Badreddine Ben Henda vient de publier son troisième roman « La Pétition de Bayrem » aux Editions Latrach. Un roman destiné essentiellement aux générations futures, les enfants d'aujourd'hui, qu'ils soient jeunes, adolescents ou encore en bas-âge, qui rêvent d'un avenir meilleur et qui doivent prendre les choses en main, face à la détérioration des conditions de vie et à la dégradation de l'environnement (social, économique et politique) de plus en plus inquiétant. « De retour au bled pour conclure une transaction immobilière, un oncle retrouve sa ville d'enfance défigurée, crevassée, cabossée. Des chantiers partout, interminables », peut-on lire en quatrième de couverture. Lui, qui compte encaisser son chèque en une seule journée et revenir aussitôt à Tunis où il habite depuis des années, il a dû retarder son retour à maintes reprises pour s'engager dans une action citoyenne. Il a donc l'idée de rédiger une pétition, de la faire signer et de l'adresser aux autorités, chose qui se fait sentir, quoique difficilement, de la part des habitants qui sont extrêmement soucieux de l'avenir incertain qui attend leurs enfants, hommes de demain. C'est donc le moyen jugé le plus efficace par lequel les habitants peuvent exprimer leurs doléances et faire pression sur les autorités pour les amener à agir en vue de procéder à des changements, à des améliorations des conditions de vie des citoyens qui aspirent à un avenir meilleur. Aussi a-t-on pensé à baptiser cette pétition du nom de « Bayrem » l'enfant qui vient de naitre au sein de la famille de l'oncle, ce nouveau-né qui incarne l'heureux présage d'un nouvel avenir de la ville, un avenir meilleur plein de prospérité et de bonheur. En effet, ce sont nos enfants qui portent l'espoir d'un nouvel avenir à construire. Face aux différentes peurs alimentées par l'actualité sombre et alarmante, les nouvelles générations ont besoin de s'unir dans une solidarité étroite et profonde, pour dénoncer les irrégularités et affronter les incertitudes. Il a fallu sensibiliser les gens de la situation alarmante et de les mobiliser, toutes tranches d'âge confondues, afin d'obtenir le maximum de signatures. Et le premier à signer cette pétition, c'est le bébé « Bayrem » ! A vrai dire, la tâche n'est pas facile à accomplir pour l'oncle : sensibiliser les gens, écrire la pétition, constituer un groupe-noyau, chercher des sympathisants, collecter des signatures, faire la propagande sur les chaines de radio et de télévision. C'est un défi à relever, d'autant plus que la pétition est rédigée au nom du bébé « Bayrem », chose que certains, dont le gouverneur, n'acceptent pas ! Mais l'oncle a ses arguments, s'adressant au gouverneur en ces termes : « Nous œuvrons pour l'avenir, et l'avenir ce sont ces enfants que vous voulez épargner et, ce faisant, exclure du projet qui les concerne prioritairement. Que des enfants, que des bébés même, signent la pétition, ce n'est guère un crime dont il faut accabler leurs aînés. Au contraire, responsabilisons nos enfants dès leur jeune âge ; ils grandiront et grandira avec eux le sens de la responsabilité familiale, sociale, humaine et tout ce que vous voulez !... » p : 173 Le roman parle d'une ville au nord-ouest du pays où la vie passe et rien ne se passe, où les jours se suivent et se ressemblent et où la situation devient de plus en plus étouffante et pesante. Le narrateur ne cite pas le nom de cette ville dans le roman, mais se contente de l'appeler ainsi « l'a-ville », employant le préfixe « a » qui en général signifie le manque, la privation ou la suppression. D'ailleurs, on peut relever plusieurs mots pareils utilisés par le romancier, tels que l'a-route, l'a-rivière, l'a-rue, l'a-caserne, l'a-cité, l'a-banque, comme pour donner l'idée que ces lieux délabrés et en mauvais état ont perdu leur aspect d'origine à travers les années et dont certains restent des chantiers interminables et d'autres invivables, méconnaissables et quasi inaccessibles. « Il hésitait à se rendre au bled pour encaisser son chèque. Avant de sortir de chez lui et de prendre un taxi pour la station de louage, son corps semblait refuser de se réveiller et ses yeux de s'ouvrir. Tunis dormait encore ou somnolait encore en cette heure si matinale... » Ce sont là les toute premières phrases du roman. Faites attention, si vous commencez à les lire, vous ne pourrez pas vous arrêter et vous serez obligé d'aller jusqu'à la dernière ! H.K