« La nuit de l'Aïd… l'Aïd el Kébir. Le meilleur moment où la famille tunisienne se réunit… Imagine passer l'Aïd sans ceux que tu as de plus cher. Ceux que tu aimes le plus sont en prison : accusés de terrorisme, de complot. Nous voulions simplement nous réunir pour une grillade devant la prison de la Mornaguia, alléger la peine de nos proches, leur tenir compagnie, mais ils ont dispersé les détenus et séparé leurs familles. Nos prisonniers sont libres entre quatre murs ; vous, vous êtes prisonniers, terrifiés, dans vos palais. Nous ne connaîtrons pas la paix tant que l'injustice durera. » Ces mots bouleversants sont ceux de Mongi Souab, frère d'Ahmed Souab, publiés jeudi 5 juin 2025, à la veille de l'Aïd el Kébir, sur les réseaux sociaux. Dans un témoignage empreint de douleur, il évoque l'absence, l'arbitraire et l'acharnement judiciaire qui marquent cette fête familiale, devenue pour beaucoup un symbole de rupture et d'injustice.
Les familles des détenus politiques avaient prévu de se rassembler devant la prison de la Mornaguia pour un moment de solidarité : un méchoui préparé sur le parking, des boissons partagées dans la chaleur fraternelle. « On voulait simplement être là, leur rappeler qu'ils ne sont pas seuls », explique Mongi Souab. Mais, à la dernière minute, plusieurs détenus ont été transférés vers différentes prisons – Siliana, Borj Erroumi, Nadhour – empêchant toute réunion. Parmi les détenus figure Ahmed Souab, ancien magistrat, expert reconnu en droit administratif et voix critique des dérives autoritaires. Il a été placé en garde à vue le 21 avril 2025, après une déclaration publique à caractère métaphorique dénonçant les pressions exercées sur les juges dans l'affaire dite du « complot contre la sûreté de l'Etat ». Malgré les appels de ses soutiens, sa demande de libération a été rejetée le 7 mai 2025. Pour son frère, l'accusation de participation à une organisation terroriste est non seulement absurde, mais profondément insultante. Dans ce climat, les familles tentent de garder la tête haute. Le témoignage de Mongi Souab se veut aussi un message de résistance : « Nos prisonniers sont libres dans leurs cellules, et nous, nous sommes libres dans les rues. C'est vous, les puissants, qui vivez enfermés, apeurés dans vos palais. » Une promesse résonne : « Nous ne connaîtrons pas la paix tant que l'injustice durera. »