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Affaire du tribunal de Ben Arous : des policiers au-dessus de la loi
Publié dans Business News le 28 - 02 - 2018

Lundi dernier, cinq policiers comparaissaient devant le tribunal de première instance de Ben Arous, accusés d'actes de tortures par un détenu. Théoriquement, le juge se doit de trancher ce litige qui oppose les deux parties. Sauf que les syndicats policiers ont décidé de faire de cette audience une démonstration de force, ravivant par la même occasion une page sombre de l'histoire de la Tunisie, marquée par l'hégémonie de la police et le sentiment d'impunité des policiers…

« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » au 18ème siècle déjà, Montesquieu, dans son célèbre traité de la théorie politique « L'esprit des lois », insistait sur la nécessaire séparation pour un fonctionnement juste de l'Etat. Plus de trois siècles plus tard, ce principe n'est toujours pas ancré dans l'esprit des Tunisiens… Pour preuve, ce qui s'est passé le 26 février 2018 au tribunal de première instance de Ben Arous. En effet, lors d'une comparution de 5 policiers accusés de torture par un détenu, une cinquantaine de leur confrère a débarqué au sein même du tribunal, armes à la main, pour soutenir leur camarade et demander leur libération. S'il n'est pas avéré que le juge a tenu compte de cette véritable manifestation de force dans sa décision de libérer les accusés, la manière de protestation choisie pour les syndicats de force de l'ordre fait tache dans une Tunisie qui entend rompre avec l'hégémonie de la police dans la vie publique…

Dans les faits, il s'agit d'une plainte déposée par un détenu contre des policiers qu'il accuse de l'avoir torturé. Le suspect, par ailleurs, arrêté pour banal un fait divers (vol d'un véhicule) dispose d'un casier judiciaire, vu que son nom est apparu dans les investigations relatives à la sensible affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd. Il a même été arrêté dans le cadre de l'affaire, avant d être libéré sur ordre du juge d'instruction. En somme, un accusé qui aurait été impliqué dans le premier assassinat politique post révolution accuse des policiers de l'avoir torturé. Tous les ingrédients d'une affaire qui allait défrayer la chronique étaient donc réunis. Par la suite, le comportement du syndicat des forces de l'ordre, qui a appelé ouvertement ses adhérents à protester au sein même du tribunal et à ne pas assurer la sécurité des auditions a fait basculer l'affaire dans une autre dimension, celle d'une affaire d'opinion publique.
Premier organisme à réagir à cette tumultueuse affaire, le Conseil supérieur de la magistrature qui a publié dans la soirée même du 26 février 2018 un communiqué où il dénonce « l'invasion du tribunal de première instance de Ben Arous par des agents de sécurité armés ». Le conseil y voit clairement une « atteinte de l'indépendance de la justice et une menace des bases d'un régime républicain démocrate ». L'Association des magistrats tunisiens (AMT) lui a emboité le pas, à peine quelques heures plus tard en publiant un communiqué daté du 27 février 2018 qui condamne l'encerclement, par les sécuritaires armés, du tribunal de première instance de Ben Arous, le rassemblement dans ses couloirs et devant le bureau du juge d'instruction. L'AMT dénonce « une démonstration de force portant atteinte au prestige de l'Etat » et met en garde contre les agissements dangereux et irresponsables des syndicalistes présents ce jour là dans le tribunal.

De son côté, l'Ordre national des avocats de Tunisie a qualifié les tragiques événements de lundi d'agression contre l'ensemble du corps de la justice en Tunisie et a appelé les autorités à fournir une protection accrue aux juges et aux avocats pour garantir un fonctionnement normal du service de la justice.

Les hommes politiques ne sont pas restés insensibles à cette affaire. Ainsi, l'opposition y a saisi une formidable opportunité pour critiquer le rendement du ministre de la Justice, l'appelant même à la démission par le biais du dirigeant du mouvement Irada Adnene Mansar « Si le conseil des magistrats avait le moindre respect pour les juges et la justice, il aurait présenté sa démission collective aujourd'hui… Si le ministre de la Justice avait le moindre respect pour sa personne et pour la justice il aurait présenté sa démission aujourd'hui, mais rien n'y fait ! ». De son coté, Ghazi Chaouachi, secrétaire général d'Attayar, estime qu'une partie « des syndicalistes des sécuritaires œuvrent et se rebellent contre l'Etat et contre les lois du pays », avant de se demander « ce qui reste du prestige de l'Etat », qui rappelons le, faisait figure de leitimov pour le candidat Béji Caïd Essebsi tout au long de sa campagne électorale.

Si la majorité des professionnels du secteur de la justice ont exprimé leur indignation face à ce qu'ils considèrent comme une atteinte à l'indépendance de la justice, les premiers accusés dans cette affaire n'ont pas manqué de réagir sur les plateaux et les ondes des principales radios. Ainsi, le syndicat des forces d'intervention a formellement démenti les accusations d'intimidation de la justice. « Certes nous avons soutenu nos confrères hier au tribunal de première instance de Ben Arous, mais en aucun cas nous ne sommes intervenus dans le jugement » s'est justifié le secrétaire général adjoint du syndicat, qui explique par ailleurs que le déploiement et le port des armes étaient d'usage quand il s'agit d'une affaire impliquant un terroriste. Par ailleurs, le syndicat a balayé d'un revers de la main les accusations de torture qui pèsent sur les sécuritaires et estime que le plaignant s'est infligé des coups pour détourner le cours du procès.
En somme, un dialogue de sourds semble s'annoncer entre les sécuritaires et les juges, soutenus cette fois dans leur combat par les avocats.

En tout état de cause, ce qui s'est passé le lundi 26 février annonce un grave précédent dans l'histoire judiciaire de la Tunisie. Ainsi, pour la première fois, un corps exerce une pression directe sur les magistrats et les menace à l'aide d'armes de service. Si les parlementaires, les juges et les hauts responsables publics peuvent invoquer (la loi le leur permet) une immunité de fonction pour ne pas répondre aux convocations des juges, les forces de l'ordre ne bénéficient d'aucune excuse pour échapper à la justice. Dans ce cas, cela s'apparente clairement à un abus de pouvoir et à un refus de se conformer à la justice.

Si les sécuritaires sont convaincus de leur innocence dans cette affaire où le prévenu les accuse d'actes de torture, qu'ils se présentent à la justice et les juges feront leur travail. Dans toutes les démocraties du monde, les plaintes pour torture à l'encontre des forces de l'ordre existent depuis plusieurs années et c'est la justice qui tranche le litige. En France, l'affaire du jeune Théo qui accuse les policiers de l'avoir torturé n'est qu'un exemple parmi une centaine d'affaires de ce type chaque année. Mais refuser le principe de comparaitre dans des conditions normales n'est il pas un aveu implicite de culpabilité ?

Les abus policiers et l'impunité de ce corps ont constitué un des facteurs du déclenchement des protestations en 2011, spécialement dans les quartiers dits chauds de Tunis et dans les différentes villes du territoire. Au gouvernement de prendre les décisions qui s'imposent pour mettre fin à cet état de fait. Toutefois, à l'heure de l'écriture de ces lignes, aucune réaction officielle à cette affaire n'est venue, ni par le ministère de l'Intérieur, ni par la présidence du gouvernement.


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