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L'Irak: un chaos «américain»
Le Temps du Monde: L'Irak: un chaos «américain»
Publié dans Le Temps le 05 - 02 - 2007

En Irak, chaque jour que Dieu dé-fait, des dizaines de civils sont assassinés par des escadrons de la mort ou tués dans des attentats au véhicule piégé, et pas seulement à Bagdad, où un gouvernement fantoche, enfermé dans sa prison dorée de la «zone verte», continue de gesticuler en vain.
Tout aussi impuissantes, les troupes d'occupation américaines semblent «occupées» à se protéger elles-mêmes des assauts des insurgés. Quant au «peuple» irakien, si tant est que l'on puisse encore parler de «peuple» à propos d'une mosaïque ethnique et confessionnelle éclatée - Arabes, Kurdes et Turkmènes, musulmans, chrétiens, Yézidis (ou Zoroastriens, adorateurs du diable, 100 000 adeptes tout de même) et Sabéens (60 000), chiites et sunnites, réunis pour le pire -, il ne lui reste plus qu'à compter ses morts et à panser les blessures des survivants, en attendant un Mahdi (le Godot local) qui ne viendra peut-être jamais...

Samedi, un attentat suicide au camion piégé a fait 135 morts et plus de 300 blessés sur un marché du centre de Bagdad. C'est l'une des explosions les plus meurtrières provoquées dans la capitale irakienne depuis le début de l'intervention militaire américaine en mars 2003.
Les caméramans de télévision n'ayant pu accéder au lieu du drame, dont les issues ont été rapidement bloquées par les forces de police, nous n'avons pas vu d'images du carnage - si tant est qu'on en ait eu le cœur -, mais celles tournées à l'hôpital Ibn Al-Nafis de Karrada, où les morts et les blessés étaient acheminés par dizaines, souvent sur des chariots de fortune, en disent long sur l'atrocité de ce nouvel attentat perpétré par un kamikaze conduisant un camion chargé d'une tonne d'explosif.

Aucune communauté n'a le monopole de la violence ou du martyre
L'attentat étant survenu dans le marché fréquenté du quartier de Sadriya, majoritairement peuplé de Kurdes chiites - lequel avait connu trois attaques similaires en décembre dernier qui ont fait 51 morts -, le Premier ministre Nouri Nouri Al-Maliki n'a pas cherché longtemps avant d'en désigner les auteurs présumés: les Saddamistes (nostalgiques de l'ancien président Saddam Hussein) et les Takfiristes (activistes sunnites).
Il n'y a peut-être pas de doute sur l'appartenance du kamikaze et des commanditaires de cet attentat. Les violences de ces dernières semaines sont alimentées par d'anciens baathistes voulant venger l'exécution - très humiliante - de leur ex-chef Saddam Hussein, mais aussi par des extrémistes islamistes sunnites, Irakiens ou Arabes venus d'autres pays de la région, qui cherchent à faire capoter les projets, Américain et/ou Iranien, en Irak, dont les communautés kurde sunnite et arabe chiite sont soupçonnées d'être les exécutants sinon les complices.
La voix de ces jihadistes, le chef de l'Etat islamique en Irak, structure créée en octobre par la branche locale d'Al-Qaïda, a d'ailleurs annoncé, dans un enregistrement diffusé sur Internet le jour de l'attentat, son intention d'élargir ses attaques à toutes les régions d'Irak en réplique à la décision américaine d'un envoi de renforts à Bagdad.
Cependant, la responsabilité des violences perpétrées en Irak ne saurait être sérieusement attribuée aux seuls baathistes et jihadistes sunnites. Les Chiites y ont y aussi une grande part. Les escadrons de la mort, dont les membres portent souvent des tuniques de la police et de l'armée, corps aujourd'hui contrôlés par les chiites, font régner la terreur parmi les populations sunnites, en procédant notamment à des exécutions sommaires en pleines rues. Résultat: une grande partie des victimes irakiennes appartiennent à la communauté sunnite. Cela est rarement souligné par les médias occidentaux.
En vérité, dans l'Irak post-Saddam, aucune communauté ethnique ou confessionnelle n'a le monopole de la violence ou du martyre. Même s'il est admis généralement que ce sont les sunnites et les chiites qui sont les plus actifs dans la guerre interconfessionnelle sévissant actuellement dans le pays.

Un gouvernement illégitime et incompétent
Au moment où les Américains et Israéliens ne font plus mystère de leur projet de lancer des attaques contre les centrales nucléaires de l'Iran voisin, que les territoires autonomes palestiniens sont au bord de la guerre civile et que le Liban sombre dans une crise politique larvée, la poursuite des violences aveugles en Irak a de quoi inquiéter les autres pays de la région et la communauté internationale dans son ensemble. D'autant que des experts de la National Intelligence Council (NIC), qui regroupe les seize agences de renseignement américaines, ont affirmé, dans un rapport rendu public vendredi, que certaines violences en Irak peuvent être qualifiées de «guerre civile». Ah bon ?
«La communauté du renseignement juge que les mots ''guerre civile'' ne représentent pas de manière adéquate la complexité du conflit en Irak. Cependant, l'expression ''guerre civile'' décrit de manière correcte des éléments-clés du conflit en Irak», explique le document, qui énumère ces éléments: les violences confessionnelles, la radicalisation des communautés chiite et sunnite et les déplacements de population provoqués par le conflit.
Comment arrêter ces violences intercommunautaires ? Les dirigeants américains continuent de soutenir que la responsabilité de la stabilisation du pays incombe en premier lieu au gouvernement irakien actuel. Or, ils sont les mieux placés pour savoir que ce gouvernement, dirigé par le Premier ministre Nouri Al-Maliki, est, à la fois, illégitime et incompétent.
Illégitime, car il ne représente pas (ou plus) toutes les composantes de la société irakienne, mais défend les intérêts - et les desseins à long terme - de la communauté chiite et, à travers elle, ceux de l'Iran voisin.
Incompétent, car il peine à s'imposer comme une force de réunification nationale et à mettre en place des stratégies capables de réduire la violence, d'instaurer un dialogue politique et de relancer le processus de reconstruction.
Pis : ce gouvernement fait exactement le contraire de qui est attendu de lui, en multipliant les actes et les paroles qui accentuent les clivages ethniques et confessionnels, attisent les haines et alimentent les violences.
L'exécution de l'ancien président Saddam Hussein, dont les conditions ont été jugées humiliantes par les Arabes et les sunnites, est l'un de ces actes inconsidérés. Il est d'ailleurs pour beaucoup dans la recrudescence de la violence que nous observons depuis le début de l'année.
Le gouvernement Al-Maliki n'est pas seulement illégitime et incompétent. Il est également impuissant. Son impuissance s'explique par diverses raisons, dont celles-ci :
1 - Ce gouvernement, comme ceux qui l'ont précédé depuis 2004, a hérité d'un chaos politique provoqué, au lendemain de la chute de l'ancien régime, par l'effondrement de l'ensemble des institutions officielles (parti Baath, armée, ministères...).
La responsabilité de cet effondrement incombe, en grande partie, aux Américains qui n'ont pas trouvé les bonnes recettes pour reconstruire le nouvel Etat irakien. Elle incombe aussi, pour une partie tout aussi grande, n'en déplaise aux thuriféraires de l'ex-dictateur, à feu Saddam Hussein. Par son despotisme peu éclairé, qui a duré près d'un quart de siècle, ce dernier a, en quelque sorte, congelé son pays. Il l'a complètement figé en annihilant toute forme d'organisation politique et en empêchant la constitution d'institutions dignes de ce nom. Aussi, l'Irak s'est-il décomposé, au lendemain de sa chute, sous les premiers rayons de soleil... de la liberté, telle un corps momifié que l'on a sorti brutalement de la terre.
2 - Même en supposant qu'il est animé d'une volonté de rétablir l'unité nationale, ce qui reste à démontrer, ce gouvernement aurait du mal à y parvenir, car il ne dispose pas de tous les leviers du pouvoir, alors que le pays est soumis à une occupation militaire et que les décisions importantes sont prises non pas à l'ambassade américaine à Bagdad, mais à Washington même.
3 - Ce gouvernement n'existe réellement qu'à l'intérieur de la «zone verte», qui est soumise elle-même au contrôle des occupants américains, alors que la réalité du pouvoir sur le terrain est assurée par des groupes «locaux», souvent animés par des intérêts politiques, communautaires, tribaux voire mafieux.
«L'absence d'Etat en Irak favorise l'émergence de tels pouvoirs locaux qui, localement, agissent comme de véritables institutions paraétatiques, imposant dans les régions qu'ils contrôlent un pouvoir islamique tel qu'ils le conçoivent», explique Pierre-Jean Luizard, chercheur au CNRS français et auteur de ''La Question irakienne'', dans un « chat » animé sur le site ''lemonde.fr'', le 17 octobre 2006. Qui ajoute : «C'est le cas depuis 2003 de l'immense quartier chiite de Sadr City à Bagdad, comme ça l'est des quasi-émirats jihadistes qui existent aujourd'hui au cœur même de Bagdad, à quelques centaines de mètres de la ''zone verte''.»

Ni répartition, ni retrait...
Un gouvernement illégitime, incompétent et sans pouvoir réel. Une force d'occupation qui n'a même plus confiance dans ses capacités d'agir dans un contexte de guerre civile en marche et qui n'a désormais qu'un unique souci : préparer un retrait qui soit le moins humiliant possible pour elle. Des communautés qui se vouent une haine larvée et qui semblent déterminées à en découdre, avec notamment :
- des Arabes sunnites qui cherchent à préserver une place dans l'Irak de demain ;
- des chiites qui veulent prendre toute la place dans un pays où ils constituent la majorité et où ils ont longtemps été marginalisés ;
- et, enfin, des Kurdes qui essayent de consolider une autonomie acquise de haute lutte, tout en veillant à ne pas provoquer un éclatement dont ils auraient tout à craindre. La Turquie et l'Iran, qui ont des communautés kurdes sur leurs territoires respectifs, n'hésiteraient en effet devant aucune option pour empêcher l'établissement d'un Etat dans le Kurdistan irakien...
Voilà, en quelques phrases, comment se présente aujourd'hui la situation en Irak: un pays au bord de l'implosion, mais qui a de bonnes raisons de redouter une répartition qu'il sait, par ailleurs, impossible à réaliser. Et pour cause: diviser le pays sur des bases communautaires implique le traçage de frontières entre communautés: arabe, kurde et Turkmène d'un côté, chiites et sunnite de l'autre, sans parler des clivages claniques, tribaux et politiques. Un tel partage est impensable, car il attiserait la guerre entre des communautés très mélangées, qui vivent côte à côte sur le même territoire et revendiquent les mêmes ressources, notamment le pétrole. Cette ressource est déjà en train d'attiser les clivages entre les communautés, notamment dans les régions du Nord, où les gisements sont très largement situés dans des zones de peuplement mixte: Arabes, Kurdes, Turkmènes, chiites, sunnites.
Dans ces conditions, un retrait des troupes américaines, même partiel ou gradué, serait non seulement prématuré, mais irresponsable et quasiment criminel. Car il provoquerait une recrudescence des violences dans le pays, comme l'ont du reste estimé, les auteurs du rapport de la National Intelligence Council (NIC) cité plus haut.
Conclusion: les Américains, qui ont créé les conditions de l'actuelle implosion de l'Irak, sont dans ce pays pour très... très longtemps.


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