Les patients tunisiens atteints de la sclérose en plaques, surnommée «la maladie du corps sain», bénéficient, actuellement, des mêmes thérapeutiques que dans les pays développés, tels que l'utilisation de l'interféron. Même s'il est pris en charge par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), le coût de ce traitement demeure élevé pour certains patients. La sclérose en plaques, maladie inflammatoire du système nerveux central, dont le traitement est très coûteux, touche quelque 3000 personnes en Tunisie, selon les chiffres officiels. Alors que d'autres statistiques estiment que le nombre de personnes atteintes de sclérose en plaque en Tunisie varie entre 5.000 et 8.000 personnes. Dans le monde, près de 2,5 millions de personnes appartenant à la tranche d'âge entre 15 et 55 ans dont la majorité sont des femmes, sont atteints de la sclérose en plaques. L'Association tunisienne des malades de la sclérose en plaques (ATSEP) a organisé, dès le début de l'année plusieurs manifestations et journées d'information, en présence de neurologues, kinésithérapeutes, malades et leurs familles et des représentants des caisses de sécurité sociale et d'assurance maladie, dans la perspective de donner d'amples éclairages sur les dernières avancées en matière de traitement de cette maladie et de prise en charge des patients. Mais pour ces malades, la médecine annonce un grand espoir.
Apparition de la maladie et premiers signes C'est le Professeur Jean Cruveilhier qui a rapporté, en 1835, les premières représentations des lésions caractéristiques de la sclérose en plaques. Il faudra attendre 1868, le 14 mars exactement, pour que le Docteur Jean Martin Charcot fasse une description claire et précise des lésions observées. Au XIXème siècle, on parlait déjà de "sclérose en taches" ou en "îles". "Sclérose en plaques" fut utilisé, la première fois, par A. Vulpian en 1866. Selon une étude rétrospective portant sur les dossiers des patients classés SEP, suivis au service de Neurologie de l'Institut National de Neurologie de Tunis, de 1974 à 2000, la Tunisie est considérée comme une zone de faible endémie pour la sclérose en plaques (SEP). D'autres études réalisées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) montrent une répartition géographique inégale de la maladie avec des zones de haute prévalence (autour de 100 pour 100.000 habitants) en Scandinavie, Ecosse, Europe du Nord, au Canada et au Nord des Etats Unis, des zones de prévalence moyenne (autour de 50), Europe centrale et de l'Ouest, Sud des Etats Unis, des zones de prévalence basse (inférieure à 20), autour de la Méditerranée et au Mexique. La maladie est exceptionnelle en Afrique dans la population noire. Un premier regard fait donc apparaître un gradient Nord-Sud, des climats tempérés humides aux pays chauds, mais ce principe de latitude n'est pas d'application générale : le Japon, dont l'extension Nord-Sud équivaut à celle des U.S.A. est uniformément en basse prévalence ; la répartition de la SEP dans l'hémisphère Sud ne présente pas un gradient aussi schématique. Par ailleurs, dans les zones de prévalence forte et moyenne, on observe une distribution inégale, avec des foyers, dans une ville ou une zone rurale (c'est le cas en Bretagne). L'analyse de ces données conduit à supposer l'interférence de deux facteurs au moins : un facteur d'environnement et un facteur génétique. L'hypothèse d'un facteur d'environnement est appuyée en particulier sur l'étude des migrations de populations entre des zones de prévalence inégale : très schématiquement, ceux qui migrent après l'âge de 15 ans ont le risque de la région d'origine, ceux qui migrent avant l'âge de 15 ans ont le risque de la région d'arrivée, comme si un évènement décisif se produisait, seulement, dans certaines contrées, à l'adolescence (plusieurs années avant le début clinique de la maladie). En faveur d'un facteur génétique, outre la faible prévalence de la SEP chez les Japonais, on relève la rareté chez les Noirs américains au Nord comme au Sud des USA. L'intervention du patrimoine génétique est confirmée par le dénombrement des familles multi-cas plus fréquentes que ne donnerait le hasard : on estime le risque à 2 p. 100 pour les frères et sœurs d'un patient, soit un facteur 50 par rapport aux sujets non apparentés. L'étude canadienne des jumeaux dont l'un est porteur de la maladie montre pour les dizygotes une concordance de 2 p. 100 (comme tous les germains), et pour les monozygotes de 40 p. 100. Ceci fait apparaître la fois l'importance du facteur génétique dans la détermination de la maladie et le fait qu'il ne s'agisse pas d'une maladie héréditairement transmise (100 p. 100 de concordance chez les monozygotes). Il existe une susceptibilité d'origine génétique, mais qui ne suffit pas pour que se déclare la maladie.
Symptômes et traitement Cette maladie, dont les origines demeurent méconnues, détruit la gaine de myéline dans le système nerveux central, engendrant plusieurs symptômes tels que des troubles visuels, sensitifs, urinaires ou de la motricité. Causée par un dérèglement de la fonction du système immunitaire, cette maladie reste un point d'interrogation pour les médecins qui en ignorent encore l'origine exacte. Ce sont, d'après les recherches effectuées par les spécialistes, les lymphocytes T, principaux constituants du système immunitaire et chargés de lutter contre tout corps étranger, qui reçoivent l'ordre mystérieux et inexplicable de détruire la myéline, gaine protectrice des voies nerveuses. Elle constitue une des affections neurologiques qui soulèvent plusieurs problèmes, non seulement, médicaux mais également sociaux, professionnels et éthiques sur lesquels il importe de se pencher en permanence et de leur apporter des solutions adéquates. «Nous ne savons pas d'où provient ce message ni pourquoi ces lymphocytes se mettent un jour à détruire la gaine protectrice des nerfs du système. Nous savons seulement que certaines personnes présentent une prédisposition qui, associée à certains facteurs, déclenchent la maladie», expliquent plusieurs médecins tunisiens. Pour réduire les poussées liées à la maladie chronique - vertiges, troubles oculaires, insensibilité, fourmillements, perte partielle ou totale de l'usage des membres - tous les malades de la sclérose en plaques ont été mis sous corticothérapie à forte dose. L'évolution de la recherche dans le domaine a fait jaillir un nouvel espoir parmi les malades, notamment avec le lancement, ces dernières années, d'un traitement basé sur l'injection d'interféron bêta, qui permet de retarder l'échéance inéluctable du handicap. L' 'interféron bêta et l'acétate de glatiramère ont fait la preuve de leur efficacité dans la sclérose en plaques (poussées moins nombreuses et moins sévères, amélioration des lésions visibles en IRM, parfois moindre évolutivité du handicap). Créée en décembre 2005, l'Association tunisienne des malades de la sclérose en plaques (ATSEP), qui compte 400 adhérents entre patients et leurs familles et médecins, s'est fixé déjà plusieurs objectifs : tenter de créer un fonds pour financer le traitement des malades de la sclérose en plaques, établir des conventions avec les privés pour soigner bénévolement ou, sinon, à prix symbolique les malades de la sclérose en plaques dont les ressources sont limitées et, enfin, mettre notamment à leur disposition les moyens qui faciliteraient leur déplacement Concrètement, il s'agit de faciliter la vie des malades de la sclérose en plaques en mettant à leur disposition, à titre d'exemple, une voiture pour assurer leur transport vers l'hôpital ou la clinique lorsqu'ils iront faire leur séance de kinésithérapie. Il faudrait également signer des conventions avec certains médecins et kinésithérapeutes pour la prise en charge gratuite des malades. Parmi les personnalités célèbres atteintes sclérose en plaques figurent : la violoncelliste Jacqueline Du Pré, le batteur de Billy Talent, Aaron Solowoniuk et la comédienne française Marie Dubois.