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Point d'orgue ou point de non retour ?
Tribune : Enseignement Supérieur
Publié dans Le Temps le 06 - 02 - 2008

Voilà que la question de la réforme de l'enseignement supérieur refait surface à la Une des quotidiens de la presse écrite à un moment où l'université tunisienne en est à son cinquantenaire. Est-ce l'âge de raison de l'institution universitaire ?
Déjà, le nouveau projet de loi proposé aux deux chambres des députés et des conseillers a fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours et nous interpelle, à plus d'un titre, parce qu'il va engager l'enseignement supérieur pour une période d'au moins vingt ans à venir dans notre pays. Malgré son caractère hâtif et précipité, cette proposition dénote déjà une volonté collective aussi bien du Ministère de tutelle que de la communauté nationale de réformer l'enseignement supérieur et le rendre capable de relever les défis de la globalisation tant dans ses aspects féroces que bienveillants.
La décision du Ministère de retirer le projet de loi et de le soumettre à l'attention des commissions parlementaires est salutaire en soi, car elle traduit une bonne volonté de dépasser les effets drastiques d'une nouvelle législation de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Et, pour cause ! L'Etat national a toujours recruté la majorité de ses cadres politique-administratifs de l'université publique qu'elle soit tunisienne ou étrangère.

Les héritiers face à l'ISO
Un projet de loi qui suscite l'attention de tous tant dans son contenu que dans sa forme. Le nouveau projet de loi doit se situer dans le cœur même de la question sociale, politique et culturelle de la Tunisie d'aujourd'hui, car il est inopérant de concevoir un système d'enseignement innové, d'avenir pour la construction de la société du savoir avec une conception ancienne devenue désuète, voire inopérante quant à l'innovation des structures et des lois de l'enseignement supérieur. Surtout, une consultation plus large des différents acteurs (étudiants, enseignants, les différents intervenants concernés par le secteur) est indispensable à ce sujet.
La réforme liée à l'ISO telle que son nom le dénote "Organisation Internationale de Normalisation" aurait donné lieu à des abréviations différentes selon les langues ("IOS" en anglais et "OIN" en français), ses fondateurs ont opté pour un nom court, universel: "ISO". Ce nom est dérivé du grec isos, signifiant "égal". Ce nom est commun à tous les pays quelle que soit leur langue. L'ISO est habilité à agir en tant qu'organe de liaison censé établir un consensus sur des solutions répondant aux exigences du monde économique et aux besoins de la société, en l'occurrence celles des consommateurs. C'est, en bref, un organisme non gouvernemental qui jette les ponts entre le secteur public et le secteur privé.
Isomorphisme, homogénéité et normalisation constituent autant de dangers à l'encontre de l'épanouissement de la société du savoir sous l'effet de l'instrumentalisation pragmatique des connaissances et de leur marchandisation pure et simple.
La loi ne devrait pas omettre les acquis de l'enseignement supérieur dans notre pays depuis cinquante ans. Elle doit se situer dans l'état social de la société tunisienne pour jalonner la voie à la société du savoir et de communication.
Depuis l'indépendance, la politique sociale en Tunisie ne faisait que croître. Les dépenses sociales de l'Etat Tunisien augmentaient de 10% en 1961, 14.5% dans les années 70 et de 19 à 20% actuellement. Les dépenses sociales représentent 55% du budget de l'Etat. En effet, le secteur éducatif a la part du lion des ressources publiques, soit 8.1% du P.I.B, ce qui constitue le double de la moyenne mondiale. Pour l'enseignement supérieur, le nombre d'étudiants a connu une explosion pléthorique et galopante. Il est passé de 44.000 en 1987-88 à 348.000 en 2007-08, soit une multiplication par 8. Le nombre des diplômés de l'enseignement supérieur est aujourd'hui de 61.000, soit près d'une fois et demie du nombre total des étudiants des universités tunisiennes en 1987-88. A cette époque, le taux de scolarisation dans l'enseignement supérieur qui était de 6 à 7% atteint aujourd'hui les 33% (cf, Zghidi&Ben Romdhane, Attariq al-Jadid Déc,2007)
Cependant, la précarité en formation des formateurs est flagrante. Le nombre d'étudiants par enseignant permanent est passé de 12 à 27, celui des étudiants par professeur ou maître de conférence de 84 à 226. Le budget alloué par étudiant a baissé de 54%. Devrons-nous souligner que cette accumulation quantitative ne doit pas nous obnubiler, car le changement qualitatif attendu, à cet égard, est certes plus important à ce sujet. L'article 42 mentionne la création de la « commission nationale pour l'évaluation et la qualité. »
Dans son article premier, le projet de loi stipule que l'enseignement supérieur vise à assurer la formation en vue d'instaurer une société du savoir. Réduire l'enseignement supérieur à la formation et au développement technique induit à la formation professionnelle alors qu'il doit, en premier lieu, viser la production et la diffusion des connaissances.

La tentation mercantile
Dans l'article2, le projet ministériel réduit l'objectif de l'enseignement au développement des connaissances et de l'employabilité, tandis que le Conseil Economique et Social suggère l'ajout du terme intelligence après celui de connaissances ; sinon on réduirait l'université à une fonction pragmatique où l'esprit critique et créatif n'aurait plus droit de cité. Quant à l'employabilité, elle ne relève pas uniquement de la compétence de l'enseignement supérieur, mais aussi de celle des pôles technologiques et d'autres institutions étatiques. Dans la même, clause, est-il aussi question de rappeler que l'enseignement supérieur impulse à réaliser des recherches fondamentales sans pour autant minimiser l'importance des filières littéraires, humaines et artistiques.
L'article 9 reprend l'ancien principe que les universités sont des institutions publiques à caractère administratif dont le budget est rattaché réglementairement au budget de l'Etat. Toutefois, on y ajoute une nouveauté contradictoire au principe de gratuité de l'enseignement supérieur public « institution publique à caractère scientifique et technologique régie par le droit commercial ». De plus, il met en premier lieu les subventions de l'université par les cotisations estudiantines. Ce qui est contradictoire au principe de gratuité de l'Enseignement supérieur public.
L'article 10 stipule l'autonomie des universités dans leurs fonctions pédagogiques et scientifiques sans pour autant donner de détails sur les textes qui régissent cette autonomie. Par ailleurs, il est indiqué dans l'article 13 que chaque université est composée d'institutions sans avoir précisé un texte clair réglementant la tutelle de chaque institution de l'enseignement supérieur.
Et les libertés académiques ?
L'article 14 du projet de loi stipule que chaque université est présidée par un recteur désigné parmi les professeurs de l'enseignement supérieur pour un mandat de 4 ans. Cet article présente un obstacle au principe de liberté académique et à la démocratisation de la gestion des universités. La Fédération Générale de l'Enseignement Supérieur et le Conseil Economique et Social insistent sur le principe à ce que les présidents d'universités soient élus par le cadre enseignant au sein des conseils d'université.
Cette dernière, est un espace de production et de diffusion de connaissances dans un climat de respect des libertés académiques. En fait et dans le projet de loi proposé par le ministère, ces libertés resteraient soumises aux pouvoirs politique-administratifs qui régissent l'enseignement supérieur. Il n'est permis à quiconque autre que l'enseignant de s'immiscer, s'ingérer dans les contenus scientifiques et pédagogiques des cours. Pourtant, il arrive qu'on pratique une certaine censure sur les contenus des enseignements. Pour organiser un colloque, un séminaire, on est astreint à avoir le visa du Ministre de l'Enseignement Supérieur. La désignation des membres du jury de recrutement est souvent pratiquée par le Ministère sous prétexte d'absence de candidats ou de Quorum. Pas mal d'enseignants terminent leur carrière sans avoir eu l'occasion d'étudier un dossier de candidature.
De même, les passages de grades, bien qu'ils soient attribués aux jurys composés de collègues, n'échappent pas souvent aux effets de clientélisme et d'affinités extra-scientifiques et pédagogiques.
L'article 26 de la nouvelle loi garde le rôle consultatif du conseil scientifique alors que les universitaires revendiquent le caractère délibératoire du conseil scientifique. Dans sa forme actuelle, la loi laissera toujours la liberté totale au directeur désigné à prendre des décisions unilatérales.
L'université est, en principe un espace de production, d'échange et de diffusion de connaissances. Les droits fondamentaux de libre expression, d'opinion, de droits syndicaux doivent y être assurés et respectés. Toutefois, le nouveau projet de loi n'est pas explicite à ce sujet. Cette question et tant d'autres proposées par la Fédération Générale de l'enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique n'étaient pas évoquées lors de la première interview avec le Ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Technologie. (Assabah, Dimanche, 03/02/2008). Plusieurs non dits lors de cette interview concernant les libertés académiques, l'élection des jurys de recrutement, du conseil supérieur d'enseignement supérieur et de recherche scientifique...méritent d'être explicités dans la nouvelle loi.
Au cour de son entretien, le ministre reconnaît l'élection des présidents des universités en se référant à l'organisation de la Coopération et de Développement Européen (OCDE).
Cependant, non seulement l'article 14 du projet de loi proposé ignore le principe d'élection des présidents et des vice-présidents des universités, mais il stipule l'allongement des mandats à ces postes à quatre années au lieu de trois actuellement. Ainsi, le projet devient contradictoire avec le principe d'autonomie des universités. On peut se demander pourquoi l'article 19 n'inclut-il pas la composition des conseils d'université dans le même de texte de loi ? L'article 22 stipule la création d'un conseil des universités présidé par le Ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Technologie et composé des présidents des universités et des Directeurs Généraux du Ministère de tutelle. Malgré son envergure ainsi que l'importance de ses attributions (établissement des programmes de recherche et d'enseignement, mise à niveau des institutions, coordination entre universités), des parties dont l'importance est reconnue en sont exclues tels les doyens et directeurs d'établissements universitaires
Quant à la conformité du projet de loi à la constitution elle n'empêche pas de ratifier les textes, qui ne sont jamais sacro-saints ou immuables, surtout en faveur de la réforme de l'enseignement supérieur qui a toujours occupé une place d'avant-garde dans la société. Les représentants de la nation des deux chambres, les acteurs de la société civile : le syndicat d'étudiants, celui des enseignants, des chercheurs, les associations, les partis politiques... ont, sans conteste, leurs mots à dire à ce sujet.
Ce projet de loi va-t-il vraiment augurer un âge d'or pour notre université ? Nous pouvons toujours l'espérer.
Abdesselem MAHMOUD Universitaire


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