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«Le mari maléfique»
Publié dans Le Temps le 21 - 12 - 2020

p class="p1" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 13px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Le Temps - Slaheddine BEN MBAREK p class="p2" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 12px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Naima était jeune, pleine de vie. Elle avait juste 20 ans lorsqu'une famille voisine frappa à sa porte pour la demander en mariage à ses parents. Elle apprenait la nouvelle le soir même à son retour de la fac. Enfin le destin lui ouvrait la porte toute grande. Comme toute jeune fille, elle sentit un grand bonheur envelopper tout son être. Elle eut tout de suite de l'admiration pour ce fiancé qui vit à l'étranger. Elle était persuadée qu'il allait l'aimer et qu'elle pouvait compter sur lui. L'amour peut ouvrir toutes les portes, y compris celles de l'enfer.
« J'étais jeune, sans expérience. Le mariage se déroula comme un rêve. Quelle belle sensation de vivre un instant pareil ! Mon mari avait de la prestance et une belle allure. J'obtempérais à toutes ses demandes, sans trop y réfléchir, tellement son désir pour moi me paraissait une chance inespérée. Dans ses yeux je m'aimais et me sentais "femme". Son image virile et quasiment paternelle me rassurait. Je me suis mariée et suis partie très vite en France.
L'arrivée en France a été moins idyllique. Je me retrouvais dans une région inconnue du pays hôte, loin de ma famille, dans un appartement aux antipodes de mes rêves. J'ai vite appris, alors qu'il n'en avait jamais parlé auparavant, que mon mari était séparé d'une autre femme et qu'il avait des enfants placés dans un centre d'accueil. J'étais tellement amoureuse que je lui ai trouvé toutes les excuses. Je croyais tout ce qu'il me racontait. A la naissance de mon premier enfant, j'ai commencé à me rendre compte de son caractère emporté : il ne supportait pas les pleurs du bébé, ni le temps que je lui consacrais. Je me disais qu'il était un peu jaloux du nouveau-né et espérais encore qu'il allait changer. Pendant la grossesse du deuxième, tout s'est dégradé. Il m'insultait, me dévalorisait. Petit à petit, je suis devenue sa chose. J'avais lié ma vie à la sienne et je devais faire tout ce qu'il voulait. J'étais sous sa domination et quand il hurlait, je me croyais toujours coupable. J'étais incapable de réagir, ni de m'opposer. La peur d'admettre que je m'étais trompée me paralysait.
Il voulait des enfants, mais ne pouvait les assumer. Après la naissance du troisième, le moindre prétexte était bon pour que je reçoive une gifle, un coup de pied ou un coup de poing ! Terrorisée, je me repliais sur moi-même. Que de fois ai-je dû inventer des chutes dans l'escalier pour justifier des bleus énormes dans mon corps ! Le pire, c'était cette impression de perdre tout doucement mon identité. Je culpabilisais, je ne pouvais parler de cela à personne car j'étais étrangère, isolée ; et puis, j'avais tellement honte! Une fois, j'ai osé lui dire que j'en avais assez et que j'allais partir. Il m'a rétorqué qu'il ne me laisserait jamais les enfants et qu'il me tuerait plutôt que de le laisser vivre avec un autre...
Sans avertir, il s'acharnait sur moi en me battant avec violence et brutalité. Encouragée par l'équipe médicale qui m'avait prise en charge, j'ai porté plainte. La gendarmerie l'a convoqué et, à son retour à la maison, il s'était expliqué à sa manière, en ces termes : "Ils peuvent raconter ce qu'ils veulent les Français, j'ai le droit de vie ou de mort sur toi". Comme je lui résistais, il m'a encore battue et j'ai fait ce qu'il voulait : retirer ma plainte après une hospitalisation de trois jours. A partir de là, j'ai développé une peur monstrueuse. Tout m'affolait : le bruit de ses pas dans l'escalier, la porte qui s'ouvrait. Quand il m'adressait la parole, je tremblais. Quand il voulait faire l'amour, cela devenait un viol. Il me semblait que mon devoir était de tout supporter pour protéger mes enfants. Heureusement, il ne les touchait pas et d'ailleurs, il ne s'en occupait jamais.
Un jour, il m'avait cassé le nez et essayait de m'étrangler. N'ayant plus d'espoir, sans famille proche, j'ai fait une tentative de suicide. Quand j'ai vu que j'étais toujours en vie, j'ai recommencé à vouloir mourir. Pour moi, c'était la seule façon de lui échapper. A mon réveil à l'hôpital, après être passée si près de la mort, il m'a dit : "Si au moins tu avais réussi ton suicide je serais débarrassé de toi et j'aurais touché l'argent de l'assurance". Ce fut le premier déclic. Le second, je le dois à l'infirmière qui me soignait lorsqu'elle m'a clairement annoncé : "Soit il finira par vous tuer, soit on va vous enlever vos enfants".
Moi qui supportais tout pour eux... Il n'était pas question que je les perde à cause de ce monstre. Je n'avais pas de travail, pas de salaire, il savait que je ne pouvais pas le quitter. L'infirmière m'a mise en contact avec une assistante sociale qui m'a aidée à examiner ma situation sous toutes les coutures, pour enclencher une procédure de divorce et rentrer chez moi. Une décision très difficile. Au départ, j'envisageais le retour en Tunisie comme un aveu cinglant d'échec. J'appréhendais le regard des autres sur moi. J'avais peur des médisances, que l'on pointe du doigt mes enfants. J'avais honte. Honte de l'échec de mon mariage. Honte de ne pas avoir achevé mon parcours universitaire, de ne pas pouvoir travailler en France et subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants car n'ayant aucune formation. J'étais accablée et avais beaucoup de mal à sortir de la rumination et de l'affliction. Des sentiments toxiques qui me rongeaient de l'intérieur et grugeaient mon énergie. Je dois beaucoup à l'assistante sociale qui a pris le temps de m'expliquer qu'il me faudrait d'abord me reconstruire en lieu sûr, en me rappelant, chiffres à l'appui, qu'en France, nombre de femmes battues, diplômées, exerçant un métier, subissaient la violence de leur ex-époux même après le divorce, et que certaines en mourraient. Elle m'a invité à expliciter et dénoncer le coupable quand j'envisageais le retour. L'assistante sociale a trouvé les mots pour m'expliquer que les hommes violents ne changent pas, à moins qu'ils acceptent de suivre une thérapie, ce qui n'était absolument pas le cas du père de mes enfants. L'assistante sociale a su me convaincre que personne ne méritait d'être traité de la sorte. Elle m'a fait rencontrer d'autres femmes battues et j'ai découvert que j'étais loin d'être un cas isolé.
Je n'étais pas encore guérie. J'ai toujours la peur de le voir surgir. Il a tué pour toujours des choses en moi. Je n'arrivais plus à dire "je t'aime", ni à être câline comme avant. J'avais peur et je n'arrivais plus à penser qu'on puisse m'aimer encore dans la vie. D'insouciante, je devenais très méfiante et si pessimiste.
Désormais mon obsession était de fuir mon mari et ramener mes enfants dans mon pays. Cela n'est pas chose aisée. C'est ainsi que je commençais à exécuter mon plan que j'avais mis au point. Je revenais à de bons sentiments en déclenchant une opération de reconquête pour appâter le méchant mari. Je me soumettais de nouveau à ses ordres. Je masquais ma forte personnalité pour satisfaire son égo. J'usais de mon charme et valorisais certains atouts qui étaient en moi, pour le mettre en confiance. Il s'agit pour moi de réaliser l'irréalisable en passant par une phase de dé-fusion à la phase de fusion pour l'inciter à vivre une relation heureuse sans pour autant oublier les mots chocs de l'assistante sociale qui m'a appris que les violents « récidivent et peuvent même tuer ».
Mon mari s'était laissé faire et semblait enclin à accepter une forme de stabilité dans le ménage. Souvent l'orage s'invitait dans le ciel de notre foyer mais je gérais avec beaucoup de tact pour circonscrire à mes dépens tous les problèmes qui pourraient surgir. J'avais appris à ne pas déranger le silence et apprivoiser la colère d'un mari déconnecté des normes sociales dans le pays où je vivais. Un soir comme prévu dans mon programme, j'avais reçu une communication téléphonique de ma mère qui m'a informée que mon père est très malade. Je poussais un cri effrayant qui a inquiété mon mari. J'avais pleuré longtemps et j'étais même tombée malade. Je ne savais pas que j'excellais dans l'art dramatique, à tel point que mon mari m'enveloppa dans ses bras pour me rassurer et alléger ma douleur. J'ai dû le remercier plusieurs fois en embrassant ses mains. J'avais des larmes réelles qui ne seraient pas celles du chagrin mais plutôt de la joie de parvenir enfin à le piéger pour exécuter un plan salutaire dans lequel j'ai mis tous mes espoirs. Et, finalement il est tombé dans le panneau. C'était lui-même qui m'a proposé de faire le voyage jusqu'au pays pour voir pour la dernière fois mon père « agonisant ». J'avais tout calculé. Il n'était pas question que je parte sans mes enfants. Je le regardais avec reconnaissance et je lance la phrase fatidique : » Et les enfants ? J'espère que tu t'en occuperas sans tracas ? ». Il m'avait répondu quelques secondes après, l'air bouleversé : « il vaut mieux que tu les prennes avec toi, leur grand-père aurait certainement besoin de les voir ! ». J'aurais voulu que ce voyage se passe dans la normalité des choses, mais c'était mon plan de sauvetage et j'assumais mon hypocrisie. Pour moi c'est une question de vie ou de mort.
De retour dans mon pays et auprès de ma famille, je retrouvais ma liberté. Je sortais d'une cellule obscure pour vivre dans la lumière. Mes enfants ont retrouvé un nid rassurant. J'avais pu enfin les extraire d'un milieu violent où Ils pourraient être les proies d'un homme dangereux pour peu qu'il entrait dans une hystérie soudaine dont les conséquences pourraient être insurmontables ».
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