Lorsqu'il a été interpellé, le 22 juillet 2002, à Denver, dans le Colorado, James Earnest Thompson avait 37 ans. Jeune technicien en informatique, indépendant et sans gros moyens, il a été accusé de conspiration au profit des talibans afghans. Cet afro-américain converti à l'islam radical par l'imam intégriste Abou Hamza Al-Masri, aujourd'hui incarcéré à Londres, fait partie de ces dizaines de convertis à l'islam qui ont succombé aux sirènes du jihad international. Américains, australiens, jamaïcains, français, allemands, belges… Nés de parents chrétiens, juifs ou athées… Fraîchement convertis à l'islam le plus rigoriste par des imams extrémistes, ils ont gagné les camps d'entraînement de Bosnie et d'Afghanistan, où ils ont acquis une solide formation militaire, avant de devenir des «petits soldats du jihad» contre l'Occident mécréant. Certains sont morts dans les montagnes de Tora Bora ou en Irak. D'autres ont été arrêtés dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, jugés et écroués. Leurs parcours, qui se ressemblent en plusieurs points, peuvent être résumés en deux formules: quête désespérée de soi et folie destructrice.
Né à Denver au Colorado en 1966, James Earnest Thompson s'est installé avec sa famille, alors qu'il avait cinq ans, à Seattle, près de Washington. Après sa conversion à l'islam, il a choisi le nom d'Earnest James Ujaama. L'acte d'accusation évoque cependant trois autres alias: Bilal Ahmed, Abu Samayya et Abdul Qaadir. Diplômé du collège d'Ingraham, cet Afro-américain s'est fait d'abord connaître par le travail social qu'il menait auprès de jeunes toxicomanes qu'il essayait de sortir de l'enfer de la drogue. Son action au service de sa communauté était tellement appréciée par les autorités communales de Seattle qu'elles lui ont dédié, une fois, la clef de la ville et les élus de l'Etat de Washington ont déclaré le 10 juin 1994 «Journée James Ujaama», en hommage au jeune homme qui s'est illustré dans le combat contre la drogue et la prostitution.
Animateur du site web anti-américain ‘‘www.stopamerica.org'' Converti par la suite à l'islam radical, celui qui se faisait désormais appeler Ujaama s'est marié avec une Somalienne musulmane. Il a aussi participé à la fondation de la mosquée centrale de Seattle, aujourd'hui fermée. Lors d'un voyage à Londres, en 1996, il a rencontré le leader islamiste radical d'origine égyptienne Abou Hamza Al-Masri, l'imam de la mosquée londonienne de Finsbury Park, actuellement incarcéré en Grande-Bretagne. C'est ce dernier qui l'a d'ailleurs aidé à rejoindre l'Afghanistan, en 2000, officiellement pour étudier la charia. Il s'est fait aussi connaître des services américains en animant des sites web islamistes appelant au jihad contre les Etats-Unis, dont le plus célèbre est ‘‘www.stopamerica.org''. Arrêté le 22 juillet 2002, à Denver, dans le Colorado, Ujaama a été accusé de conspiration en vue d'attaques terroristes. L'accusation lui a reproché notamment d'avoir prêté main forte au réseau terroriste d'Al-Qaïda, en l'aidant notamment à collecter des fonds, à s'équiper de matériel informatique et à recruter des combattants. Elle lui reproche aussi d'avoir organisé l'entraînement de ces combattants dans un ranch près de Blyn, dans l'Etat de l'Oregon, entre octobre et décembre 1999. A en croire l'accusation, Abou Hamza Al Masri lui aurait envoyé au moins deux volontaires pour s'entraîner dans ce fameux ranch. Il l'aurait aussi mis en contact avec un certain Feroz Abbasi, un Britannique actuellement détenu à Guantanamo, qu'Ujaama aurait accompagné en Afghanistan en 2000. Pour ces accusations, James Ujaama aurait pu être condamné à une lourde peine allant de vingt ans de prison à la perpétuité. Les autorités judiciaires ont d'ailleurs utilisé la menace de ce jugement sévère pour inciter l'accusé à collaborer avec la justice dans la lutte contre le terrorisme. Le deal qui lui a été proposé en avril 2003 consistait en l'acceptation par l'accusé de plaider coupable pour l'une des charges retenues contre lui, celle concernant l'envoi d'une somme d'argent, d'un ordinateur portable et de femmes (sic !) aux Talibans, durant son séjour en Afghanistan entre 2000 et 2001, soit quelques mois avant l'invasion américaine de ce pays. En contrepartie, sa peine serait réduite à deux ans de prison et trois ans de liberté conditionnelle. Ujaama devait s'engager aussi à collaborer activement avec la justice dans les enquêtes en cours sur les réseaux terroristes. Et cela, pour une période allant jusqu'à 2013.
Deal or not deal Ujaama, qui a accepté le deal, a donc décidé de plaider coupable lors de la reprise de son procès en février 2004. Il a ensuite chargé l'imam Abou Hamza Al-Masri, Feroz Abbasi et autres Oussama Kassir, un citoyen suédois qui avait visité le ranch de l'Oregon en novembre 1999 et dont les autorités fédérales états-uniennes voulaient obtenir l'extradition de Suède. Un autre suspect, Haroun Aswat, qui avait visité le ranch avec Kassir, était mort au combat en Afghanistan. Trois autres habitants de Seattle liés à Ujaama et à la mosquée centrale de la ville et au ranch de l'Oregon, ont été amenés, eux aussi, à collaborer avec la justice. Il s'agit de Semi Osman, un mécanicien de Tacoma, Abdurrahim Al Arshad Ali, ancien marine converti à l'Islam durant la première guerre du Golfe, et un troisième repenti, qui a accepté de collaborer pour ne pas être inculpé de détention illégale d'arme à feu. Sorti de prison après avoir purgé sa peine de deux ans, James Ujaama n'a pas tardé à être arrêté de nouveau, en décembre 2006, au Belize, après qu'il eut violé la liberté conditionnelle aux Etats-Unis. Au moment de son arrestation, il était en possession d'un faux passeport mexicain. Ce qui ne manquera pas d'aggraver son cas…
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