On ne s'attendait pas à ce que Abdelhak Ben Chikha déclenche aussi rapidement les surenchères. Nous sommes, nous autres Tunisiens, capables d'effusions sentimentales sans retenue. Nous aimons fêter ensemble un événement. Nous sommes, donc, des fêtards invétérés et cela vient de l'allégresse, que nous cherchons à installer sous tous les prétextes. Ben Chikha, porté en triomphe par les Clubistes, à la conquête du titre, faisant flotter le drapeau de l'Algérie sœur, assailli de caméramens et de journalistes, encensé par les dirigeants clubistes, ne s'est pas accordé le temps nécessaire pour savourer ce triomphe ; la disponibilité à être de la fête, dans une communion indicible. Peut-être n'aime-t-il pas s'accorder le plaisir de vivre avec son âme et non avec sa tête, un moment important dans sa vie. Peut-être, aussi, que ce sens de la comptabilité et, donc, de la praticité découle de la précarité, de la fragilité de la carrière d'entraîneur. Et lorsqu'on sait quelles misères on a faites à Decastel et les défauts de paiement à l'endroit de plusieurs parmi nos entraîneurs de clubs, on finit par « comprendre » la minutie de Lemerre à calculer ses sous et, maintenant, la substantielle augmentation que réclame Ben Chikha. Mais ce qui ne cadre pas avec ce contexte de fête, c'est justement, ce faux-bond de l'entraîneur clubiste. Cet ultimatum, adressé à Kamel Iddir (jeune président de club et qui se proclame fier d'être un « haut fonctionnaire de l'Etat » pour répondre aux sarcasmes « embourgeoisés » dans son entourage) - fausse quelque peu la donne. Une première interrogation : Ben Chikha les vaut-il ? Une deuxième : est-il l'artisan du titre ? Et une troisième : si le penalty de l'Etoile contre Gafsa avait fait mouche, quelle aurait été l'issue du championnat ? Le football tunisien a ceci de particulier, qu'il stimule alimente et, parfois, légitime la démesure. A l'heure où le président de la fédération s'arroge le pouvoir absolu de décider du profil du sélectionneur national, ignorant ses pairs fédéraux, les techniciens et tutti quanti ; au moment où un Marchand qu'on croyait solide au poste est déboulonné en un tournemain , seul la récupération de Decastel par l'Etoile apporte un minimum de crédibilité à un corps de métier (celui des entraîneurs), gangrené par un système qui ne sur-évalue les uns que pour mieux rabaisser les autres. Et dans ce manège de surenchère, il serait naïf, de notre part, et de la part des Clubistes, de croire qu'un entraîneur, de nos jours, puisse tomber amoureux de l'équipe qu'il entraîne et du club qui le paie. Chichement déjà...