ce n'est pas la règle, Dieu merci. Nous avons d'excellentes cliniques fournissant des prestations dans les règles. Elles contribuent même au développement du tourisme de santé. Mais dans quelques unes ayant le « label 5 étoiles », il faut s'attendre à des tuiles. Il fut un temps où tout le monde se plaignait des hôpitaux où le service était médiocre, le personnel grincheux, l'attente interminable et la propreté laissait à désirer. A quoi bon aller se faire soigner dans un hôpital alors que des établissements privés offraient confort et service impeccable, se disaient-ils. Cette mentalité qui prime chez la plupart des Tunisiens est à l'origine de cette grande affluence de plus en plus accrue vers les cliniques dans le but d'avoir une meilleure qualité de soins, et un meilleur accueil. C'est ainsi que les cliniques « 5 étoiles » ont poussé comme des champignons dans notre pays depuis quelques années pour satisfaire une clientèle sans cesse croissante, formée non seulement de citoyens tunisiens mais aussi d'étrangers venus de pays voisins et même européens. Le nombre des cliniques privées a dépassé la centaine, pouvant accueillir jusqu'à 3000 patients (ils étaient au nombre de 99 en 2006 et la capacité d'accueil était de 2578 patients). Mais cette prolifération a attisé la frénésie du gain à tout prix...
A voir les multiples certifications et les différentes homologations affichées aux murs et l'accueil chaleureux à la réception dans ces polycliniques, à vrai dire, tout semble, de prime abord, trop beau pour être vrai ! Les apparences sont trompeuses ! Il faut bien y passer un séjour pour voir la réalité des choses, l'amère réalité. Et dire que des étrangers viennent de partout pour se faire soigner dans nos cliniques ! Mais à entendre des clients (patients et visiteurs) parler de l'une de ces cliniques installée depuis de belle lurette à la capitale, très fréquentée par des clients étrangers, il y a de quoi changer son attitude vis-à-vis de ces institutions sanitaires privées : « des saletés à même le sol, nous confie un parent venant visiter un proche qui vient de subir une opération, le désordre qui règne dans tous les services, les odeurs répugnantes, le bruit dans les couloirs, les infirmiers et les femmes de ménage qui parlent à haute voix faisant fi au repos des patients. » Un autre client, apparemment insatisfait des services rendus dans la même clinique, n'a pas caché sa déception : « En principe, quand on préfère se faire soigner dans le privé, c'est pour bénéficier d'avantages inexistants dans les hôpitaux ; il paraît qu'il n'y a pas de différence : après l'opération que vient de subir ma femme, on a dû attendre deux ou trois heures avant de trouver une chambre libre, sans compter les heures d'attentes pour pouvoir accéder au bloc opératoire ! Bref, c'est la mauvaise gestion ; pourtant les prix sont exorbitants ! ». Il s'agit de la même situation lamentable dans la plupart des cliniques de la capitale, sauf qu'on peut ajouter que certaines chambres donnant directement sur les rues n'offrent pas les conditions de repos et de tranquillité requises pour une bonne convalescence des patients. Ces chambres sont directement exposées aux différents tapages : klaxons des voitures, chantiers municipaux...
Tarifs Quant aux visiteurs locaux qui viennent en grand nombre ils ne trouvent pas où stationner leurs voitures, faute d'un grand parking réservé strictement à la clinique. Dans le cadre du partenariat, ces polycliniques ont conclu des accords avec des sociétés hôtelières en vertu desquels des hôtels 4 ou 5 étoiles sont disponibles pour fournir de bonnes conditions d'accueil et d'hébergement des malades, venus surtout de l'étranger ; mais à quel prix ? Les prix ! Voilà le sujet qui mérite bien qu'on s'y attarde. Disons pour commencer que c'est le profit qui compte dans certaines cliniques, rien que le profit ! Les pauvres patients sont devenus tout simplement des vaches à lait pour quelques institutions dont la facture est extrêmement lourde. Aucune catégorie sociale n'est épargnée, riches ou pauvres, assurés ou non-assurés, tout le monde doit casquer, et (tenez-vous bien !) avant d'être admis, il faut payer un acompte ou remettre un chèque de garantie. (Une pratique pourtant illégale !) En matière de facturation, les abus sont flagrants.
Devis hors TVA Même si l'on connaît le montant d'avance, il y a toujours un article ajouté sous forme de « services supplémentaires » qui vient gonfler l'addition. Sur ce sujet, permettez-nous cette anecdote. Un jour, un parent, s'est adressé à l'une de ces cliniques privées pour prendre un rendez-vous pour sa fille qui devait subir une intervention chirurgicale sur un nodule au sein. Il a demandé en même temps un devis estimatif concernant l'opération qu'on lui a remis le jour suivant. Le montant global était aux environs de 1000 dinars. Il a consenti de faire l'opération de sa fille dans cette clinique, jugeant que le montant est dans les normes. Le jour J, il s'est présenté avec sa fille malade et l'administration exigea un acompte qu'il accepta de payer sans discussion. L'opération s'est faite et la patiente rentra le même jour chez elle. Quelle fut la surprise du père quand on lui présenta une facture d'un montant de 1300 dinars ! Une différence de plus de 300 dinars ! Il reçut comme seule réponse : « le devis estimatif est hors TVA ». Une journée pour 1300 dinars, dont 500 dinars comme honoraires du seul chirurgien pour une opération bénigne qui n'a duré que trois quarts d'heure ! D'autres patients sont victimes d'autres abus. Souvent, durant le séjour, certains médicaments sont prescrits mais ne sont pas totalement consommés vu que le médecin a demandé entre temps de stopper ces médicaments et de les remplacer par d'autres. Et pourtant, c'est la totalité des médicaments qui est facturée sans pour autant être toute administrée au patient. Inutile de parler du prix d'une consommation quelconque (boissons, téléphone...) ou celui d'un lit supplémentaire pour un compagnon !
Heureusement qu'elles ne sont pas toutes les mêmes Disons pour conclure qu'il existe en Tunisie bon nombre de cliniques privées respectables, où tout passe dans les règles de l'art (conditions d'hygiène, propreté, séjours, services médicaux et paramédicaux...), ce qui a suscité un écho chez beaucoup d'étrangers qui ont préféré être opérés en Tunisie plutôt que dans leurs propres pays où le coût est sûrement plus élevé. Cependant, beaucoup d'autres cliniques font plutôt partie du bas du panier. Fini le temps où une institution médicale n'a pas de but lucratif (même au public, les patients ont une part à payer !). Du moment que la clinique privée a le statut d'une société, il a droit donc au profit, mais à une condition sine qua non : que les prestations soient conformes à la loi et que les clients soient bien satisfaits. Il faut dire que le Conseil de l'Ordre des médecins de Tunisie et le ministère de la Santé publique ne peuvent pas faire efficacement leur travail en matière de contrôle tant que les clients abusés ne manifestent pas leur mécontentement. Il ne faut pas hésiter à déposer des plaintes en cas d'anomalies ! Malheureusement, certains clients ne sont pas coopératifs et leur seul souci est de rentrer soulagé de leurs maux, même si cela leur coûte les yeux de la tête ! « Après tout, une clinique, ça n'a jamais été un hôtel malgré toutes les étoiles qu'elle porte, a fait remarquer un patient après avoir passé quelques jours dans une clinique de la capitale, l'essentiel est que je suis guéri ! » Autrement dit : après moi, le déluge ! Hechmi KHALLADI
*** 1ère tuile : Un chèque de garantie 2ème tuile : saleté
3ème tuile : Pas facile de trouver une chambre libre après l'opération 4ème tuile : La totalité des médicaments est facturée sans pour autant être toute administrée au patient