La nouvelle de la rupture de ses fiançailles que lui annonça sa mère le jour de la visite qu'elle lui fit en prison, l'avait beaucoup plus secoué, que celle par laquelle on lui annonça sa condamnation à plusieurs années d'emprisonnement. Il faut dire que le calvaire de ce jeune homme, commerçant de son état commença le jour où il voulut tenter de faire fructifier son argent par des moyens détournés, et pas trop catholiques. Il était pourtant fort intelligent et s'il n'avait pas réussi dans ses études, s'étant arrêté au bac, après avoir échoué maintes fois à l'examen, il put acquérir une certaine expérience dans le commerce et se spécialisa dans la friperie. Son père lui avait permis d'utiliser le garage attenant à la maison, en guise de boutique où il a pu, petit à petit se faire connaître dans le quartier et acquérir une certaine renommée. Il put en quelques années avoir un pécule suffisant pour acheter une 404 bâchée pour le transport des marchandises. Son cercle d'activité ne cessant de s'élargir le voilà devenue un grossiste qui fournissait de la marchandise aux détaillants. Il était de ce fait appelé à voyager afin d'importer plusieurs articles des pays voisins. Son commerce devint de plus en plus florissant. Il commença également à penser sérieusement à fonder un foyer. Il avait remarqué que sa voisine et amie d'enfance, n'était plus la petite gamine qui venait jouer à la marelle avec ses petites sœurs. Elle était devenue une charmante jeune fille qui pouvait bien être son heureuse élue, pour une union pour le bien et pour le pire. Elle était à son année du bachot, et ce qui est important pour elle, c'était d'abord de réussir à son examen et à ses études. Si bien que lorsqu'il lui confia son intention de bâtir avec elle un nid douillet en lui révélant son attachement elle rougit, un peu par pudeur et surtout par surprise pour lui faire comprendre qu'il n'a jamais été le prince charmant de ses rêves, sans pour autant se montrer tout à fait réticente. Il revint à la charge après le résultat du bac. Elle avait collé à l'examen, et elle était quelque peu désespérée. "Rien ne t'empêche de continuer les études, même après le mariage lui dit-il. Je sais que tu finiras par décrocher ton bac et même réussir au-delà. Il suffit de ne pas désarmer et de ne jamais baisser les bras". La jeune fille apprécia ces propos et fut sensible à l'attitude de son prétendant. Aussi avait-elle fini par accepter ses avances. "Tu dois envoyer tes parents pour demander ma main. J'en parlerai préalablement à ma mère. A priori il n'y aura pas de problèmes. D'autant plus que mon père t'apprécie énormément". Ce qui fut fait. Les fiançailles ont été célébrées pendant les grandes vacances mais il n'était pas question de mariage avant l'année d'après car la jeune fille était résolue à repasser son bac. Entre-temps le jeune homme continua à exercer son activité commerciale. Mais hélas, voulant aller plus vite que la vitesse du son, il sombra dans une affaire de trafic de stupéfiants. Il s'en sortit avec une condamnation de deux ans de prison. A sa sortie il alla chez sa fiancée afin de s'expliquer sur son attitude. Mais elle refusa de le rencontrer. D'ailleurs, elle avait restitué à sa famille tous les cadeaux des fiançailles, avant même sa sortie de prison. Il rentra bredouille et il devint très malheureux. "C'est le Mektoub, la destinée, lui dit sa mère. Tu trouveras bien une autre". "Non, c'est fini, je ne veux plus me marier", lui répondit -il avec amertume. Il devint de plus en plus nerveux. Il ne pouvait même plus exercer son activité commerciale comme il se devait. D'autant plus que son incarcération avait terriblement nui à sa réputation. Il décida de vendre le fonds de commerce ainsi que le camion, et voyager loin afin de changer d'ambiance et essayer d'oublier. Mais voilà qu'il apprit que son ex-fiancée allait se marier avec un jeune homme qui était en Italie et qui rentra définitivement au pays - ce fut son ami qui lui annonça la nouvelle. "De qui s'agit-il ?" lui demanda-t-il. -"C'est Oueld... tu le connais, il habitait près de chez nous juste à deux cent mètres d'ici". -"Ce n'est pas vrai ! Oueld..., tu m'a bien dit Oueld.. ;". -"Absolument !" Le lendemain, il alla voir de bon matin, le nouveau prétendant chez lui. Etonné de le voir, Oueld... ne se formalisa pas pour autant. -"Je te donne ce que tu veux... Mais éloigne toi de j..." lui dit-il. -"Et pour quelle raison le ferai-je ? Pour tout l'or du monde je n'écouterai pas tes suggestions. Et maintenant, laisse moi tranquille !". Le jeune furieux lui lança alors qu'il lui fermait la porte au nez : "Alors tu verras de quel bois je me chauffe !". Il était au volant de sa 404 bâché, et ne voyait que rouge. Dans son élan, il alla directement chez son ex-fiancée. Celle-ci venait de quitter son domicile, et fut surprise de le voir. Il s'arrêta à son niveau en lui barrant presque le chemin et lui dit. "Tant que je serai vivant, tu n'épouseras pas ce faux jeton". Malheureusement pour toi je vais l'épouser dans quelques mois. Et ce n'est pas toi qui m'en empêcherais !", lui répondit-il sur un ton furieux. Sur ces paroles il démarra brusquement et perdant le contrôle de son véhicule, il fonça sur elle en la renversant. En tombant sa tête vint heurter le bord du trottoir et elle ne se releva plus. Quant à lui, pris de panique, il continua son chemin à vive allure. Il alla se cacher chez sa tante. La jeune fille transportée à l'hôpital, décéda dans l'ambulance. Le rapport d'autopsie conclut que la mort de la victime était due à une hémorragie cérébrale. Le lendemain il se livra aux agents de la garde nationale Tout au long des étapes de la procédure, il déclara qu'il n'avait pas l'intention de la renverser ni de la tuer, mais qu'il perdit son self contrôle sous l'emprise de la colère. Inculpé d'homicide volontaire et de délit de fuite suite à un accident mortel, il put convaincre le tribunal qu'il s'agissait d'un simple accident. Le témoignage du nouveau fiancé n'était pas probant, car il n'avait pas assisté à cet accident. Il avait simplement déclaré que ce jeune homme l'avait menacé. Il fut condamné quand même pour homicide involontaire, mais le fait d'avoir perdu son heureuse élue était pour lui beaucoup plus pesant et douloureux que les années qu'il devait passer pour purger sa peine.