Le Temps-Agences - Au moins 37 personnes ont été tuées hier dans les zones tribales du Pakistan par l'attentat suicide le plus meurtrier de 2008, contre un rassemblement du parti de l'ex-Premier ministre assassinée Benazir Bhutto, à deux jours des élections législatives. Le Pakistan achevait tout juste sa campagne pour les élections législatives et provinciales de demain, sous la menace de nouveaux attentats islamistes et sous le regard anxieux des Etats-Unis qui redoutent des violences en cas de fraudes. Plus de 80 millions de Pakistanais sont appelés à participer à un scrutin crucial pour la seule puissance nucléaire du monde musulman, en proie à une profonde crise politique et à une vague sans précédent d'attentats perpétrés par des islamistes proches des talibans et d'Al-Qaïda. Hier, en pleines zones tribales frontalières avec l'Afghanistan, un kamikaze au volant d'une voiture piégée a foncé sur un rassemblement devant la maison d'un candidat du Parti du peuple pakistanais (PPP) à Parachinar, puis s'est fait exploser, a déclaré le porte-parole du ministère, Javed Cheema. "Le bilan s'élève à 37 morts" et à 93 blessés, a-t-il dit, pour l'attentat le plus sanglant depuis le début de l'année. "Il y avait des cadavres et du sang partout", a raconté un témoin, Laiq Hussain, disant avoir vu "un homme aux cheveux longs précipiter sa voiture dans la foule et se faire exploser". La localité tribale de Parachinar fait face à la chaîne afghane de Tora Bora, où les troupes américaines soupçonnent que le chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, se cachait fin 2001 avant de s'évaporer. Des kamikazes proches des talibans et d'Al-Qaïda ont fait de 2007 l'année la plus meurtrière de l'histoire du Pakistan, avec plus de 800 morts. Avec ce nouvel attentat, environ 140 personnes ont péri dans des attaques depuis le 1er janvier, dont 80 dans des attentats visant cette semaine des candidats. Avec 81.000 soldats déployés autour des 64.000 bureaux de vote, "la sécurité est maximale pour les 17 et 18 février", a assuré le ministre de l'Intérieur Hamid Nawaz. Il a confirmé que la campagne électorale, qui fut quasiment atone par peur des attentats et en raison du désintérêt de la population, prenait fin hier à 20H00 HT. En fin de journée, le parti qui soutient le président Pervez Musharraf, ainsi que ceux de Benazir Bhutto --tuée le 27 décembre dans un attentat suicide- et de l'opposant Nawaz Sharif, organisaient leurs dernières réunions. Le veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari, qui dirige le PPP, s'est entretenu avec M. Sharif d'un hypothétique partage du pouvoir en cas de victoire de l'opposition. Car si elle s'emparait des deux-tiers des sièges du Parlement, M. Musharraf pourrait être éventuellement destitué. De toute façon, M. Zardari avait dénoncé par avance des "élections truquées", sans exclure un "gouvernement de consensus national" avec M. Musharraf. Ces élections sont d'autant plus importantes que cette République islamique de 160 millions d'habitants est sous très haute surveillance de la communauté internationale. Les Etats-Unis, qui ont fait de M. Musharraf leur allié dans leur "guerre contre le terrorisme" jugent que les islamistes menacent un Etat essentiel pour la stabilité de la région et qu'Al-Qaïda et les talibans ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales. Par ailleurs, le président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain, le démocrate Joseph Biden, qui conduit des parlementaires devant observer sur place le scrutin, a jugé que son pays devrait "réduire l'aide militaire au Pakistan" si les élections étaient "manifestement truquées". En cas de fraudes, M. Biden a dit craindre davantage de violences.