Le centre de la Médina, représentait à l'époque le lieu résidentiel pratiquement le plus nanti. Tandis que les gens les plus démunis, habitaient dans les quartiers populaires éloignés du centre ville. C'était là qu'il y avait les zones d'activités les moins rentables et les plus polluantes. Il y avait également les quartiers juif et chrétien. Dans cette zone se trouvaient les bagnes de Tunis qui étaient au nombre de onze. Ces bagnes renfermaient surtout les captifs chrétiens que ramenaient les différents corsaires. La course qui était d'usage à l'époque était considérée comme étant un Jihad maritime contre les différentes agressions des chrétiens dans les eaux territoriales. Les captifs y étaient bien traités conformément aux préceptes de l'Islam, interdisant la maltraitance physique des prisonniers même en temps de guerre. Dans la plupart de ces bagnes se pratiquaient des activités illicites et secrètes dans les différentes tavernes qu'elles renfermaient. Du temps, de Othman Dey, les bagnes étaient situés pour la plupart à proximité des résidences des grands propriétaires, négoces de captifs. Ceux-ci étaient acheminés du port de la Goulette vers les portes les plus proches, dont notamment Bab Quartajenna, Bab Souika et Bab Benat. Il y avait donc un bagne à côté de chacune de ces portes pour faciliter l'acheminement des captifs et leurs ventes ultérieurement, ou leurs échanges. André Raymond, l'historien français cité précédemment dans notre rubrique, écrivait notamment à ce propos : "Les onze bagnes pour lesquels une localisation précise ou approximative a pu être proposée, se situent en gros à la périphérie du quartier de résidence aisée : Dabdaba, Hawlà et Manshiya (entre la Kasbah et Bab Benat) Sawari, Hafsya, Hâra, Tawila et Kuchuk Murad, Quaramid Othman Dey et Chaâbane Khouja. D'une certaine manière, une proximité plus grande par rapport aux portes de la ville, par où arrivaient les captifs". Le rachat des captifs se faisait, soit à la demande des familles de ceux-ci, ou à celle d'eux-mêmes en établissant le contact par l'intermédiaire de leurs chefs. En général, le chef des captifs en faisait un commerce florissant d'autant plus qu'il était cautionné par le Dey, qui réalisait par ce moyen un profit assez considérable. Quand il s'agissait de captives, les plus belles parmi celles-ci étaient données sous forme de présents au Dey et à sa cour. Les autres étaient vendues aux plus riches. C'était en quelque sorte de la "traite des blanches" déguisée. Plusieurs captives rachetées ou libérées devenaient elles-mêmes un des maillons de cette chaîne interminable constituant le réseau de la vente des captifs sous toutes ses formes. Certains chefs de captifs devenaient de grands notables pour faire partie de la cour des Deys et plus tard de celle des Beys, tel à titre indicatif, le célèbre, Youssef Saheb Ettabaa qui après avoir fait fortune grâce à cette pratique, devint le super-ministre du Bey. Envié aussi par les proches de celui-ci ainsi que les notables et richissimes notamment pour les remarquables réalisations qu'il avait entreprises, il fut sauvagement assassiné, à la place Halfaouine où il érigea la plus belle mosquée hanéfite.