Malgré le jeûne et l'abstention de manger, beaucoup de gens disent constater avec étonnement qu'à la fin de Ramadan, au lieu de maigrir et de perdre du poids, ils grossissent, ajoutant, ainsi, des interrogations supplémentaires aux nombreuses autres interrogations soulevées par quelques effets « extraordinaires » du jeûne sacré. De gros fumeurs trouvent, subitement, la force de s'abstenir de fumer, le jour, pendant plus de douze heures, tandis que des buveurs invétérés de vin et des alcooliques arrêtent de boire durant tout le mois de Ramadan, sans oublier que dans son aspect principal, le jeûne sacré consiste à cesser de manger et de prendre de l'eau qui sont des habitudes beaucoup plus ancrées chez l'homme que le tabagisme et l'alcoolisme. Rien de plus naturel dans tout cela, car, comme le dit la sagesse populaire, l'appétit vient en mangeant, font valoir des personnes ayant vécu des expériences typiques, dans ce domaine. Cette affirmation populaire, tirée de la longue expérience collective de l'humanité, signifie, selon eux, que l'appétit et le besoin de manger, de fumer et de boire sont suscités et créés, à chaque fois, par l'action de manger, de fumer et de boire, au moment de manger, de fumer et de boire, et qu'ils n'ont pas une existence propre en dehors et séparément de l'acte de manger, de fumer et de boire. On devient mangeur en mangeant, comme on devient forgeron en forgeant, ou encore vertueux en pratiquant la vertu et criminel en commettant des crimes. Ainsi, des animaux et en particulier des volatiles sont dressés à être nourris par leurs maîtres, de sorte qu'ils refusent de manger par eux-mêmes la nourriture qu'on leur présente devant eux et vont jusqu'à se laisser mourir, à moins d'être nourris. Toutefois, le plus phénoménal est que l'appétit et le besoin de manger, de fumer et de boire, suscités et créés par l'acte de manger, de fumer et de boire, au moment de manger, de fumer et de boire, augmentent en intensité au fur et à mesure qu'on plonge dans l'action de manger, de fumer et de boire. Non seulement, prendre la nourriture fait naître l'appétit et le besoin de manger, mais cet appétit et ce besoin croît et augmente en s'enfonçant davantage dans l'accomplissement de l'opération. A cet égard, les Tunisiens ont raison d'appeler les salades servies à l'entrée des repas par le nom d'ouvreurs, car elles ouvrent l'appétit et le besoin de manger. Dans cette optique, la limite naturelle de l'acte de manger, de fumer, de boire et même de rechercher les relations sexuelles, est l'épuisement physique du corps. Une fois engagé dans l'acte de manger, l'homme, ou encore l'animal, est naturellement porté à manger tant qu'il se trouve en présence de la nourriture, jusqu'à l'épuisement physique du corps et quand il devient incapable de bouger. Et on peut dire autant des autres actes. C'est ce qui explique qu'en se mettant à boire, les alcooliques n'arrêtent que lorsqu'ils sombrent dans le sommeil et l'inconscience, tandis que plusieurs toxicomanes meurent d'overdoses. Et comme le fait de manger consiste à ajouter de nouveaux matériaux au corps, on grossit quand on mange. Cependant, on grossit trop lorsqu'on cherche à manger et qu'on dispose de trop de nourriture devant soi, ce qui est le cas durant le mois de Ramadan, le soir
Les torts de la civilisation Qu'est ce qui porte, alors, l'homme à manger, à fumer, à boire et à faire l'amour. « Tout simplement une espèce d'énervement et d'agitation naturelle qui est surexcitée en contact avec la nourriture, le tabac, le vin et l'autre sexe », souligne- t- on. Certains désignent cet énervement et cette agitation naturelle par le nom d'énergie. Les fumeurs vous disent que le tabac calme les nerfs, alors que le vin surexcite les buveurs. Le contact entre les deux sexes est, également, surexcitant. Une personne qui arrête de fumer a tendance à manger davantage que d'habitude pour pouvoir évacuer le surplus d'énervement et d'agitation créé par l'arrêt de fumer. Le sport aide à modérer et même à se débarrasser de ces habitudes et à maigrir parce qu'il permet de canaliser l'énervement et l'agitation au moyen de simples mouvements dans le vide, au lieu des les dépenser en déchirant avec ses dents une cuisse de poulet, avant de l'avaler, en brûlant cigarette après cigarette, ou en versant des verres de vin dans son ventre. C'est dans cet esprit qu'on peut, avec raison, accuser la vie en société et la civilisation d'être à l'origine de la crpulence et de l'obésité de l'homme moderne, détestées justement parce qu'elles ne sont pas naturelles. L'homme est domestiqué et se trouve dressé à canaliser la plus grande partie de son agitation et de son énergie naturelle dans l'acte de manger, de boire et de faire l'amour, actes qui ont pris, de nos jours, des proportions d'autant plus exagérées que l'homme est constamment mis en contact avec la nourriture et les divers excitants des autres actes. Dans l'état précédent la civilisation et toutes les facilités qu'elle procure, chaque individu devait faire des efforts physiques et mentaux intenses et dépenser une énergie considérable pour être en contact avec la nourriture, le partenaire sexuel et divers autres excitants, et évacuer avec eux et sur eux le peu d'agitation et d' énergie qui lui reste. Il ne pouvait pas, alors, souffrir d'obésité et de corpulence. On cherche, aujourd'hui, à idéaliser cette ancienne silhouette humaine et beaucoup, notamment chez le beau sexe, tente, vainement, de la retrouver, par tous les moyens.