Il était déjà au nirvana le jeune homme qui s'apprêtait à convoler en justes noces avec l'élue de son cœur. Il l'attendait sur la braise. Mais comme toutes les mariées tunisiennes, elle s'est considérablement attardée à l'institut de beauté qui devait la maquiller et la coiffer comme une miss. C'était pour lui comme une éternité. Enfin, la voilà arrivée. Elle était splendide comme une reine de beauté. Du coup son impatience s'est volatilisée et il s'est calmé. S'engouffrant tous deux dans une belle voiture décorée avec goût, ils rejoignirent au plus vite la demeure conjugale où devait se dérouler la fête de mariage. Le cortège ne mit pas beaucoup de temps puisque les mariés étaient du même quartier. Tout de suite, sans aucun préambule, il grimpa à grandes enjambées sur le toit de la villa en compagnie de sa future épouse pour prendre place sur la scène dressée à leur intention. Faisait suite la cohorte des invités. Les musiciens étaient déjà en action et les saluèrent avec l'hymne traditionnel. Curieusement, la cérémonie devait commencer par un incident, le photographe ayant refusé de faire crépiter son appareil à la condition d'être payé rubis sur ongle dès les premières notes musicales. Cette deuxième contrariété, après celle du retard de la mariée, faillit mettre le feu aux poudres, n'eût été l'intervention énergique d'un proche parent qui régla à l'amiable ce différend, en avançant de sa poche le dû. La fête pouvait alors commencer dans la sérénité retrouvée. La troupe musicale fit des merveilles et les chanteurs s'égosillèrent même pour faire plaisir au jeune couple ainsi qu'aux convives qui apprécièrent les nombreuses chansons débitées à une vitesse vertigineuse. L'ambiance détendue s'anima davantage lorsque l'assistance prit d'assaut la scène, plantée en plein air, pour exécuter chacun à sa manière des danses endiablées. L'allégresse était générale, mais c'était sans compter sur un impondérable qui allait changer brusquement la donne. Le ciel devint subitement menaçant et les premières gouttelettes annoncèrent malheureusement le pire puisqu'une pluie battante s'abattit, obligeant les mariés, les convives et les musiciens à quitter le toit pour se réfugier à l'intérieur de la maison. De nombreux invités préférèrent battre en retraite et regagner leurs demeures tandis que d'autres attendirent l'accalmie, dans l'espoir de continuer la fête. Coup de théâtre à ce moment-là : le chef des musiciens a refusé catégoriquement de recommencer à jouer, sous le prétexte que minuit avait déjà sonné et que la réglementation lui interdit de poursuivre son activité au-delà de cette heure. C'en était fini des nerfs à fleur de peau du jeune marié qui entra dans une colère noire, au point de s'attaquer aux musiciens récalcitrants. Une bagarre générale opposa alors les belligérants, malgré les vaines tentatives pour ramener le calme. Et comme un malheur n'arrive généralement pas seul, une ronde de police, attirée par ce vacarme nocturne, intervint pour embarquer tout ce beau monde au poste.