Des voix d'indignation se lèvent, chaque jour davantage, contre les parents et les éducateurs qui n'assument plus leur rôle dans l'éducation des enfants et les doigts sont surtout pointés sur les enseignants qui perdent de plus en plus de leur autorité auprès des élèves lesquels accordent de moins en moins d'attention au savoir et pour qui l'école d'aujourd'hui est devenue démotivante et dévalorisée et souvent dépassée par le progrès technologique sans cesse croissant. En réalité, ni les éducateurs, ni les pédagogues, ni les parents, ni même les enfants d'aujourd'hui ne sont meilleurs ou pires que ceux d'hier. C'est la société moderne caractérisée par des changements rapides et permanents et soumise au diktat de l'économie et de la technologie et c'est surtout le fait que l'école ne s'est pas encore adaptée à ces nouveaux changements qui ont fait de l'éducation une tâche de plus en plus difficile. Résultat : l'instauration de l'ordre et de la discipline et l'établissement d'un climat de confiance et de respect dans la classe ne sont plus faciles pour un enseignant qui est souvent appelé à jouer le rôle de parent ou d'éducateur en faisant face à la violence et à la démotivation des élèves. Tahar, jeune prof de français, nous a confié : « C'est vraiment dur le métier d'enseignant, il faut avoir du courage et surtout de la patience devant 30 élèves qui ont plus envie de dormir ou de s'amuser que d'étudier. Parfois, je me sens découragé, incompris, déçu... ». Tahar envisage même d'abandonner l'enseignement pour aller faire carrière dans un autre domaine : « Mon père était pourtant enseignant et il en était fier ! Les temps ont changé, l'enseignant d'aujourd'hui se fatigue trop et ses efforts ne semblent pas susciter d'écho auprès des élèves ! Je me demande quelle attitude adopter avec les élèves ; ça m'arrive parfois l'idée de me retirer pour aller faire autre chose ! » Le témoignage de ce jeune prof montre à quel point les enseignants, surtout ceux qui sont nouveaux dans le métier, sont incapables d'imposer une certaine autorité sur leurs élèves. Pourtant, il ne faut pas généraliser. Certains profs parviennent dès leurs premières années à asseoir un climat de respect mutuel dans leurs classes, en jouant sur le côté psychologique plutôt que sur les cris et les punitions qui sont devenus des moyens vains de nos jours. Dorra, prof de sciences depuis cinq ans, a expliqué : « Au début, c'était horrible ! Je n'arrivais pas à tenir ma classe ! Toutes les punitions étaient inefficaces ! Peu à peu, et grâce à mes anciens collègues, j'ai pu résister et je suis même arrivée à gagner la confiance et le respect de mes élèves. Etre trop sévère ne mène à rien avec les élèves d'aujourd'hui ! » Mais d'autres enseignants ne réussissent pas à maintenir l'ordre en classe, comme cette jeune professeure de dessin qui ne cache pas sa déception dès les premiers jours de la rentrée : « Mon problème est que je n'arrive pas à m'affirmer, à imposer l'autorité et le respect... Je suis obligée de recourir aux punitions pour maintenir l'ordre ; mais il suffit de lâcher un peu la pression, ils en profitent et la classe devient aussitôt un poulailler ! Le prof n'a plus d'autorité sur les élèves d'aujourd'hui ! » C'est que la notion d'autorité, qui signifie pour la plupart « pouvoir », « force », « suprématie », n'est plus acceptée par un public de jeunes qui refusent de plus en plus tous les moyens de coercition et toutes sortes de contrainte et qui aspirent à la liberté et à l'indépendance. Les jeunes d'aujourd'hui s'opposent à l'autorité parentale et ils se révoltent de plus belle contre celle exercée par l'école. Ainsi, une remise en question de l'autorité s'impose. D'ailleurs, un retour à l'étymologie nous éclaire sur l'acception véritable de ce mot. En effet, le mot « autorité » vient du latin « augere » qui signifie « augmenter, grandir » ou « rendre auteur, responsabiliser ». D'après ces définitions, l'autorité serait donc ce qui aide l'autre à progresser et à être responsable. De là, une autorité basée sur la force et le pouvoir telle qu'elle s'exerce encore dans l'école d'aujourd'hui pourrait choquer la raison de quiconque veut instaurer de nouvelles méthodes pédagogiques basées sur le dialogue et le respect mutuel dans le processus scolaire. M. Béchir, ancien prof d'arabe, semble avoir bien réussi sa carrière en refusant de traiter ses élèves par la force : « j'ai toujours préféré la persuasion avec le dialogue plutôt que par le bâton ; celui qui use de la force est pour moi un prof qui a échoué à convaincre par les arguments ! » L'autorité magistrale ou verticale entre enseignant/enseigné est devenue en quelque sorte classique et doit être substituée par une autre horizontale, plus constructive qui vise plutôt à faire grandir, mûrir et rendre responsable, plutôt que s'imposer et dicter ses propres conditions. Ainsi, l'autorité du prof s'exerce par l'intérêt qu'il suscite chez ses élèves et à travers son interaction aussi bien sur le plan humain que pédagogique avec cette génération d'élèves pour qui le savoir n'est plus sacré comme il l'était et le maître n'est plus respecté dans son statut comme dans le passé : c'est une relation personnalisée, basée sur la compréhension et la tolérance, qui doit prévaloir entre profs et élèves dans nos écoles. Demandez l'avis d'un élève sur le genre de prof qu'il préfèrerait avoir, il vous dira sans ambages : « C'est celui qui punit le moins, qui ne sous-estime pas ses élèves et qui cherche à les comprendre... » Il ne fera jamais état ni de son savoir ni de ses aptitudes professionnelles ! L'autorité reste encore l'objet d'une grande polémique à travers le monde et les opinions sont très divergentes. Une école qui se veut moderne et à la hauteur des progrès technologiques doit définir de nouvelles bases de l'autorité, facteur essentiel de toute éducation. Les expériences vécues quotidiennement par nos profs en matière d'autorité sont à plaindre. Les doléances des parents contre les profs sont de plus en plus fréquentes. Les griefs des élèves à l'égard de leurs profs ne cessent de s'étendre jour après jour ! C'est dire qu'il y a une véritable crise d'autorité dans nos écoles où tous les acteurs se renvoient la balle et chacun est pris pour un bouc-émissaire ! De nouveaux rapports doivent être établis pour sauver l'institution scolaire, de nouveaux rôles sont à jouer par tous les acteurs (profs/parents/élèves) pour instaurer une autorité souple, appropriée et en parfait accord avec les nouvelles tendances qui marquent la vie moderne. M. Mouldi, prof de maths qui vient d'avoir sa retraite a sa propre opinion sur ce sujet de l'autorité : « Il n'y a pas d'éducation sans autorité ; celle-ci évolue avec le temps et le prof qui ne sait pas s'adapter au changement y laissera des plumes ! Et puis, l'enseignement est avant tout une passion et un travail de longue haleine. Chaque génération a ses réalités et il faut simplement s'y adapter ! Et parfois même chaque classe est traitée d'une manière différenciée. Quand on est passionné, on fait des miracles avec ses élèves; l'essentiel est de rester humain et à l'écoute. Quand il se trouve en classe avec ses élèves, le professeur doit tout oublier et ne pense qu'à l'intérêt de ces petits apprenants ! » Voilà enfin des propos pleins de bon sens !