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« Côté jardin, côté cour »
Dans la pub comme dans la vie
Publié dans Le Temps le 14 - 09 - 2008

La ville c'est le confort, on y dispose de tout, transport, santé, loisirs..., tout s'y trouve à portée de main, mais tout a son prix aussi. Des biens, des services on vous en offre autant que vous voulez tant que vous payez. Et comme il y a tout ce qu'il faut et plus qu'il n'en faut, on ne peut pas résister à la tentation,
on est alléché par tout ce qui nous est présenté d'autant plus que les commerçants et les prestataires de services maîtrisent bien l'art de l'exposition et de l'attraction, et ont une connaissance exacte et profonde de nos habitudes et de nos caprices : ils ont une idée assez précise sur notre psychologie, nous les Tunisiens qui sommes réputés pour notre grande générosité en matière de dépense. Alors ils nous ont construit des maisons, importé des voitures, offert des conseils, des soins..., ils n'ont rien omis.
Mais en dépit de leurs efforts continus, ils ont toujours du mal à nous satisfaire, la pénurie de certains produits sur le marché est chose courante, on ne sait pas qui est le responsable de cette situation, est-ce que c'est eux ou est-ce que c'est nous. C'est vrai que nous consommons des quantités prodigieuses, mais ce n'est pas leur affaire et qu'ils ne nous parlent surtout pas des difficultés de l'importation, ce n'est pas notre problème, qu'ils se débrouillent. Car nous de notre côté, on tient bien notre rôle de consommateurs, alors qu'ils s'acquittent du leur.
D'aucuns nous qualifient de prodigues, mais ils n'ont rien compris à notre philosophie : dans la vie, il faut être prévoyant, on ne sait pas ce qui pourrait arriver demain surtout avec les guerres qui sont allumées un peu partout dans le monde, donc ce serait sage de se ravitailler.
Le Tunisien est un grand consommateur et le mois de ramadan est là pour avérer cette amère vérité. C'est le mois de toutes les métamorphoses, le décor change, le rythme aussi et principalement l'homme qui n'est plus celui qu'on connaît il y a quelques jours ; il s'adonne à tout à l'excès : il veille jusqu'à l'aube, il dort trop, il ne se sépare plus de la télévision et il mange beaucoup, beaucoup plus que d'habitude, c'est comme si son estomac s'était dilaté. Et on ne peut pas prétendre que cette dilatation est favorisée par la chaleur de l'été, car le phénomène se produit exactement de la même manière pendant les autres saisons, n'oublions pas que Ramadan fait le tour de l'année, le climat n'a donc rien à voir là-dedans, il est question de culture, une culture enrichie par la publicité qui fragilise davantage les esprits par ses artifices : une mise en scène avec des figures féminines, des célébrités et des enfants, un emballage charmeur et le tour du prestidigitateur est réussi, le produit fait ravage. Les grandes victimes de ces manœuvres sont bien sûr ces derniers, mais même les grands deviennent vulnérables pendant ce mois du jeûne, puisque l'enfant qui sommeille en eux se réveille en ce moment de l'année.
Quel que soit leur âge, tous les téléspectateurs désarment face à cette publicité envahissante accaparant le petit écran où les spots publicitaires prennent la dimension des longs métrages et rivalisent avec les feuilletons : elle détient l'indice d'écoute le plus élevé au cours du mois de Ramadan. Son champ d'action n'est pas seulement la maison, mais aussi la rue qu'elle jalonne d'affiches et jonche de prospectus.

Le prix de la joie
Tous les caprices sont satisfaits pendant ce mois où on dépasse de loin nos moyens, où on souffre d'une boulimie qui ruine et notre santé et notre poche, la conséquence logique de ce comportement c'est l'endettement, et quand on commence à récupérer sa lucidité, on se met à se lamenter, à jouer aux victimes, alors qu'on est son propre bourreau. Le comble de cette désolation c'est l'Aïd où malgré nos difficultés nous continuons à faire des prodigalités. Ce jour de fête a dorénavant son « sosie », la rentrée scolaire, l'essentiel des préparatifs pour ce grand événement se concentre sur le look, donc les enfants doivent porter de nouveaux vêtements et de nouvelles chaussures, costumes qui seront renouvelés totalement ou partiellement dans quinze jours, date de la grande fête : nos enfants seraient la risée de leurs amis s'ils célébraient l'Aïd avec de « vieux habits ». A cette occasion, les parents qui sont le plus à plaindre sont ceux qui sont de condition modeste et dont les enfants fréquentent ceux des familles aisées à l'école ou ailleurs, ils subissent, les pauvres, les retombées du phénomène de la contamination, ils sont obligés de leur acheter du signé. Après une trêve d'à peine trois mois vient le grand Aïd ; nous n'avons pas encore remboursé nos anciennes dettes et voilà que nous nous trouvons dans l'obligation d'emprunter de nouveau, et là la somme doit être importante, car le mouton coûte cher. Et le problème c'est qu'en dépit de nos difficultés financières, on ne peut pas se contenter d'un petit bélier, que voulez-vous, on n'a pas le choix, il faut faire plaisir aux enfants, ce n'est pas bien de les contrarier un jour de fête.
Et comme on a deux Aïds, on a aussi deux jours de l'an, celui des Chrétiens et celui des Musulmans, la règle du double est bien respectée chez nous, c'est notre manière de renforcer le dialogue entre les religions, de les rapprocher l'une de l'autre d'autant plus que la tension est très tendue entre elles en ce moment. Là, nous avons la fête musulmane la plus clémente, qui est presque gratuite : il y a juste un peu de « mouloukhia », question de « verdir » l'année; pour ce qui est de la fête chrétienne, les dépenses sont plus généreuses : le poulet et la pièce de gâteau pour les modestes, ceux qui font la fête chez eux, pour les autres, ceux qui passent la soirée au restaurant ou à l'hôtel, la facture est beaucoup plus lourde. Le cercle pourrait s'élargir dans les années à venir et intégrer les fêtes juives et bouddhistes, et là il va falloir hypothéquer non seulement les biens mais aussi les humains. Décidément, tout se paye cher dans cette vie, même la joie a son prix.
Parallèlement à ces prodigalités périodiques, il y en a d'autres qui interviennent une seule fois dans une vie. Pour la célébration de ces événements rares et uniques, il est logique que les dépenses soient excessives, ce serait insensé de dépenser avec parcimonie dans une fête de mariage, par exemple. Le meuble, l'électroménager, le trousseau, la salle de fête..., toutes ces choses-là sont indispensables, personne ne peut s'en passer, et comme c'est la « joie de la vie », on essaye de se procurer la meilleure des choses possibles, et même si ces choses convoitées dépassent nos possibilités, on s'arrange avec la famille ou les amis pour qu'ils nous accordent des prêts. Ils seront tous remboursés par l'argent qu'on va gagner dans « el henna », plusieurs nous doivent des sommes importantes, donc on n'a pas à se faire des soucis sur ce point. Mais après la jubilation de la fête, une fois les noces passées, on réalise qu'on n'est pas à la noce à cause des dettes énormes et des difficultés de les rembourser, et commence alors un nouveau cycle, celui des ennuis dont l'aboutissement est, dans certains cas, le divorce.

L'échafaudage de l'avenir
Les rescapés se mettent à échafauder leur avenir, les fortunés parviennent à la construction, d'autres voient l'échafaudage s'écrouler et leur tomber sur la tête. Pour ces chanceux, la première pièce de l'édifice est bien sûr la maison, villa ou appartement peut importe, l'essentiel c'est de s'en procurer une, surtout avec le nouveau-né la chose devient plus qu'urgente, on doit penser à son avenir dès maintenant d'autant plus que les prix des matériaux de construction galopent. Alors on prend un crédit et c'est parti pour une servitude de vingt ans pendant lesquels on serre la ceinture pour renflouer les caisses des promoteurs immobiliers et les banquiers qui nous appauvrissent davantage avec leurs prix exorbitants et leurs taux d'intérêts excessifs.
Une fois la maison acquise et avec les problèmes de transport commun qui existent, on se tourne vers le deuxième rêve qui est en fait lié au premier, l'un ne peut exister sans l'autre, vous avez compris, on veut parler de la voiture. Un autre crédit et la charge s'alourdit, mais ce n'est pas grave, on s'est habitué au rythme des échéances, donc une autre de plus ne fera pas du mal, le plus important c'est de trouver les fonds nécessaires pour réaliser ses projets, assurer son avenir, le remboursement ne pose pas de problèmes, on peut toujours s'en sortir, il suffit de s'organiser un peu, de consentir des sacrifices en se privant de quelques besoins. Par exemple, au lieu de manger trois fois par jour, on peut se contenter d'une seule fois, déjà le matin on ne trouve pas le temps pour prendre son petit déjeuner, on doit sortir tôt de chez soi pour éviter l'embouteillage, et pour le dîner, il vaut mieux s'en passer, ce n'est pas bien pour la santé de manger le soir, quand on dort le ventre plein, on a des problèmes d'indigestion, ce sont les médecins qui nous déconseillent de manger avant d'aller au lit. D'ailleurs pourquoi ne pas prendre l'exemple des Anglais et changer nos habitudes, de plus manger moins nous permet d'affiner nos silhouettes et de nous sentir légers.

L'alternative
La liste qu'on vient de présenter relative à ces occasions où le Tunisien se livre à des folies n'est pas exhaustive il y en a tant d'autres. Ces dépenses déraisonnables provoquent parfois la ruine à cause des prêts non remboursés dont la sanction est, comme chacun le sait, soit la saisie des biens, soit l'emprisonnement au cas où on n'aurait rien à saisir. Plusieurs foyers connaissent malheureusement cette désolation qui engendre leur éclatement.
S'il est vrai que le Tunisien s'endette, car il est un grand dépensier, et le phénomène mérite peut-être que les psychologues et les sociologues se penchent dessus, il n'en est pas moins vrai que la cherté de la vie rend cet endettement inéluctable, une fatalité. La majorité écrasante des citoyens voient leur pouvoir d'achat se détériorer de jour en jour à cause de la hausse vertigineuse des prix. Tant que ceux-ci ne sont pas maîtrisés, les quelques augmentations de salaire décidées suite aux négociations sociales entre le gouvernement et la centrale syndicale resteront dérisoires.
Donc en attendant que la situation s'améliore, il serait sage d'élire domicile à la campagne, du moins là-bas le mode de vie est simple, on n'a pas de grands besoins, on se contente de peu, et même la publicité ne peut pas nous atteindre, nous inquiéter, car les produits qu'elle vante, qui sont en majorité superflus, n'y parviennent pas en raison de l'éloignement et de l'absence de la demande. Toutefois ces obstacles s'effondrent pendant le mois de Ramadan et la campagne se métamorphose en ville, donc ceux qui sont intéressés par l'offre doivent patienter et attendre la fin des festivités.


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