L'Association Intersection pour les droits et les libertés a publié, le 19 septembre 2025, une note documentaire intitulée : « Sherifa Riahi : violations graves et privation de maternité », consacrée au parcours judiciaire et aux conditions de détention de l'ancienne directrice exécutive de l'ONG Tunisie Terre d'Asile. Arrêtée en mai 2024 dans le cadre d'une vaste campagne visant plusieurs acteurs associatifs, Sherifa Riahi demeure en détention depuis plus d'un an, malgré la requalification des accusations initiales. Selon l'association, son cas illustre un enchaînement de violations majeures des droits fondamentaux.
Diplômée en architecture et engagée depuis plusieurs années dans la défense des migrants, réfugiés et victimes de violences, Sherifa Riahi a été interpellée le 7 mai 2024 et placée en garde à vue au titre de la loi antiterroriste et de lutte contre le blanchiment d'argent. Ces poursuites trouvent notamment leur origine dans une intervention médiatique de 2022, où elle avait critiqué le caractère obsolète de la législation tunisienne sur les étrangers. Ce discours, rappelle Intersection, a été instrumentalisé pour nourrir une campagne de stigmatisation contre elle et son ONG. Après neuf mois de détention, les chefs d'« atteinte à la sûreté de l'Etat » et de « blanchiment » ont été abandonnés, ne laissant subsister que des accusations liées aux conditions d'hébergement de migrants et à l'article 96 du Code pénal relatif à l'« abus de fonction ». Le collectif de défense a introduit un recours en cassation, toujours en attente.
L'association relève que Sherifa Riahi a passé plus de 14 mois en détention préventive, bien au-delà des délais légaux, sans que son statut de mère de deux enfants en bas âge ne soit pris en considération. À son arrestation, sa fille n'avait que deux mois. Pourtant, les demandes de visites régulières et directes ont été restreintes, souvent limitées à une demi-heure deux fois par mois avec son fils aîné, et à de rares occasions avec son bébé. Cette séparation prolongée, souligne le rapport, a eu un impact psychologique profond sur les enfants comme sur leur mère. De plus, certaines audiences se sont déroulées dans des conditions jugées « inhumaines », notamment un interrogatoire qui n'a débuté qu'après 23h, à l'issue d'une journée entière d'attente au tribunal.
Pour Intersection, la détention prolongée et les restrictions imposées aux visites familiales violent plusieurs garanties inscrites dans la Constitution tunisienne, notamment la présomption d'innocence, le droit à un procès équitable et la protection des droits des femmes et de l'enfant. Le rapport cite également des manquements aux normes internationales, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l'enfant.
Au-delà de la personne de Sherifa Riahi, l'affaire met en lumière les risques qui pèsent sur les acteurs de la société civile en Tunisie. L'association souligne que son arrestation et sa détention découlent d'un usage « abusif » de la législation antiterroriste pour criminaliser une activité associative pourtant conforme aux standards nationaux et internationaux. Pour Intersection, il s'agit d'un « cas emblématique d'atteinte grave aux droits humains, où s'entrecroisent violation des garanties judiciaires, privation des droits familiaux et instrumentalisation des lois sécuritaires ».