Allemande née chrétienne convertie à l'islam, Sonja B. « rêvait» – si l'on peut dire – de commettre un attentat suicide en Irak, avec son bébé de deux ans dans les bras. Son projet a heureusement été déjoué par les services allemands, alertés à temps par leurs homologues américains. Cette candidate au martyre fait partie de ces dizaines de convertis à l'islam ayant succombé aux sirènes du jihad international. Américains, Australiens, Jamaïcains, Français, Allemands, Belges… Nés de parents chrétiens, juifs ou athées… Fraîchement convertis à l'islam le plus rigoriste par des imams extrémistes, ils ont gagné les camps d'entraînement de Bosnie et d'Afghanistan, où ils ont acquis une solide formation militaire, avant de devenir des «petits soldats du jihad» contre l'Occident mécréant. Certains sont morts dans les montagnes de Tora Bora ou en Irak. D'autres ont été arrêtés dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, jugés et écroués. Leurs parcours, qui se ressemblent en plusieurs points, peuvent être résumés en deux formules: quête désespérée de soi et folie destructrice.
Rita Katz, juive d'origine irakienne, dirige un institut américain basé à Washington DC spécialisé dans l'étude – et, accessoirement aussi, la traque – des groupes islamistes violents. En naviguant sur un forum de discussion jihadiste appelé «Fissabillilah» utilisant trois langues (turc, allemand et anglais), elle est tombée sur un message d'une quinzaine de lignes, daté du 17 avril 2006, envoyé par une certaine Sonja B. à son ex-mari Abdulrahman H. «Je ne sais pas si ce mail te parviendra», lui écrit-elle. Elle lui demande ensuite s'il a quelque chose à lui dire. Car, lui annonce-t-elle tout de go: «Je vais en Irak pour commettre un attentat suicide. Après cet acte ultime, nos chemins se sépareront. Je suis certaine cependant qu'à la fin, ils se rejoindront».
Dénoncée par des emails au contenu étrange Sept jours plus tard, Sonja B. est arrêtée. La fouille de son appartement à Berlin ne débouche sur aucune découverte ni aucun indice dénonçant son projet d'attentat en Irak. La police allemande soustrait cependant l'enfant à sa mère qui est aussitôt internée dans un hôpital psychiatrique. Les investigations ont permis de découvrir un précédent message de Sonja B. à son ex-mari, daté du 9 mars 2006, où la prévenue écrivait: «Nous devrions aimer davantage Allah et porter plus d'attention à son Prophète. Naturellement, j'aime bien mon enfant. Mais Dieu sait que nous allons faire du bien». La jeune femme signe ses messages sur Internet par le pseudonyme Ummu Abdullah (mère d'Abdullah, prénom de son enfant). Sonia B. (Berlin ?) est née à Hanovre dans une famille protestante. Son père, un Arabe musulman, l'a abandonnée ainsi que sa mère alors qu'elle était encore bébé. Dès son jeune âge, elle porte un grand intérêt pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. En 2001, au quartier de Berlin Naikoll, elle fait la connaissance d'un Arabe, Abdulrahman H., un homme très pieux, qui lui donne son unique enfant. Entre-temps, son mari quitte l'Allemagne. Les experts de l'antiterrorisme supposent qu'il se trouve aujourd'hui dans le Waziristan, région frontalière entre le Pakistan et l'Afghanistan, où les troupes de la Coalition sont en train de pourchasser les taliban. Sonja B. a été mise en liberté peu de temps après son arrestation, mais l'enquête sur son projet d'attentat se poursuit. Et pas seulement en Allemagne. Ainsi, en Ecosse, la police enquête sur un certain Mohammed Atif, un britannique de confession musulmane âgé de 20 ans, qui était en contact avec Sonja via Internet. Elle enquête aussi sur un autre internaute musulman fréquentant le même forum de discussion qui avait tenté de dissuader Sonja B., au nom de l'islam, d'entraîner son bébé dans son aventure suicidaire. L'internaute en question n'a cependant pas encore été identifié.
Les fatwas de Youssef Qaradawi Selon le quotidien allemand ‘‘Die Welt'' du 3 juin 2006, l'organisation des musulmans d'Allemagne, Islamische Gemeinschaft in Deutschland (IGD), très influencée par les prêches du théologien égyptien Youssef Qaradawi, proche des Frères musulmans, a publié sur son site Internet, en février 2004, une fatwa affirmant que «la participation des femmes à des opérations martyres, surtout en Palestine occupée, est un acte noble au service de Dieu. Les femmes qui meurent en martyrs bénéficieront, dans l'au-delà, de la même récompense promise aux hommes qui se sacrifient pour Allah». Selon le même journal, les services allemands ont dénombré, à fin mai 2006, quelque 47 femmes qui ont manifesté leur souhait de mourir en «chahida» (martyre) sur le forum de discussion aujourd'hui fermé. Les deux tiers sont allemandes, dont trois converties : Sonja B et deux autres originaires de Bavière. L'autre tiers est constitué de Belges, dont Muriel Degauque, auteur d'un attentat suicide à Baaqouba, en Irak, le 9 novembre 2005, déjàa présentée dans cette série, et de quelques Norvégiennes. Selon les enquêteurs allemands, Sonja B. avait pu établir des contacts avec des islamistes kurdes membres du groupe Ansar Al-islam, basés au sud de l'Allemagne et en Autriche. Ce sont ces derniers qui allaient l'aider à s'introduire en Irak et à y perpétrer son attentat suicide. Dans un autre email qui lui est attribué, la jeune femme avouait: «J'ai une possibilité extraordinaire d'aller au paradis avec mon fils. Naturellement, j'aime mon fils, mais je vous demande de prier pour lui et pour moi, afin que Dieu nous accepte dans son paradis». C'est sur la base de ces éléments, assez ténus et qui dénotent de la fragilité psychologique – si ce n'est le dérangement mental – de la prévenue, que la police allemande fonde ses accusations contre Sonja B. L'enquête en cours apportera-t-elle de nouveaux éléments à charge – ou à décharge – de la convertie allemande ? Espérons – pour elle en tout cas – que les choses en resteront là et qu'elle pourra être soignée comme une névrosée et non sanctionnée une comme apprentie terroriste. Demain 23 : L'émir Gadahn contre le croisé Bush
* - Je voudrais remercier mon ami Raja Skandrani qui a pris la peine de me traduire en français les rares journaux allemands qui ont évoqué le cas de Sonja B. Cet article lui doit beaucoup.