Le Temps-Agences - L'adoption mercredi par le Sénat américain d'un plan de sauvetage historique du système bancaire ne semblait pas suffire à rassurer les Bourses mondiales hier, tandis que l'idée d'un plan européen pour les banques oppose Paris et Berlin. Le Sénat des Etats-Unis a approuvé par 74 voix contre 25 ce projet baptisé "Loi sur la stabilisation économique d'urgence de 2008", qui débloque 700 milliards de dollars pour éponger les créances douteuses accumulées par les banques dans l'immobilier. Le plan donne, à cinq semaines de l'élection présidentielle, une latitude et des moyens sans précédent au secrétaire au Trésor, Henry Paulson, pour venir au secours du secteur bancaire. Le vote du Sénat ouvre la voie à l'approbation du texte dès aujourd'hui par la Chambre des représentants, qui l'avait rejeté lundi à 228 voix contre 205, faisant brutalement chuter Wall Street et les Bourses mondiales. L'administration Bush a légèrement modifié son plan, introduisant une augmentation de la garantie par l'Etat des dépôts des clients dans les banques, le plafond garanti passant de 100.000 à 250.000 dollars. Des crédits d'impôts à la classe moyenne et aux entreprises ont également été introduits. Le président de l'Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, s'est dit hier "très soulagé que l'obstacle du Sénat ait été franchi" et a appelé à un vote "rapide" à la Chambre des représentants. Dans une interview à Deutschland Radio, M. Juncker a jugé que le plan américain allait "certainement contribuer à calmer les marchés". Mais hier matin, les Bourses européennes ne semblaient pas rassurées, évoluant en ordre dispersé à l'ouverture : Paris et Londres ont entamé la séance légèrement dans le vert, alors que Francfort démarrait la journée dans le rouge. L'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a terminé hier en forte baisse de 1,88%, les investisseurs restant indifférents au vote par le Sénat américain et s'inquiétant plutôt de l'effondrement du marché automobile aux Etats-Unis. La Bourse de New York -- où plus de 1.000 milliards de dollars de capitalisation sont partis en fumée lundi -- a fermé mercredi avant le vote du Sénat, finissant en baisse à l'issue d'une séance hésitante: le Dow Jones a perdu 0,18%, et le Nasdaq 1,07%. Et la crise financière continue à menacer. Après la série de faillites majeures survenues depuis la mi-septembre dans la finance américaine, une grosse compagnie d'assurance "avec un nom que tout le monde connaît (...) est sur le point de faire faillite", a rapporté le chef du groupe démocrate au Sénat, Harry Reid, citant les propos d'un collègue. Les Européens ont dévoilé mercredi quelques mesures pour répondre à la crise financière, mais ils peinent à définir une stratégie commune, l'Allemagne ayant d'emblée critiqué un plan d'aide attribué à la présidence française de l'UE, à deux jours d'une réunion au sommet. Le président français Nicolas Sarkozy tente en effet d'organiser à "la fin de la semaine" une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement des quatre pays européens du G7 (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie), avec José Manuel Barroso (président de la Commission européenne), Jean-Claude Juncker et Jean-Claude Trichet (président de la Banque centrale européenne). Selon une source gouvernementale européenne à Berlin, la France voulait proposer à ses partenaires un plan de sauvetage de 300 milliards d'euros pour venir au secours du secteur bancaire, une idée aussitôt rejetée par l'Allemagne qui prône une gestion au cas par cas des faillites bancaires. La France a nié être à l'origine d'un tel projet. Selon une source proche du dossier, le montant de 300 milliards d'euros évoqué serait en réalité une proposition néerlandaise, ce qu'a démenti La Haye. Cette passe d'armes intervient néanmoins alors que la ministre française de l'Economie française Christine Lagarde plaide, dans une interview hier dans le quotidien allemand Handelsblatt, en faveur d'un fonds de secours européen destiné à prévenir toute faillite bancaire, sans toutefois évoquer de montant. M. Juncker a estimé à l'inverse sur Deutschland Radio qu'un dispositif de sauvetage des banques n'était "pas nécessaire en Europe" où le secteur financier est selon lui "plus stable". Il a toutefois déclaré qu'il souhaitait que les Européens "mettent en place une stratégie de défense plus systématique" face aux risques de défaillances bancaires, au lieu de se contenter "de réactions au cas par cas" comme c'est le cas jusqu'ici. La décision hier de la Banque centrale européenne sur les taux était très attendue. Elle devrait maintenir le statu quo monétaire, dans un contexte de crise financière qui fait monter les pressions en faveur d'une baisse des taux directeurs en zone euro. La BCE a continué hier ses opérations de drainage sur le marché monétaire de la zone euro après l'avoir inondé de liquidités ces derniers jours pour éviter une pénurie du crédit. Comme la veille, elle va proposer aux banques de leur reprendre des liquidités en excédent pour un montant total allant jusqu'à 200 milliards d'euros.