Quel rôle pour le journaliste dans la gouvernance d'entreprises ? Une interrogation dont la résonance n'épargne pas la Tunisie, comme en témoigne le séminaire organisé cette semaine sur ce thème par l'Institut arabe des chefs d'entreprises (IACE). Ce fut une opportunité à la fois inédite et significative qui renseigne sur la nécessité devenue impérieuse d'associer les médias à la diffusion des principes et des composantes de la gouvernance d'entreprises en Tunisie et surtout la culture qui s'y attache.
Sachons d'emblée que la gouvernance d'entreprise est l'ensemble des règles permettant aux actionnaires de s'assurer que les entreprises dont ils détiennent des parts sont dirigées en conformité avec leurs propres intérêts, ainsi que des informations et des surveillances permettant aux partenaires d'une institution de voir leurs intérêts respectés et leurs voix entendues dans le fonctionnement de celle-ci. Pour être complet, il faut savoir aussi que la gouvernance d'une entreprise publique ou privée a le mérite essentiel de fournir l'orientation stratégique, de s'assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés comme il faut et que les ressources sont utilisées dans un esprit responsable. Sous cet angle , un régime de gouvernance d'entreprise doit garantir la diffusion en temps opportun d'informations exactes sur tous les sujets significatifs concernant l'entreprise, notamment la situation financière, les résultats, l'actionnariat et le gouvernance de cette entreprise. Il est difficile de ne pas concevoir que le journaliste se dispense d'apporter le concours qui relève de sa mission et de sa vocation pour participer, à son échelle, à la diffusion de ces informations qui portent, de façon non exclusive, sur tout l'éventail des enjeux et des activités de l'entreprise, principalement le résultat financier et le résultat d'exploitation de l'entreprise, ses objectifs , les principales participations au capital et les droits de vote, la politique de rémunération des administrateurs et des principaux dirigeants, ainsi que les données relatives aux administrateurs portant notamment sur leurs qualifications, le processus de sélection, leur appartenance au conseil d'administration d'autres sociétés et le fait qu'ils sont considérés comme indépendants par le conseil d'administration. Plus important, il est devenu indispensable de diffuser ces informations conformément à des normes de grande qualité reconnues au niveau international, en matière de comptabilité et de communication financière et non financière. C'est que les modes de diffusion retenus doivent permettre aux utilisateurs d'accéder aux informations pertinentes dans des conditions équitables, en temps opportun et au meilleur coût. Enfin, autre nécessité : l'adoption d'une stratégie efficace visant et encourageant la fourniture par des analystes, des entreprises d'investissement, des agences de notation et autres d'analyses ou d'avis utiles pour éclairer les décisions des investisseurs, indépendamment de tout conflit d'intérêts significatif susceptible de compromettre la sincérité de leurs observations ou conseils. Nombreux sont les journalistes présents à cet atelier qui ont déclaré ne pas se reconnaître dans cette architecture , se plaignant en chœur de la difficulté d'accéder aux sources d'informations qui leur permettent de communiquer aux intéressés, spécialement les investisseurs et les actionnaires les données qui les fondent à se faire une idée aussi précise et pertinente que possible du tableau de bord et de la situation de la société à laquelle ils ont confié la responsabilité et la mission de gérer et faire fructifier leurs avoirs. Bien plus, les intervenants ont constaté que, souvent, les informations financières ne sont pas communiquées en temps opportun, en tout cas guère dans les délais impartis par les lois et règlements en vigueur, lesquels prévoient, pourtant, des sanctions, en cas de retard ou de non diffusion des états financiers dans les délais fixés et avec la précision requise. De même, des interrogations ont été soulevées concernant le fait de savoir si les intérêts des administrateurs sont suffisamment alignés sur la création de valeur à long terme pour l'entreprise et s'il arrive que des membres du conseil d'administration aient des conflits d'intérêts qui pourraient les empêcher de représenter l'ensemble des actionnaires de façon efficace.