Ressortissant de l'Institut Supérieur de l'Image et du Son (ISIS) du Burkina Faso, doctorant en droit du cinéma et de l'audiovisuel en France, réalisateur de quatre courts métrages dont deux ont été sélectionnés pour le FESPACO, respectivement en 2013 et 2015, et un premier long métrage documentaire intitulé «Une révolution africaine, les dix jours qui ont fait chuter Blaise» en 2015 (en coréalisation), Boubacar Sangaré fait partie des porteurs de projets sélectionnés pour la première édition de Sentoo. Programme de coopération Sud-Sud initié, entre autres, par l'actuelle ministre des Affaires culturelles Chiraz Latiri, alors directrice du Centre National du Cinéma et de l'Image (CNCI). Malgré la pandémie qui sévit, actuellement, à travers le monde, les organisateurs et les formateurs sont attentifs à l'évolution des différents projets présentés, dont celui de Boubacar Sangaré ; un documentaire sur le parcours initiatique d'un jeune griot, intitulé «Djélia»... LE TEMPS : Qu'est-ce que «Djélia» ? Boubacar SANGARE : «Djélia», qui signifie en bambara/malinké «être griot», est un documentaire qui retrace le parcours initiatique d'un jeune griot qui traverse les frontières de l'ancien empire mandingue pour se former à l'art du griot et rencontrer les mutations que cette caste a connues depuis l'empire mandingue jusqu'à aujourd'hui. Je suis né au Mali, j'ai grandi au Burkina Faso. Ma famille a toujours fait des allers-retours entre ces deux pays. C'est un peu dans cette logique que je conçois ce projet. Parce qu'il y a un héritage historique et culturel entre ces deux pays qui date de cet empire. Est-ce que les griots sont les mêmes dans les différents pays d'Afrique subsaharienne, et notamment d'Afrique de l'ouest ? En principe, en ce qui concerne l'Afrique de l'ouest, les griots sont les mêmes dans la mesure où ils sont censés avoir un ancêtre commun. Au fil de l'évolution, il y a eu des séparations ou, en tout cas, des spécificités par région. Mais l'héritage culturel du griot reste le même. Mon documentaire est de mettre en exergue cet héritage culturel et historique commun, qui constitue les fondements, les bases d'une communauté de société que nous sommes. Dans le temps, nous avons été communs en nous basant sur des fonctions essentielles et on ne peut pas parler de cette communauté, de cet héritage commun, sans parler du griot qui est en même temps le conservateur de cet héritage culturel. Etes-vous, vous-même, griot ? Non. Je suis Peul, donc je ne suis pas dans cette caste. Dans l'ancien empire mandingue, qui a un peu perduré dans les autres empires qui ont suivi, il y avait une séparation : griots/nobles/esclaves. Les derniers ayant disparu avec le temps, il restait les griots et les nobles. Les Sangaré faisaient partie des Peuls qui sont censés être des nobles. Cette notion n'existe plus chez les Peuls, mais se retrouve, encore un peu, chez les Malinkés et les Bambaras. Pourquoi avoir postulé pour Sentoo ? Ce projet je le porte depuis un certain moment. Sentoo était une opportunité parce que c'est une résidence qui se fait avec plusieurs pays spécifiquement dans une coopération Sud-Sud. C'était intéressant pour moi surtout pour un projet parlant d'une des cultures africaines d'avant la colonisation. Sentoo était le cadre idéal qui permet non seulement d'avoir ces rencontres mais aussi cet atelier de coproduction avec des gens qui mesurent l'intérêt d'un sujet culturel aussi fort et ancré dans une partie de l'Afrique. Pour moi, Sentoo, c'est partager ma vision du projet et avoir l'accompagnement qui va me permettre de l'ancrer véritablement dans ce fondement culturel. Et, au sortir, avoir un projet solide, tenant la route, se faisant comprendre, dessinant le film à venir, et trouvant, en plus, des partenaires, soit des coproducteurs, soit des chaînes de télé, pré-acheteurs, qui puissent permettre au projet d'avoir le nécessaire pour se concrétiser et se transformer en film. Avez-vous trouvé ces partenaires ? Pour le moment c'est toujours en cours. Certaines personnes ont juste manifesté un intérêt pour voir en fonction de l'évolution du projet, comme à Marrakech (NDLR : Troisième partie du programme Sentoo, après Dakar et Hammamet). Mamounata Nikiema, la productrice burkinabè, et moi y avons discuté avec quelques personnes qui nous ont demandé de leur faire parvenir le dossier une fois avancé. Nous avions envisagé de faire un repérage tourné pour avoir quelques images afin d'appuyer le dossier. Malheureusement, nous n'avons pu encore le faire. Dès que la pandémie me le permettra, j'irai en repérage filmer quelques images afin de relancer la suite. Est-ce que les organisateurs et les formateurs de Sentoo font le suivi ? Oui. Nous sommes en contact avec Aziz (NDLR : Aboul Aziz Cissé, cinéaste et secrétaire permanent du Fond de Promotion de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle du Sénégal/FOPICA, partenaire de Sentoo) qui cherche à nous apporter des solutions dans le sens du tournage. Hicham (NDLR : Hicham Fellah, réalisateur marocain, coordonnateur artistique de Sentoo) travaille à la mise en place d'une convention de développement avec Orange, ainsi que l'inscription à certains autres ateliers de coproductions. Pour Emira (NDLR : Emira Ben Saâd, coordinatrice générale du programme), nous devons, fréquemment, faire un point sur l'évolution de nos projets. Propos recueillis