– Agences- La télévision d'Etat birmane a fait planer hier pour la première fois la menace d'"actions" contre les contestataires alors que des foules massives manifestaient pour la troisième journée consécutive en Birmanie contre le coup d'Etat qui a renversé Aung San Suu Kyi. Il s'agit du premier avertissement lancé par les autorités depuis le début des manifestations samedi dans le pays, où la fronde grandit. Hier, plusieurs centaines de milliers de personnes, d'après diverses estimations, étaient rassemblées à Rangoun, la capitale économique. D'autres ouvriers ont rejoint le mouvement ainsi que des moines en robe safran, des avocats, des étudiants, et des infirmières agitant des drapeaux rouges aux couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, détenue au secret depuis hier. "Avant nous vivions dans la crainte, mais nous avons eu un gouvernement démocratique pendant cinq ans. Nous n'avons plus peur. On ne se laissera pas faire", a lancé Kyaw Zin Tun, ingénieur de 29 ans. Un appel à "la grève générale" Des manifestations se tenaient également dans de nombreuses autres villes du pays, beaucoup d'habitants défilant sur leurs deux-roues dans un concert de klaxons, comme à Tangû à 300 kilomètres au nord de Rangoun. A NayPyidaw, la capitale, les forces de l'ordre ont fait usage de canons à eau contre des manifestants, selon des journalistes. Deux personnes ont été blessées, d'après cette source, tandis que des images diffusées sur les réseaux sociaux montraient deux protestataires à terre après avoir été visés par les canons. Dimanche, les manifestations se sont déroulées sans incident majeur. Des dizaines de fonctionnaires avaient déjà cessé le travail la semaine dernière, en signe de protestation. Ce vent de contestation est inédit en Birmanie depuis le soulèvement populaire de 2007, violemment réprimé par l'armée. Quel est le but exact des manifestants, s'interroge Soe Myint Aung, analyste au centre de recherche indépendante de Rangoun. "Revenir au fragile équilibre entre gouvernement civil et militaires d'avant les législatives de novembre 2020 ou cette fois totalement chasser l'armée du pouvoir ?" Un accès à Facebook restreint Les généraux putschistes ont mis fin le 1er février à une fragile transition démocratique, en instaurant l'état d'urgence pour un an et en arrêtant Aung San Suu Kyi ainsi que d'autres dirigeants de la LND. Depuis, plus de 150 personnes - députés, responsables locaux, activistes - ont été interpellées et sont toujours en détention, selon l'AAPP. Les connexions internet ont été partiellement rétablies dimanche après avoir été très perturbées pendant 24 heures. Les données mobiles ont aussi été restaurées, a fait savoir le Norvégien Telnor, l'un des principaux fournisseurs d'accès du pays. L'accès à Facebook, outil de communication pour des millions de Birmans, restait en revanche restreint ce lundi. Beaucoup détournaient la censure en utilisant des VPN, outils qui permettent de contourner les restrictions géographiques. Une crise au cœur de l'agenda international Les évènements restaient au cœur de l'agenda international. Le pape François a exprimé sa "solidarité avec le peuple birman" et exhorté l'armée à oeuvrer en faveur d'une "coexistence démocratique". Quelques jours plus tôt, l'ONU avait appelé à la libération des détenus mais n'avait pas condamné formellement le coup d'Etat dans sa déclaration commune, Pékin et Moscou, soutiens traditionnels de l'armée birmane aux Nations Unies, s'opposant à cette formulation. Les Etats-Unis et l'Union européenne font de leurs côtés planer la menace de sanctions.