Le Temps-Agences - Le président zimbabwéen Robert Mugabe et son rival Morgan Tsvangirai ont signé hier lors d'une cérémonie publique un accord de gouvernement d'union, après cinq mois de violences et d'âpres négociations pour sortir le pays de la crise née de la défaite historique du régime lors d'élections en mars. Une dizaine de dirigeants africains étaient attendus pour la cérémonie officielle au cours de laquelle les rivaux politiques ont scellé leur accord, après des mois d'âpres négociations souvent conduites au bord de l'échec. Le président namibien Hifikepunye Pohamba est arrivé le premier, dimanche. D'autres chefs d'Etat de la région, dont celui du Botswana Ian Khama, qui avait boycotté en août un sommet de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) en raison de la participation de M. Mugabe, devaient assister à la cérémonie. L'accord a été arraché jeudi soir par le médiateur de la SADC dans la crise née de la défaite historique du régime aux élections générales du 29 mars, le président sud-africain Thabo Mbeki. Sa "diplomatie discrète", qui l'a vu s'abstenir de toute critique publique à l'égard du président Mugabe, héros de la lutte contre la suprématie blanche, a souvent été dénoncée comme conciliante. Mais sa déférence était la seule attitude en mesure d'asseoir à la table des négociations un homme de 84 ans, au pouvoir depuis l'indépendance en 1980, qui a été jusqu'à déclarer que "seul Dieu" pouvait lui ôter ses fonctions, estiment les analystes. L'accord suscite toutefois de grandes réserves, notamment parmi les puissances occidentales dont l'aide est attendue pour reconstruire une économie en ruines. Celles-ci attendent de voir la réalité de la place accordée à M. Tsvangirai, dont le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a emporté les législatives du 29 mars. M. Mugabe avait été réélu au second tour de la présidentielle fin juin, après un déchaînement de violences contre le MDC et ses partisans qui a fait plus de 200 morts et contraint M. Tsvangirai à se retirer de la course. Selon la presse d'Etat, les deux dirigeants se sont mis d'accord samedi sur un gouvernement de 31 ministres, placés sous double contrôle. Chef de l'Etat, M. Mugabe dirigera le gouvernement, tandis que M. Tsvangirai, Premier ministre, prendra la tête d'un Conseil des ministres restreint qui participera à l'élaboration des politiques et en surveillera la mise en oeuvre. Si le Centre de commandement conjoint (JOC), regroupant les chefs d'état-major de l'armée, la police et les services secrets, passe sous contrôle du Premier ministre, le président continuerait de diriger les forces armées, selon des sources concordantes. Enfin, M. Tsvangirai prendrait le contrôle du ministère de l'Economie, pivot du redressement du pays. Le Zimbabwe est miné par une hyper-inflation de plus de 11 millions pour cent, la production est au point mort et plusieurs millions de Zimbabwéens sont menacés de famine. Une telle répartition des pouvoirs risque d'être difficile à gérer entre deux hommes que tout oppose, d'autant plus que le MDC est divisé: à la Chambre des députés, sa majorité dépend du soutien d'une faction dissidente menée par Arthur Mutambara, lui aussi signataire de l'accord. En outre, l'histoire a toujours vu le parti de M. Mugabe issu de la lutte pour l'indépendance, l'Union nationale africainedu Zimbabwe (Zanu), bénéficier de soi-disant partages de pouvoir. En 1987 notamment, le mouvement rebelle du sud Ndebele, dirigé par Joshua Nkomo, avait accepté de participer a un gouvernement d'unité nationale après des massacres visant sans distinction combattants et civils dans leur fief du Matabeleland. La Zanu, rebaptisée Zanu-PF (pour Front patriotique) l'a tout simplement absorbé.