plus ou moins ovoïde entouré d'eau à perte de vue. Difficile de s'en échapper : tel est le "syndrome d'insularité ", phénomène d'isolement incontournable, qui frappe tout îlien de la région. Surtout depuis que le voyage d'île en île exige un passeport en Polynésie.
Les balises terrestres sont tout autant dépaysantes, elles fonctionnent sur le principe modulable suivant l'âge de nos îles volcaniques – côté-mer /côté-montagne – pour les îles hautes, de formation géologique plus récente comme Tahiti, – côté-océan/ côté-lagon – pour les îles basses des Tuamotu.
Le "quartier familial" où je réside, jouxte le lagon. Situé dans la zone urbaine de la capitale Papeete, il a des allures de village, tels qu'ils se découvrent dans la série Meurtre au Paradis : histoire de vous mettre au parfum de ces paysages d'Outre-Mer, à connotation colonies françaises du 19ème siècle. Il est séparé du côté-montagne, par une grande avenue qui, seule voie d'accès littorale, se prolonge pour faire le tour de l'île, (soit un parcours d'environ 151 km.) !
Quartier calme où les chemins sans trottoir, ne permettent que la circulation d'une voiture à la fois, il n'est perturbé d'ordinaire que par le bruit de la circulation aérienne. Une enclave hors du temps… où chacun se salue à l'accoutumée. La dimension humaine au quotidien.
Le 1er cas de Covid-19
Le confinement a été perçu comme un coup de massue. Une mesure inapplicable pour une population qui se lève tôt, survit de pratiques autarciques coutumières : pêche, potager, troc, solidarité et échanges de services. L'espace vital, il n'en existe pas pour un habitat insulaire, réduit à une bande littorale étroite ou riveraine de ces cours d'eau indisciplinés taillés à flanc de montagne qui s'éboulent à la moindre averse.
Les jeunes, ils nourrissent un rapport de détestation ou de terreur vis-à-vis de l'écrit : en partie déscolarisés, faute de moyens et d'infrastructures scolaires, ou sans emploi. Ils constituent près de la moitié de la population tout de même ! Les 14-25 ans détiennent le record de la mortalité juvénile par suicide ! Un chiffre tabou dont s'émeut l'Association Ara Ora (SOS Suicide)… Reste la rue : les maisons se touchent et les quartiers ne sont pas mis en quarantaine.
Les Anciens, ils aménagent… Ils s'accommodent d'un mode de vie qui leur échappe.
Le 1er cas de covid-19 a touché une députée polynésienne à peine revenue de France ! Son bulletin de santé courageusement rendu public a entretenu les rumeurs pas toujours très agréables. Confinée avant l'heure officielle, elle est maintenant rétablie. Très vite, les symptômes de contamination ont été détectés et très vite l'alerte s'est soldée en termes de confinement général le 20 mars 2020, soit 3 jours après la France.
Curieusement la bringue ! :
Si tout le monde a intégré très vite la fermeture des entreprises, des cafés, des roulottes de restauration rapide, des établissements scolaires et des services administratifs, à moins d'une semaine après les élections municipales où tout le monde s'embrassait… les bringues, habituellement réservées au week-end se sont multipliées tout le long des semaines suivantes.
Cette situation a déclenché un réflexe compulsif d'accumulation, un rush dans les magasins d'alimentation où les clients ne respectaient ni les "gestes-barrière", ni la "distance sociale" et s'embrassaient à bouche que veux-tu ! Plutôt perçue comme une bonne aubaine de vacances non-programmées, de congés exceptionnels… l'insolite au quotidien…
C'est que le Polynésien élucide les consignes avec distanciation… Besoin de se rassurer allié à bonne fortune, miracle de la fête non-stop… Martelées par des chiffres laconiques les injonctions officielles ont aussitôt provoqué un déclic de compensation. Chacun tentant de se renseigner sur l'identité des cas détectés. Chacun circulant de maison en maison pour apprécier la bonne santé des siens, des proches, des amis.
D'où une ruée vers les magasins de jeux et de loisirs, de piscines hors-sol en plastique, le rivage et les piscines collectives des immeubles étant interdits à la baignade. Les fabricants se frottent les mains avec leurs baquets toutes tailles : plus de 500 piscines livrées !
Véritable panorama surréaliste alors que se dénombraient de nouveaux cas parmi les touristes, rapidement mis en quarantaine avant d'être évacués en partie vers leur pays d'origine.
La frénésie "débroussage" et rangement domestique
Une agitation frénétique touche toutes les maisons : on élague les arbres à la fin de la saison des mangues, les haies sont taillées, les pelouses tondues. Les tas de végétaux débordent des renfoncements, attendant les camions de ramassage des déchets verts.
Puis vient le tour des "encombrants", des poutrelles, des matelas défoncés, du mobilier rongé par l'humidité, véritable calamité par ici en ce début de saison des pluies, particulièrement vigoureuses cette année. A l'accalmie, après le martèlement incessant des toitures, le retrait des eaux d'inondation, chacun réaménage son espace vital : auvents, débarras, garage.
Le bricolage ne suit pas la même courbe d'intensité : juste utiliser les matériaux stockés en début de confinement. Normal ! Les scolaires reprennent leurs activités studieuses dans la plupart des foyers.
Et le quartier s'apaise… au point d'entendre journellement le récif respirer…
La prohibition et le couvre-feu :
Sous nos tropiques de l'hémisphère sud, il commence à faire jour entre 5 et 6 heures ; le soleil tape le reste de la journée ; la nuit tombe vite vers 18 heures. On part à la pêche à 3 heures du mat. A 21 heures, portes closes, les veilleuses trouent la nuit. D'habitude, l'école commence à 7 heures. La pause méridienne est à 11 heures. Les embouteillages de retour à 16 heures…
En confinement, les avenues, les parcs, les lieux de convivialité ou de culte sont impérativement vides ! L'espace semble mentalement reconquis ! Sauf qu'il faut présenter « son autorisation de sortie » aux services d'ordre qui, eux, génèrent « à qui mieux mieux » barrages et bouchons.
Le confinement reste cependant une notion vague et inconcevable… Les hommes continuent à organiser leurs ripailles chez leurs potes célibataires. Demain est imprévisible : inutile de s'y projeter. La vie est belle ! Plus vraiment d'horaires. Le moment présent s'étire indéfiniment. Nous sommes en saison chaude : seuils, terrasses et pas-de-porte aménagés pour la causette…
D'où, interdiction de vente d'alcool le 26 mars, « pour mettre fin aux rassemblements ». Et le 27 mars, « état d'urgence sanitaire » assorti d'un couvre-feu draconien.
Mais c'était étourdiment occulter la propension des Polynésiens à se rejoindre. Le jeu étant, pour les jeunes gens de se soustraire aux interdits, par simple bravade ; et pour les Anciens, de renouer avec la coutume des alcools illicites, fabrication-maison et autres euphorisants.
(A suivre…)
Témoignages recueillis par :


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