Le titre du roman de l'écrivain burkinabè Patrick Gomdaogo Ilboudo, «Les carnets secrets d'une fille de joie», est, quelque part, trompeur. Même si c'est une prostituée qui s'y confie, il n'a rien de scabreux. Le récit est une invitation au changement social. Un titre peut être attirant ou répulsif. Il peut être également trompeur, car le sujet évoqué est seulement un prétexte, un vecteur aux propos du roman. Il en est ainsi de l'œuvre de l'écrivain burkinabè Patrick G. Ilboudo, à savoir «Les carnets secrets d'une fille de joie», qui à travers l'«héroïne» principale, Fatou Zalme, une prostituée, invite au changement social. Ce roman peut être assimilé à une pièce de théâtre dans sa structure : monologue (Fatou Zalme), dialogue (entre Fatou et son amant du moment, Mita Wogada), et didascalies (narration de l'auteur). Mais il n'est pas une pièce de théâtre, même si un drame s'y joue. Fatou Zalme est une fille de joie. Elle n'a pas suivi ce chemin par vocation, mais ce métier l'a happée. Enceinte à 15 ans, rejetée par sa famille et surtout par son père, elle n'a trouvé que ce moyen pour subvenir aux besoins de son gamin. Dans ce cas, Fatou Zalme symbolise nombre de filles-mères, africaines en général et burkinabè en particulier, qui, rejetées à cause d'une grossesse, se retrouvent à la rue et n'ont d'autre moyen de survie que la prostitution. Rejetées non seulement par leurs familles mais également par la société bien pensante. Fatou Zalme, comme pour exorciser sa vie de fille de mauvais genre, se confie à Mita Wogada, un gigolo qu'elle a pris sous son aile. Elle s'abandonne à raconter le souvenir de certains hommes qui se sont retrouvés entre ses bras. Elle ne narre pas ses ébats amoureux mais ces souvenirs sont un prétexte pour vilipender les hommes politiques (du président au simple chef syndicaliste), la politique, la société (les commerçants, les représentants religieux, etc.) ; car «la société est une machine à broyer aveugle». Une critique de tout ce qui compose une société et qui l'entrave dans son progrès. Une critique qui appelle au changement social. A travers son personnage Fatou Zalme, Patrick G. Ilboudo apporte un regard très critique sur la politique de son pays, mais également de n'importe quel autre Etat, notamment africain. Une critique qui peut s'appliquer encore aujourd'hui à travers le monde.