Sommes-nous en train de vivre des moments rappelant celles de l'ancien régime, voire de la période coloniale, au cours de laquelle la police, était contre les autochtones et au service du pouvoir en place ? Certes dans tout Etat démocratique, la police est là pour assurer la protection des citoyens, et préserver l'ordre public. Etymologiquement, le terme police vient de « Polis » en grec qui veut dire la cité avec ses habitants et tous les éléments qu'elle comporte y compris les personnes qui sont chargées par les gouvernants à veiller à l'instauration de l'ordre, la sécurité et la tranquillité. Ils sont désignés parmi les citoyens et sont tenus de ce fait, de faire preuve d'impartialité et de se comporter de la même manière à leur égard sans aucune préférence ni partis pris envers certains au détriment d'autres. Cela en vertu de l'obligation de réserve que leur impose le statut réglementant leur fonction. Il est vrai que la fonction de policier n'est pas de tout repos, car, outre les risques qu'elle comporte, le sécuritaire est exposé à des critiques de toute part, et il est souvent entre le marteau du pouvoir et l'enclume des suspicions des citoyens. A un policier tolérant, on dira qu'il est laxiste, voire quelques fois corrompu, car on peut l'accuser d'avoir perçu des pots-de-vins, dans certaines affaires. A un autre qui est intransigeant, on dira qu'il abuse de son pouvoir. C'est donc un dilemme qui le met souvent mal à l'aise. Toutefois et abstraction faite des interprétations et des accusations tout azimut, le policier reste le reflet du système en place. Il a beau vouloir se délier des attaches que lui impose son métier, ou abuser de son pouvoir, il reste tributaire d'une certaine politique d'Etat. Abus de pouvoir et Etat de droit Les autorités peuvent, dans certains cas, lâcher du lest, en fermant les yeux sur des abus, afin de faire du policier un moyen de répression indirecte, surtout en cas de mauvaise gestion de l'Etat de droit. C'était le cas, aussi bien durant la période coloniale, que durant l'ancien régime, lorsque les gouvernants, au sommet de l'Etat, utilisaient les policiers comme des boucliers, à l'encontre des citoyens pour occulter les différentes spoliations et atteintes aux droits et aux libertés dont ils étaient les auteurs. On parlait pour cette raison de régime policier, la police étant au service de l'Etat dictateur. Le pouvoir judiciaire était par là même soumis à ce système et ce fut la raison pour laquelle, dans la plupart des affaires pénales, surtout celles qui étaient à caractère politique, les jugements étaient basés sur les procès-verbaux rédigés pendant l'audition de l'accusé à l'enquête préliminaire, par la police judiciaire. Souvent dans des affaires où l'accusation était montée de toutes pièces, les aveux étaient arrachés à l'accusé sous la torture. Certains juges refusaient de prendre acte des dommages corporels causés à l'accusé, suite à sa torture et que soulevait souvent, en vain, la défense. En principe, la police judiciaire exerce dans le cadre d'une procédure et elle est donc sous l'autorité du juge qui lui délivre une commission rogatoire avec une mission bien précise. Il n'est pas mentionné dans cette commission rogatoire que les enquêteurs peuvent avoir recours à la violence. Seulement le magistrat n'est pas sur le terrain et les policiers qui recourent à la violence, sont soumis à l'autorité hiérarchique, dont ils dépendent administrativement, et par laquelle ils sont protégés lorsqu'ils appliquent ses instructions à la lettre. Les bavures policières sont nombreuses et viennent du fait du zèle du policier dans l'exercice de sa fonction, lorsqu'il veut faire avouer un accusé, par exemple. Le magistrat intervient ultérieurement et, là, il y a deux versions : celle de la police et celle de la victime ou de sa famille, car il y a ceux qui sont morts sous l'effet de la torture ou qui ont été physiquement éliminés carrément, notamment durant l'ancien régime. Le policier peut également tirer sur un recherché en état de fuite. En tous les cas, le policier est cru sur parole car il est assermenté. D'autant plus qu'il est, la plupart du temps soutenu par ses collègues. Quelle protection et quelles atteintes ? De nos jours, et avec tous les changements qu'il y a eu, La police reste toujours tributaire du pouvoir en place et la justice est ballottée, entre l'ordre judiciaire et la volonté politique. Celle-ci n'est pas constante, d'autant plus que ce sont en réalité les partis politiques au pouvoir qui mènent le jeu. C'est la raison pour laquelle, au vu de la conjoncture de dérapages et de troubles, qui sont le fruit des tiraillements politiques, un projet de loi, sur la répression des atteintes des forces de sécurité soumis à l'examen de l'assemblée des représentants du peuple (ARP), a été reporté sine die. Les forces de sécurité dont la police, ont-elles besoin de protections supplémentaires contre des atteintes alors qu'elles sont protégées en vertu de leur statut ? Et de quelles atteintes s'agit-il ? Il est vrai qu'il arrive que des policiers soient victimes de provocations, par ceux qui ont mal compris leur rôle et leur utilité à rétablir l'ordre et préserver le respect de la loi. Un agent de police applique les instructions de ses supérieurs. Mais dès qu'il y a une bavure, cela se retourne contre lui et il est très vite pointé du doigt. Or il faut aussi faire la part des choses, car il n'y a pas que des policiers qui commettent des abus. Une loi de protection risque de donner plus de pouvoirs aux forces sont susceptibles de commettre de plus d'abus. Baïonnette obéissante et baïonnette intelligente L'exemple de l'avocate qui a été agressée par un commissaire de police au cours de l'exercice de sa profession, en dit long sur les tournures que peut prendre de tels incidents. En l'occurrence, il y a la parole de cette avocate contre celle du chef de poste en question. L'avocate a présenté en appui de ses allégations des documents, dont des certificats médicaux établissant des dommages corporels. Mais ils n'établissent pas le lien de cause à effet entre ces dommages et ceux qui les ont causés. L'affaire est actuellement devant la justice, et ceux qui soutiennent chacune des deux parties au litige, essaient d'influencer le juge, à savoir, les représentants de l'ordre des avocats d'une part et le syndicat des policiers de l'autre. Toutefois, la justice ne doit être influencée, ni par l'opinion publique ni par ceux qui soutiennent à leur façon, chacune des deux parties au litige. C'est le juge qui au final tranchera, en vertu des éléments du dossier et de son intime conviction. Il en va de même concernant le drame survenu mardi dernier, suite au décès d'un citoyen, après la démolition de son kiosque anarchique, alors qu'il y dormait. Le chef de la police municipale, qui a été quand même arrêté, a agi sous l'autorité de ses supérieurs hiérarchique. Les agents n'ont pas été toutefois, arrêtés. Ils disent qu'ils ne se sont même pas aperçus que la victime était à l'intérieur du kiosque. Devaient-ils s'en assurer ? Il fallait connaître la différence entre la théorie de la baïonnette obéissante et celle de la baïonnette intelligente, car, après tout ils ne sont pas des robots. Nous sommes tous protégés par la loi C'est la raison pour laquelle, ce projet de loi est mal venu, les policiers, sur lesquels on ne doit pas systématiquement tirer à boulets rouges, ont besoin plutôt de plus de discernement. Surtout ceux parmi eux qui abusent de leur pouvoir. Ils sont suffisamment protégés par leur statut et la législation déjà en vigueur depuis l'aube de l'indépendance. A cette époque les bavures commises par certains parmi eux, sont passés sous silence. Ils ont même été soutenus par le pouvoir en place qui était celui d'un Etat policier. Aussi le projet de loi en question a été perçu comme une atteinte aux acquis de la démocratie et de l'indépendance de la justice. Ce projet de loi est, d'ailleurs, sorti du sous-main de l'assemblée où il se trouvait depuis 2015. Le moment de le faire passer a été jugé opportun, par ceux parmi les députés qui estiment que leurs propres intérêts sont menacés. Pourquoi n'ont-ils pas pensé à faire passer le projet de loi sur l'immunité parlementaire et sa levée, qui s'avère beaucoup plus urgent ? Surtout avec les dérapages de certains députés de plus en plus hors-la-loi ! En fait il ne faut pas qu'il y ait des partis-pris au détriment de l'intérêt général, le policier n'étant avant tout qu'un citoyen qui peut fauter par négligence, passivité consciente ou inconsciente, voire pour des intérêts privés. C'est la raison pour laquelle il faut faire la part des choses et considérer comme une faute même les actes commis par obéissance à l'ordre d'un supérieur. Si les agents municipaux s'étaient assuré que, par leur acte, ils allaient commettre un meurtre, ils auraient réfléchi deux fois, avant de démolir le kiosque. En réalité, toutes les corporations, et les fonctionnaires de l'Etat ont besoin de plus de solidarité afin de mieux servir l'intérêt général. Nous sommes tous protégés par la loi. Celle-ci étant générale et impersonnelle, elle s'applique à tous de la même façon La République comme a dit le général De Gaulle « Si elle a besoin d'élus et de fonctionnaires, elle a plus besoins de citoyens. La vertu civique est dessus du devoir ». A.N.