Le slogan qu'on entend le plus ces années c'est « la maîtrise de l'énergie ». Cette campagne de la rationalisation de l'énergie concerne principalement l'eau en raison du tarissement de la nappe, et le carburant pour le prix galopant du prix du baril provoqué par les crises politiques incessantes. C'est la maîtrise de cette deuxième énergie qui nous a poussé à nous intéresser aux voitures de service. Comme leur nom l'indique, elles sont conçues pour accomplir des tâches dans le cadre de la fonction publique. Ce sont donc un outil de travail, et comme tel, elles ne doivent pas faire l'objet d'un usage personnel. Pour lutter contre cet abus, l'Etat a eu l'ingénieuse idée, il y a des années, d'afficher une immatriculation spéciale sur les plaques minéralogiques de ces voitures pour les différencier des autres et faciliter ainsi leur contrôle. Tout utilisateur de cette catégorie de voitures doit disposer d'un ordre de mission et d'un carnet de bord pour justifier son déplacement, ce sont les deux exigences rendant ce contrôle encore plus rigoureux. Le premier permet de vérifier l'itinéraire, le second le kilométrage. C'est le service responsable du parc automobile qui est chargé de ce contrôle. S'il relève une consommation de carburant excessive ou un mauvais entretien, il peut retirer la voiture au chauffeur et même procéder à des sanctions administratives et financières à son égard. Le ministère dont dépend l'établissement est l'autorité qui supervise cette opération de contrôle, et c'est le premier ministère qui coiffe tous ces services veillant à l'utilisation réglementaire des voitures de service. Ce contrôle administratif est doublé d'un contrôle policier par l'organisation de patrouilles spéciales. En cas de contraventions, ces agents de police rédigent des procès administratifs qui sont envoyés au premier ministère qui se charge de les envoyer aux ministères concernés. Cependant, le spectacle que nous fournit la vie quotidienne ne reflète pas toute cette rigueur dans le contrôle de l'usage de ces voitures. On en voit plusieurs utilisées pour des services personnels. Elles servent à transporter la famille, à voyager, à faire des courses. Il y a tous les jours des voitures de service stationnées dans les parkings des grandes surfaces ou devant les marchés. Et à l'approche de l'Aïd El Khébir, elles vont se transformer, comme d'habitude, en des camions transportant les moutons qu'on va chercher dans d'autres villes. On ne travaille pas et on consomme du carburant autant qu'on veut et comme on peut. Pendant cette période des festivités, tout le monde est occupé, un relâchement s'installe au niveau du contrôle, donc il n'y a pas de risque à ce qu'on se fasse coincé. D'ailleurs, le responsable qu'on craint peut faire le même usage de la voiture, et ainsi on est bien couvert, on ne risque plus rien. Ce même responsable utiliserait la voiture de service pour le service de sa famille en demandant au chauffeur de transporter ses enfants à l'école, sa femme chez le coiffeur et pourquoi pas sa secrétaire au même endroit, chez elle ou bien ailleurs. Dans ce cas, l'employé et la voiture changent de vocation, ils deviennent au service du responsable et non plus à la disposition de l'établissement dont ils dépendent, mais c'est ce dernier qui les prend en charge, qui leur assure salaire, carburant et entretien. Un chauffeur dans un grand établissement public, nous a affirmé qu'il a passé toute une année à faire la navette tous les jours entre Tunis et Monastir pour emmener la fille de son supérieur à la faculté de médecine.
Intérêt personnel Les voitures de service dont la plupart sont utilitaires sont aussi nombreuses le week-end qu'au cours de la semaine, elles se transforment en voitures de fonction lesquelles deviennent particulières, puisque même les enfants du responsable peuvent les utiliser. Vous en trouvez devant les bowlings, les boîtes de nuit, les hôtels...et à la fin de la soirée et sous l'effet de la boisson, on les fait rouler comme des voitures de course, elles tiennent le coup, ce sont de grandes marques, n'oubliez pas qu'elles sont destinées à des cadres. Et si jamais survient un accident, il n'y a pas de problèmes. L'essentiel c'est qu'on soit sain et sauf, mais pour ce qui est des dégâts matériels, c'est l'administration qui s'en charge, le papa en est responsable, c'est lui qui décide de tout, qui arrange tout.
Les constats de complaisance En matière d'accident, les voitures de service servent d'éléments fictifs dans les collisions survenues entre voitures particulières, elles suppléent celles dont les chauffeurs sont fautifs. On simule un autre accident où la faute leur serait imputée pour que ces derniers puissent se faire rembourser par l'assurance, c'est une question d'un simple croquis sur le papier du constat. Toutefois , cette escroquerie a diminué depuis que les agences d'assurance ont changé de politique. Un assureur nous a affirmé qu'ils demandent l'apposition du cachet et de la signature du responsable de l'établissement concerné sur le constat, et quand cette condition non exigée par la loi n'est pas remplie, ils contactent directement l'administration pour la mettre au courant de l'accident supposé. L'autre mesure qui constitue une nouveauté dans les mesures prises à l'encontre des utilisateurs des voitures de service consiste à reconstituer l'accident. Ces nouvelles méthodes ont eu le mérite de baisser sensiblement les constats de complaisance et les sinistres fictifs. Ces véhicules qui sont normalement au service de l'administration sont utilisés comme des voitures particulières. Après avoir fait des courses, promené la famille et les amis et accompli son devoir à l'égard de son supérieur en effectuant les services personnels habituels, le chauffeur peut rentrer tranquillement avec la voiture, il la gare devant chez lui pour que le lendemain il soit à l'heure pour une nouvelle journée de « travail ». Une voiture de service ne doit pas quitter le parc automobile de l'administration à laquelle elle appartient, son utilisation prend fin avec la fin du service auquel elle est destinée, elle doit regagner le parc avec la fermeture de l'administration. Ces dépassements coûtent une fortune à la communauté nationale. En plus des bons d'essence dont ils usent à volonté et qui sont en fait une majoration de salaire déguisée, ces chauffeurs ne prennent pas soin de ces voitures qui se trouvent souvent dans un état lamentable, et en usent pour le trafic des constats de complaisance. Il est indispensable de montrer plus de rigueur dans l'application des mesures en vigueur ou bien en prévoir d'autres si celles-ci s'avèrent insuffisantes. Il faut combattre cette mentalité de « rizg el bilik »(la propriété de l'Etat), il s'agit de l'argent des contribuables.